Paris, Bruxelles, Genève, Istanbul, Tunis, Rabat : ce sont là entre autres destinations pour de hauts responsables maliens qui s’y rendent fréquemment pour des soins ou encore de simples contrôles médicaux. Pendant ce temps, les hôpitaux (à l’agonie) du pays sont devenus des mouroirs pour les (pauvres) populations.
C’est un véritable phénomène au Mali! Président de la République, ministres, directeurs généraux… Tous, au moindre problème de santé, «sautent» dans un avion pour l’étranger. Le premier de la République, lui-même, ne cache plus son faible pour les hôpitaux français, dont le Bégin de Saint-Mandé.
Depuis son accession au pouvoir, il s’est rendu a
u moins cinq fois à Paris pour des soins, voilés sous le sobriquet de visite privée. Rien qu’en 2016, le président élu pour le bonheur des Maliens s’est rendu quatre fois (5 février, 5 avril, 24 juin, 2 octobre et 27 novembre) en France pour des visites médicales. Paris n’est pas la seule destination (sanitaire) d’IBK. Le 8 juillet 2015, il était en Turquie pour le même motif.
En rendant à l’étranger, c’est faire preuve de mépris pour son peuple. Cela reviendrait à dire que le peuple peut se contenter de ce qu’il a, pour ses soins, l’essentiel étant que les gouvernants puissent s’offrir le luxe d’aller faire leur check-up à l’étranger.
Et dire que ces voyages et toutes les dépenses y afférents sont généralement supportés par les (pauvres) contribuables maliens. Scandaleux !
Face à cette tendance quasi systématique du président à aller se soigner à l’étranger, l’argument selon le Mali manque de médecins spécialistes et compétents, n’est pas défendable! Notre pays a un retard sur la France et certains pays (Maroc, Tunisie) fréquentés par nos dirigeants, tout simplement parce que ces pays ont fait de leur politique de santé, une priorité ! Assurément, la vision a manqué!
Cette propension des élites et des fortunés à recourir aux soins d’ailleurs pose l’inéluctable débat de la «fréquentabilité» de nos centres de santé et hôpitaux de référence. Alors que la grande majorité des Maliens est obligée de se contenter des soins au rabais fournis par ces hôpitaux. Aujourd’hui, ceux-ci sont dans un état de délabrement avancés, sinon dans l’agonie.
Combien de fois, des patients se sont entendus dire que le scanner de l’hôpital Gabriel Touré était en panne ? Les patients sont régulièrement redirigés vers des structures privées pour faire leur analyse. Combien sont ces familles qui, impuissantes, ont assisté à une mort lente d’un proche ignorant de quoi il souffrait ?
Même accompagner dignement nos morts, nos hôpitaux peinent à assurer souvent le service minimum. Faites un tour des morgues de Bamako, vous rendez compte de l’état de putréfaction des installations et du conditionnement. Quid des soins les plus élémentaires ? Aucune prestation dans nos hôpitaux n’échappe au « trafic ». Tout est rare. Et ce qui est rare devient cher.
C’est la politique de l’appât du gain. Aujourd’hui, quand une ordonnance est prescrite, c’est seulement 10 % des médicaments qui sont au niveau des pharmacies hospitalières. Consulter, soigner, analyser et même laver les morts, tout est inclus dans le business des affairistes. C’est, entre autres, le mal des hôpitaux maliens. Un mal qui s’accentue jour après jour malgré les dénonciations de la presse et des réseaux sociaux.
Ailleurs, les hôpitaux publics sont valorisés. Au Mali, les CHU Gabriel Touré, point G et (dans une moindre mesure) l’hôpital du Mali, ressemblent à des vrais mouroirs.
