Dans une interview à bâton rompu, qu’il a bien voulu nous donner, M Aly Ould Bagna est revenu sur plusieurs faits saillants de la crise, de la réconciliation nationale en passant par les défis majeurs de nos plus hautes autorités. Décryptage !
Sirène : Bonjour Monsieur, veuillez-vous présenter à nos lecteurs.
S.O .B : je suis Sidi Aly Ould Bagna, président du bureau national de la jeunesse Arabe du Mali et secrétaire chargé de la sécurité des populations de l’alliance de la communauté arabe du Mali ALCARAM.
La Sirène : M le président, le Mali a traversé une crise sans précédent, aujourd’hui le gouvernement du Mali est en train d’aller vers une réconciliation nationale. Pensez vous qu’elle est possible ?
Sidy Aly Ould Bagna : je pense que concernant la réconciliation on a toujours été optimiste, quel qu’en soit ce qui se passe, quel qu’en soit ce qui va se passer je crois qu’à un moment donné les enfants du terroir, les fils du pays vont se retrouver autour de l’idéal. L’idéal c’est ce qui nous uni et c’est la République ; ce sont les idéaux. En un moment donné, certains peuvent être dans un sens. Les gens peuvent avoir des visions différentes mais je suis sûr et certain que les gens ont le même objectif et la réconciliation a toutes les chances de réussir. Je viens d’une tournée à l’intérieur précisément à Tombouctou. Je crois que la réconciliation est en marche. J’y crois fermement.
La Sirène : Actuellement est ce que tous les maliens ceux du nord et du sud sont réellement prêts psychologiquement pour se réconcilier ?
Sidy Aly Ould Bagna : Il ne faut jamais mettre en exergue ce qui s’est passé, il y’a beaucoup de choses qui se sont passées dans ce pays qui fait en sorte que certains ont oublié, certains ont pardonné, certains restent sur leur méfiance et d’autres sont restés réservistes. Il est tout à fait normal que certains gardent leur distance sur les autres pour aller à une réconciliation mais je pense que quel qu’en soit, aujourd’hui les gens sont obligés de croire. On a vu tout ce qui s’est passé en matière d’amalgame, en matière de stigmatisation mais je crois que les gens sont en train de voir la réalité en face, ils sont en train de faire une bonne lecture du processus. Je pense que la réconciliation nationale est possible.
La Sirène : On parle de réconciliation nationale alors que certains acteurs de la crise ont les mains souillées et d’autre part, une partie de la population est victime, est ce que dans cet état on peut aller vers une réconciliation définitive ?
Sidy Aly Ould Bagna : Vous savez on est en train de rentrer dans un fourretout où tout le monde est victime ; aujourd’hui si vous voyez tout le monde se met dans la victimisation, que ce soit la population interne, la population refugiée, que ce soit le gouvernement, que ce soit les groupes armées mais en réalité qui est le bourreau ? Il faut se poser la question, il faut qu’on comprenne le concept pour faire la différence, il y’a des victimes directes et des victimes indirectes, il y’a des conséquences collatéraux qui rendent les gens victimes. C’est vrai il y’a des mains souillées c’est pourquoi aujourd’hui on est en train de se former pour aller vers la justice transitionnelle parce que le peuple malien depuis les années 1960 à nos jours, une partie du peuple n’a aucun droit, il est spolié dans ces biens. Il n’est pas considéré dans les prises de décision. A un moment donné il est bon que les gens se regardent et se disent la vérité, le plus important aujourd’hui c’est que les gens se disent la vérité. La justice viendra après.
La Sirène : Après la récupération des régions du nord par les forces armées maliennes appuyées par l’opération Serval, il y’a eu des exécutions sur la race blanche notamment les arabes. Est-ce que vous avez tourné cette page ?
Sidy Aly Ould Bagna : Aujourd’hui aucune page ne peut être continuellement et définitivement ouverte. A un moment donné il faut tourner la page. Mais comment il faut tourner la page ? Aujourd’hui des populations sont prêtes à tourner la page au nom de la paix, au nom de la réconciliation nationale mais on ne peut pas tourner la page sans la vérité. Nous avons vu après la libération des régions nord par les forces internationales que la population claire notamment les arabes, les touarègues y compris les peulhs, qui sont restés pour subir toutes les peines qu’on peut imaginer de ceux qui ont occupé les régions nord. C’est quand l’armée nationale du Mali est entrée au sein des villes que les populations claires ont commencé à franchir les frontières et aller au-delà parce qu’ils avaient peur. Ce qui est sûr, les FAMA savent, la République sait et tout le monde sait qu’il y’a eu des exactions, des violations très graves, des meurtres au sein de la population blanche. L’armée malienne sait que les auteurs de ces crimes ont été identifiés notamment l’assassinat du vieux Aly Kabbady, un vieux de 70 ans qui est resté parce qu’il pense qu’il est un patriote et rien ne pourra lui arriver. Celui qui l’a tué on le connait, tout le monde le connait mais au lieu de le punir on lui a octroyé une bourse d’études aux états unis. L’obtention de cette bourse explique qu’il a été félicité pour le travail qu’il a fait ; cela veut dire qu’on autorise et on soutient les exactions de la population blanche. Ce qu’il faut comprendre ce qu’on ne pourra pas éliminer toute une communauté, l’épuration ethnique n’existe pas, elle ne peut pas se faire. Le dernier qui reste se vengera du premier. Donc ça veut dire qu’à un moment donné les gens doivent mettre de l’eau dans leur vin. Aujourd’hui on ne peut pas aller sur du fau, on ne peut pas se réconcilier sur du fau, il faut qu’on se réconcilie sur la vérité et qu’on se donne la main et la volonté nécessaire pour faire ensemble le reste du chemin parce qu’il est très long.
