Le Chef de l’Etat de la Transition, Bah N’DAW, lors de sa prestation de serment diagnostiquait et rassurait : ‘’(…) une telle mission, je le sais, se mènera sur le socle de la guerre sans merci qu’il faudra continuer à livrer aux forces terroristes et au crime organisé. Ces fléaux accablent certaines parties du pays depuis plus d’une décennie. Leur sanctuaire s’élargit au détriment de la sécurité nationale. Les demi-victoires ne suffisent plus pour les vaincre. Nous devons gagner totalement et durablement. Pour cela, il faut certes une gestion politique là où celle-ci est nécessaire mais il est important de se doter de moyens les plus dissuasifs possible à travers une armée aguerrie, matériellement soutenue et moralement prête’’. Il ne demande pas d’aide militaire supplémentaire ; mais point besoin d’être d’une école de guerre pour comprendre que lorsqu’on s’ensable et s’embourbe, le salut peut résider dans un changement de stratégie et de partenaire. Notre coopération militaire n’est-t-elle pas en train de glisser vers Moscou ?
Pour ce probable changement de cap, il y a des arguments subjectifs qui pourraient entrer en ligne de compte. Il y a le Chef de la Transition, le colonel-major Bah N’DAW qui a été formé en Union soviétique comme pilote d’hélicoptère.
Par ailleurs, Assimi GOITA, le chef du CNSP, revient juste d’une formation en Russie, tandis qu’un autre parmi les putschistes est attendu à Moscou pour une formation. Le Colonel Sadio CAMARA, revenait donc d’une formation d’un an au Collège militaire supérieur de Moscou et le Colonel Malick DIAW, qui lui-même était retenu pour repartir en septembre en Russie. Ils peuvent forcément avoir un attachement sentimental à la Fédération de Russie qu’ils connaissent très bien.
A cela, il faut ajouter que l’ambassadeur de Russie au Mali est l’un des premiers diplomates étrangers à être officiellement reçu par la junte. À sa sortie, Igor Gromyko n’a prononcé devant la presse qu’une seule phrase : « Nous avons discuté de la sécurité. » L’ordre du jour est évocateur.
Plus tard, le vendredi 16 octobre 2020, le colonel Sadio CAMARA, ministre de la Défense et des anciens combattants reçoit successivement les ambassadeurs de la Fédération de la Russie au Mali, SEM Igor Gromyko et celui de la Chine, SEM Zhu Liying. ‘’Ces rencontres avaient pour objectif de prendre contact avec le nouveau ministre de la Défense et des Anciens Combattants mais aussi d’échanger sur des questions d’intérêt mutuel’’, selon un communiqué de la Défense.
Pour les considérations objectives, il faut rappeler que le 25 juin 2019, le Mali et la Russie ont conclu un accord de coopération militaire, qu’ont signé leurs ministres de la Défense respectifs, Sergueï Choigou et Ibrahim Dahirou DEMBELE, en marge du forum Armée 2019, près de Moscou. Le 10 juin, Tiébilé DRAME, le ministre malien des Affaires étrangères, avait précédé Dembélé dans la capitale russe.
Toujours dans la veine des considérations objectives, l’aide de nos partenaires internationaux est jugée largement en-deçà des attentes d’une frange de la population. C’est donc dans l’ordre naturel des choses que des manifestants, lors des mobilisations du M5-RFP scandaient : « On veut coopérer avec la Russie », « On veut la Russie ! », « Poutine, Poutine ! », « Depuis le jour où IBK a signé un accord militaire avec la France, le Mali est foutu.
Au moment où l’un des problèmes du pays est l’insécurité au nord et au centre, des Maliens ne cachent plus qu’ils souhaitent le renforcement de la coopération militaire avec Moscou.
Ainsi, certains manifestants ont dit préférer une interaction avec la Russie et la Chine, plutôt qu’avec la France.
Il faut dire que les relations entre nos deux pays ne datent pas d’aujourd’hui. Elles nous renvoient aux années 1960 et se manifestaient sous la forme de formation, d’acquisition de matériel…. Est-ce le retour aux vieilles amours ?
Par Bertin DAKOUO
Source : INFO-MATIN