L’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger signé entre les parties maliennes est à nouveau à la croisée des chemins. Et pour cause : la Coordination des mouvements armés (CMA) semble trouver un nouveau prétexte de garder ses armes, à travers la décision du Président de la République d’annuler de façon unilatérale la réunion du CSA à Kidal, le 17 septembre dernier.
« Les discussions sur l’accord d’Alger se prolongent indéfiniment au Mali. Les autorités intérimaires représentant les groupes armés se maintiennent en repoussant toute élection libre au Nord. Il n’y a ni désarmement véritable ni force mixte des trois catégories de signataires de l’accord d’Alger. Les groupes armés se multiplient, le jihadisme s’enracine et la dégradation sécuritaire fait tache d’huile dans la région », regrette l’ancien ambassadeur de France au Mali, Nicolas Normand, pour qui Paris s’est rendu coupable de plusieurs erreurs de casting dans la gestion de la crise multidimensionnelle.
Selon lui, le principe même de l’intervention militaire française de 2013 était de combattre les seuls jihadistes et de rechercher une « solution politique » avec les autres groupes armés. L’idée simple était que le conflit provenait d’une énième (la 4e) rébellion touarègue qu’il fallait donc traiter « politiquement », en satisfaisant si possible les doléances des « Touaregs ».
« Vu de Paris, ceux-ci étaient en effet considérés a priori comme un ensemble homogène et opprimé ou négligé par Bamako. Les sécessionnistes eux-mêmes se présentaient opportunément comme «laïques» et défendaient habilement une noble cause, le droit à une vénérable culture minoritaire, soi-disant opprimée. Ils prétendaient, bien à tort, représenter l’ensemble des Touaregs. Ils étaient dès lors considérés comme un groupe armé légitime, s’ils acceptaient de se dire simplement «autonomistes». On fermait les yeux sur leur activité dans le narco-trafic et leurs accointances avec les islamistes. On s’abstenait de s’interroger sur leurs véritables motivations dans le contexte sociologique local ainsi que sur leur représentativité parmi les Touaregs. On fermait enfin les yeux sur le fait qu’un État démocratique comme le Mali était censé conserver le monopole de la force légitime ou qu’il aurait peut-être fallu l’y aider en désarmant tous les coupe-jarrets », soutient l’ancien diplomate dans un document intitulé « Le Sahel peut-il retrouver la paix ? »
Une autre réalité au nord de notre pays, notamment à Kidal, selon Nicolas Normand, c’est que ce sont les Ifoghas, qui ont toujours été à la base de soulèvements contre l’État central. « Pour eux, le contrôle de Kidal est non négociable et une élection les mettrait sous la dépendance de leurs vassaux imghads. Ils préfèrent de loin le statu quo des actuelles « autorités intérimaires », martèle-t-il.
Conclu sur une telle base laxiste, l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale a toutes les peines d’être appliqué. La CMA profite toujours de la moindre décision des autorités pour appeler à faire le point. Comme c’est le cas, depuis le 16 septembre, lorsque l’État du Mali, à travers le Président de la République, a demandé le report de la tenue du CSA à Kidal. Cette décision fait l’objet de colportage par la CMA qui multiplie les rencontres et les contestations en vue de demander une rencontre avec le gouvernement du Mali ‘’sur un terrain neutre’’. Pour de nombreux observateurs, il ne s’agit ni plus ni moins que d’un dilatoire pour la CMA qui se sent mieux à l’aise avec ses armes et son contrôle sur la ville de Kidal que dans une quelconque unité nationale.
Par Sidi DAO
Source : Info-Matin