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“Si la révolution burkinabè peut inspirer d’autres populations, tant mieux”

Le rappeur Serge “Smockey” Bambara est l’un des leaders du Balai Citoyen dont la mobilisation a conduit au départ du président Blaise Compaoré le 31 octobre 2014. Trois mois après, il insiste sur l’importance de peser sur la transition politique.

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FRANCE 24 : Qu’est-ce qui vous a conduit à créer le Balai citoyen à l’été 2013, avec l’artiste Sams’K Le Jah ?

Serge Bambara : La jeunesse burkinabè ne se reconnaissait plus forcément dans les partis politiques, ni dans certaines organisations de la société civile. Les jeunes n’avaient plus confiance en eux car Blaise Compaoré aurait déjà pu être chassé du pouvoir à plusieurs reprises, notamment lors de la révolte de 2011, mais ça ne s’est pas fait. Je crois que la société civile a manqué de culot à ce moment-là. D’où la volonté de créer une alternative pour une partie de la jeunesse. Depuis l’été 2013, on a multiplié les actions à caractère politique sur le terrain. On a organisé des sit-in, des marches, des débats publics ou encore des concerts pédagogiques, afin d’éveiller les consciences des citoyens au sujet des problèmes existant au Burkina Faso. Le combat n’était pas gagné d’avance, mais ça a fini par payer. Au final, la révolution s’est véritablement faite par le peuple.

F24 : Comment analysez-vous la transition politique en cours ?

SB: Elle se déroule plutôt bien jusqu’à présent. Après le départ de Blaise Compaoré, les gens sont restés vigilants. Dernièrement, c’est leur mobilisation qui a permis de faire partir le ministre de la Culture, Adama Sagnon, et le ministre des Infrastructures et des Transports, Moumouni Dieguimbé. [Le premier a démissionné le 25 novembre, critiqué pour son implication présumée dans l’affaire Norbert Zongo. Le second, a quitté ses fonctions le 8 janvier, en raison de son passé carcéral présumé aux États-Unis, NDLR.] C’est d’ailleurs notre mot d’ordre : maintenir la veille citoyenne, pour éviter que la victoire ne soit galvaudée.

F24 : Pourquoi le Balai Citoyen n’a-t-il pas souhaité siéger au sein des organes de transition, contrairement à d’autres organisations de la société civile ?

SB : C’est une question de bon sens, car on peut difficilement être à la fois juge et partie, c’est-à-dire émettre des critiques, tout en participant au système. Par ailleurs, rester à l’extérieur des organes de transition permet d’éviter la corruption parfois liée au pouvoir, et donc de garder une certaine éthique. C’est pourquoi la charte du Balai Citoyen interdit aux membres de son équipe dirigeante de s’impliquer au sein de l’exécutif par exemple.

F24 : Le Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP), le parti de Blaise Compaoré, a été suspendu en décembre. Estimez-vous que c’est une bonne décision ?

SB : Le CDP est resté au pouvoir pendant 27 ans, durant lesquels des assassinats ont été commis, des fonds détournés… Il est donc préférable qu’on les oublie, au moins durant la transition politique, d’autant plus que je ne vois pas ce que le CDP pourrait apporter à court terme. Après, ses membres pourront toujours créer un nouveau parti pour se présenter aux élections s’ils le souhaitent.

F24 : Quels sont les principaux défis à relever pour le Burkina Faso dans les prochains mois ?

SB : Il faut tout d’abord restaurer la confiance des citoyens dans les institutions de l’État, à travers la mise en place d’une bonne gouvernance et l’assainissement de la gestion de la chose publique. Des poursuites doivent être engagées au sujet des affaires de détournement d’argent public. Il faut aussi que le gouvernement cherche à élucider au plus vite les affaires Norbert Zongoet Thomas Sankara. Une fois la confiance restaurée, il sera alors possible de mettre en place un véritable programme politique. Les élections présidentielles et législatives, qui auront lieu en septembre, sont également importantes. Mais ce n’est pas l’essentiel pour nous à court terme. Il s’agit surtout d’une priorité pour les organisations internationales et les ambassades.

F24 : Le Burkina Faso peut-il inspirer d’autres pays africains dans lesquels les chefs d’État sont également contestés ?

SB : Nous n’avons pas la prétention de vouloir exporter un modèle qui fonctionnerait partout, car tous les pays ne sont pas identiques. Par exemple, l’opinion publique était totalement aphone au Burkina Faso encore récemment, contrairement à d’autres endroits. Mais il y a des similitudes entre certains pays, où des dirigeants se trouvent au pouvoir depuis de nombreuses années. Donc si la révolution burkinabè peut inspirer d’autres populations, tant mieux. La révolution est possible partout, dès lors que le peuple a réellement la volonté de changer les choses, même si la stratégie à mettre en place n’est pas forcément la même partout.

F24 : Le printemps arabe a-t-il pu influencer les Burkinabés ?

SB : C’est possible, mais il existe tout de même une différence majeure concernant le rôle joué par les réseaux sociaux. Les pays maghrébins sont très connectés, alors qu’à peine 2 % de la population a accès à Internet au Burkina Faso. C’est pourquoi on a dû aller sur le terrain en permanence, depuis plus d’un an. Au final, ce handicap nous a aidés d’une certaine façon, car on a dû être moins théoriques et plus pragmatiques.

 

Source: France24

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