La Sirène : Depuis quelques mois le gouvernement du Mali et les groupes armés sont en négociation à Alger, pensez-vous qu’une entente entre les parties est-elle possible ?
Sidy Aly Ould Bagna : Une entente est possible. Aujourd’hui, on est en train d’aller vers une sortie de crise dans un processus qui n’a que trop duré qui a fait souffrir toutes les communautés de régions du nord, qui a fait souffrir l’état central et les réfugiés. Je pense qu’une solution est possible, mais je reste optimiste qu’avec toutes les complications qu’on peut imaginer, on peut avoir une sortie de crise salutaire favorable et honorable pour que tous les enfants se retrouvent. Moi je pense que toutes les parties ont joué aux enchères donc il est important aujourd’hui de croire à un lendemain meilleur et croire qu’un jour on va se trouver main dans la main et que le vivre ensemble n’est pas loin. Il est là.
La Sirène : Un projet d’accord a été récemment obtenu à Alger et paraphé par toutes les parties à l’exception de la coordination des mouvements armés, est ce que cela ne compromet pas le processus de paix en cours ?
Sidy Aly Ould Bagna : Une partie n’a pas paraphé bien sûr peut être que cette partie n’a pas eu gain de cause ou qu’elle ne se reconnait pas dans l’accord. Mais je pense qu’aujourd’hui il y’a un balai diplomatique qui est en train de se jouer dans les pays voisins, aux nations unies pour ramener tout le monde sur la table de négociations pour qu’il y’ait un accord acceptable par tous et paraphé par tous pour qu’on puisse aller à la vitesse supérieure. C’est-à-dire la mise en œuvre de ces accords pour qu’ensemble, on arrive à reconstruire tout ce qui est gâté. Aujourd’hui les acquis de cinquante ans sont à terre. Il faut reconstruire, reconstituer et créer le nouveau Mali avec un nouveau contrat social pour qu’ensemble tous ceux qui sont de près ou de loin puissent venir assister et contribuer à la gestion politique de l’état.
La Sirène : Récemment vous étiez à Tombouctou pour une mission, quel était l’objectif de cette visite ?
La Sirène :, je suis allé chez moi rencontrer les jeunes, échanger autour du projet d’accord et la culture de la non-violence en milieu jeunes. A un moment donné on a voulu nous mettre dans une violence intarissable et interminable pour régler les différences entre les gens. Nous sommes allés à Tombouctou avec le centre pour le dialogue humanitaire pour faire un atelier de deux jour et appeler la jeunesse à l’union pour qu’i y’ait moins de mal puisque lorsqu’on est unie il est difficile d’avoir de fissures entre nous est seules les fissures pourraient créer le désastre et le KO.
La Sirène : Quel est le message que la jeunesse arabe lance aujourd’hui à la coordination qui n’a pas encore paraphé le projet d’accord ?
Sidy Aly Ould Bagna : Le message de la jeunesse toute entière et spécifiquement la jeunesse arabe c’est de dire que de l’autre côté, nous n’avons pas des vieux, nous avons des jeunes comme nous ; les jeunes ne sont pas seulement victimes, les jeunes sont aussi des acteurs de cette guerre. Aujourd’hui toutes les parties ont paraphé. Nous ne pouvons demander qu’à la coordination d’essayer de voir la souffrance de nos populations pour essayer de voir le meilleur accord possible pour notre pays pour qu’on sort du puits et qu’on avance parce que le plus grand ennemi, c’est le sous-développement. L’ancien Mali personne n’en veut Aujourd’hui tout le monde est d’accord que le Mali a été géré de façon cynique. Il faut aujourd’hui que la gestion soit consensuelle et recentrée aux populations pour que les populations elle-même reprennent leur destin en main.
Interview réalisée par Mohamed Salaha
Source: Sirène