Longtemps campé sur sa position de chef suprême, en attendant son jeune frère Soumaila Cissé venir vers lui pour amorcer le dialogue après les élections présidentielles de juillet-août 2018, le président de la République, Ibrahim Boubacar Kéita, sentant la naissance d’un second front contre lui, mené par deux importants leaders religieux, a décidé de changer de fusil d’épaule en appelant au téléphone le chef de file de l’opposition avant de prendre langue avec la majorité présidentielle. Ce rapprochement entre IBK et son rival politique, Soumaila Cissé, sonne comme un isolement programmé de l’imam Mahmoud Dicko et de son mentor le Chérif de Nioro.
Après le meeting du Haut conseil islamique du 10 février dernier qui a engendré une marrée humaine, les choses bougent à pas de géants en termes de gestes de décrispation du climat politique. Si la sortie musclée de Bouyé Haidara et de l’imam Mahmoud Dicko ne semble guère inquiéter le chef du gouvernent dont la tête est mise à prix, il n’en est pas de même pour le président de la République. Quelques jours après le rassemblement des religieux, suivi de la réponse « pas tendre » de Soumeylou Boubèye Maiga à leurs égards, IBK a vite pris la mesure des choses en posant des actes de nature à contenir le front Dicko-Bouyé Haidara.
Un coup de fil qui isole les religieux
A la surprise générale et contre toute attente, le président IBK est sortie de sa position de tranchée pour faire le premier pas vers le dialogue politique en appelant au téléphone le chef de file de l’opposition Soumaila Cissé qui continue à rejeter les résultats des dernières élections présidentielles. « Oui j’ai appelé mon jeune frère, il n’ya rien de surprenant en cela », a confié IBK à nos confrères de la chaîne nationale.
De l’avis de certains observateurs, ce début de rapprochement entre IBK et son challenger sonne le glas de la désescalade politique et l’isolement par l’opinion nationale et internationale des éventuels contestateurs. Car en dehors des mosquées et des Zawiya, les religieux auront du mal à mobiliser leurs fidèles autour des questions politiques sans l’appui des forces de l’opposition institutionnelle. A preuve, c’est une masse « hybride » qui avait pris d’assaut le stade du 26 mars à l’appel certes des religieux mais également avec la bénédiction des leaders de l’opposition comme Soumaila Cissé, Tiebilé Dramé et Aliou Boubacar Diallo qui n’ont pas hésité à appeler leurs militants à s’impliquer pour la réussite du rassemblement.
Quand IBK jette son dévolu sur Soumaila Cissé
Entre se défaire de son Premier ministre pour se réconcilier avec ses détracteurs religieux, donner l’impression d’un président qui a capitulé, et maintenir Soumeylou Boubèye Maiga contre vents et marées, IBK semble faire le second choix, en optant pour la résistance. Dans cette aventure, seule la carte Soumaila Cissé peut sauver la face. A en croire des observateurs, IBK, en décrochant un accord politique avec le chef de file de l’opposition autour du maintien de Soumeylou Boubèye Maiga à la tête du gouvernement, peut être de nature à sauver la face et engendrer la déconnection entre l’opposition et les leaders religieux.
EPM en alerte au cas où…
Dans la foulée de son entretien téléphonique avec le chef de file de l’opposition, Soumaila Cissé, IBK a rencontré 150 représentants de la plateforme Ensemble pour le Mali pour les appeler à faire bloc derrière le chef du gouvernement. « Le gouvernement tout seul ne peut rien faire, le chef du gouvernement ne peut rien si vous ne l’accompagnez pas », a insisté IBK devant la majorité présidentielle comme pour dire que celle-ci ne fait pas assez pour prendre sa part dans le combat qui oppose Soumeylou Boubèye Maiga à Dicko et Bouyé Haidara. Cette rencontre est aussi perçue comme un appel du président IBK à l’EPM pour qu’elle reste en alerte au cas où un accord n’était obtenu avec Soumaila Cissé et ses camarades.
Sauf s’ils ont d’autres cordes à leur arc, difficilement l’imam Mahmoud Dicko et le Cherif de Nioro sortiraient indemnes après un rapprochement entre IBK et « son jeune frère ».
Oumar B. Sidibé
La rédaction