Les praticiens justifient cette situation par le manque de matériel. On se souvient des explications de Djimmé Kanté, membre du syndicat de l’hôpital Gabriel Touré. « Ici les conditions de travail sont vraiment déplorables. Lorsque vous arrivez chez nous, à l’hôpital Gabriel Touré, facilement on vous dit : il n’y a pas de gants, allez acheter vos gants vous-mêmes. Parce qu’il n’y a pas suffisamment de gants pour les médecins. Et souvent les médecins sont très exposés par rapport à ça. Egalement, vous partez au laboratoire pour un simple prélèvement, on vous demande d’aller chercher une seringue, ce qui est tout à fait anormal. Le strict minimum, les médicaments essentiels… Le labo est pratiquement vide.
Et puis les analyses ne sont pas du tout fiables du fait que certains réactifs sont vendus n’importe comment et les équipements sont souvent achetés vraiment dans des conditions très douteuses. Donc c’est un vrai problème. Nous grevons aussi pour ça parce que lorsque nous demandons l’amélioration du plateau technique, lorsque nous demandons le recrutement de personnels qualifiés, je pense que c’est justement pour pallier à des insuffisances de ce genre », avait déclaré le syndicaliste sur une chaîne internationale au moment le secteur de la santé observait une grève illimitée.
En effet, le Mali a vécu, sous le règne d’Ibrahim Boubacar Keïta, une situation inédite dans son histoire, à savoir une grève illimitée des agents de santé. Ce qui engendre des conséquences incalculables dans un contexte où les soins de santé sont déjà précaires et à un moment de forte chaleur. Durant cette grève, certains patients, n’ayant pas les moyens de se faire soigner dans les cabinets médicaux privés se sont tournés vers la médecine traditionnelle. Pauvres Maliens ! Alors que le candidat IBK avait promis, en 2013, à l’accès à un soin de qualité pour tous.
Ce que IBK avait promis
Avec son projet présidentiel « Le Mali d’abord », qui compile des actions irréalistes et irréalisables, et son slogan «Pour l’honneur du Mali-Pour le bonheur des Maliens », IBK a étourdi des Maliens qui l’ont plébiscité avec plus de 77% au second tour.
Dans le domaine de la santé, le candidat s’était engagé à « réussir un nouveau programme quinquennal de développement socio-sanitaire ». Les objectifs, selon son projet, sont multiples. En bonne place figurent l’amélioration de la qualité des services de santé dans les établissements hospitaliers et autres établissements de recherche; le renforcement des capacités institutionnelles et décentralisation; rendre les services de santé de proximité disponibles et accessibles dans les structures publiques, communautaires et privées avec un accent pour les zones pauvres, les zones déshérités.
S’y ajoutent la disponibilité des soins de référence dans tous les cercles ; la réduction de la mortalité néonatale, infantile, infanto juvénile et maternelle, la fécondité et la malnutrition ; l’amélioration de la disponibilité des ressources humaines qualifiées et des médicaments essentiels, des vaccins et des consommables médicaux. Le candidat avait aussi promis de créer de nouveaux centres de santé communautaire.
À moins d’une année de la fin de son quinquennat, tout ceci n’est encore que mirage. Et IBK n’a pratiquement posé aucun acte fort pour respecter ses engagements. Au contraire…
Aujourd’hui encore, le nombre insuffisant des infrastructures hospitalières fait des quelques structures existantes des véritables mouroirs, car n’offrant plus les services de qualité aux patients qui dans la plupart des cas rendent l’âme dans l’attente des premiers soins. Il faut ajouter à ce facteur le manque de personnel médical pour la prise en charge des patients.
De ces maux, le régime n’a certainement aucune idée. C’est triste et c’est dommage pour le Mali.
Aujourd’hui, l’incapacité du régime actuel à satisfaire les attentes des Maliens ne fait finalement l’ombre d’aucun doute. Après la déception et la résignation, la grande majorité des Maliens sont sur la dernière échelle des émotions : la colère. Une colère noire, à l’égard de celui qui a promis un Mali vertueux. On en serait pas là, si IBK avait honoré le 1/100ème de ses promesses « électoralistes ».
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