Nombre de braves dames s’adonnent à la commercialisation de cette céréale. Qu’elles la revendent fraîche ou grillée, elles tirent leur épingle du jeu. Les propriétaires de champs chez qui elles s’approvisionnent, se frottent également les mains
La pluie de lundi dernier a bien arrosé Kalaban Coura et plusieurs autres quartiers du District de Bamako. Un vent frais matinal adoucissait le corps et l’esprit des usagers de la route menant à l’aéroport international président Modibo Keita-Sénou. Malgré la fraîcheur, des femmes revenaient des champs de maïs dans la zone aéroportuaire. Du Parc des expositions jusqu’au-delà de la direction de la Météo, il y a des champs de maïs à perte de vue. Certaines, portant sur la tête des sacs de 50 kg contenant des épis de maïs frais, semblaient à bout de souffle. D’autres, avec leur bébé au dos, portaient aussi sur la tête de vieux draps remplis de maïs. Les moins téméraires étaient assises sur des sacs de maïs, en attendant l’arrivée des conducteurs de tricycles pour les convoyer.
Une d’elles, Mah Diarra, se décharge de son fardeau, arrivée à quelques mètres de «la porte d’entrée de Bamako» en venant de l’aéroport. «Mon chemin finit ici. Les autres continuent. Certaines viennent de Kalabancoro, de Dialacorobougou, de Djélibougou. D’autres habitent Kalaban Coura. Nous revenons des champs de maïs situés juste derrière. Tu vois les pieds de maïs ? C’est là que nous nous ravitaillons chaque jour de maïs pour ensuite les revendre au détail. Je fais ces affaires au bord de cette route», explique la vendeuse sur un ton courtois.
Sans hésiter, elle se propose de nous conduire au champ de maïs et couvre sa marchandise avec un vieux pagne. Nous empruntons une voie boueuse. Le véhicule patine. Comme pour détendre l’atmosphère et nous mettre à l’aise, Mah explique qu’elle fréquente quotidiennement ce chemin depuis le début de la récolte de maïs. «Très tôt le matin, nous nous regroupons pour aller nous ravitailler», ajoute-t-elle. Le temps passe vite.
Nous voilà dans le champ de Abdou Kadr Coulibaly. Le cultivateur émerge d’une touffe de pieds de maïs et nous accueille cordialement. «Il fait partie des propriétaires de champs de maïs les plus heureux en cette période. Son champ ne désemplit pas de clientes», commente un jeune homme.
Des affirmations que confirme Abdou Kadr Coulibaly. «Je suis cultivateur. Cela fait plus de 10 ans que je cultive le maïs. Les femmes sont mes clientes. Quand le produit arrive à maturité, je les reçois tous les jours», ajoute le paysan.
En effet, les revendeuses de maïs viennent ici depuis 7 heures du matin. L’affluence peut continuer jusqu’à 10 heures. Dans l’exploitation de Abdou Kadr Coulibaly, la moisson a débuté une semaine après la fête de Tabaski. «Je laisse aux femmes le soin de récolter le maïs, ensuite nous faisons le décompte», explique l’exploitant. Sur une superficie d’environ un hectare, il peut vendre entre 50.000 et 100.000 Fcfa par jour jusqu’à la fin de la récolte.
Le champ de maïs de Zoumana Mariko est contigu à celui de Coulibaly. «Il sera là dans peu de temps. Comme l’état de la route est mauvais, il transporte les sacs de maïs de ses clientes sur sa moto pour les déposer au bord de la route. Ils sont ensuite acheminés à destination à bord de motos tricycles», explique une dame, rencontrée sur les lieux.
Quelques minutes plus tard, Mariko revient nous rejoindre. Cette année, il dit avoir cultivé deux hectares qui lui rapportent entre 150.000 et 200.000 Fcfa par jour. Celui qui exerce ce travail depuis sept ans se plaint de problèmes d’équipements agricoles et d’espace cultivable.
ÉTUDIANTE VENDEUSE- À peine nous terminons les échanges avec Mariko, Fanta Diallo sort du champ. La frêle tire un sac de maïs de 50 kg fraichement cueillis. L’étudiante à la Faculté des sciences économiques et de gestion de Bamako vend du maïs au niveau du quartier Golf. Profitant ainsi de l’arrêt des cours pour se faire un peu d’argent. «Il faut suer pour avoir de l’argent», estime la jeune dame.
Pour ce faire, elle se réveille tôt le matin chaque jour pour faire ses travaux ménagers, avant de mettre le cap sur les champs de maïs. Grâce au profit tiré de cette activité, elle complète l’argent de la popote. «En plus, j’arrive à subvenir à mes petits besoins. J’achète entre 6.000 à 7.500 Fcfa de maïs par jour pour un bénéfice journalier variant entre 3.500 et 4.000 Fcfa. En effet, je grille le maïs pour le vendre à 100 Fcfa. Je propose aussi aux clients des tas de maïs frais à 500 Fcfa, l’unité», ajoute la jeune mère. Après un temps d’essoufflement, elle charge la marchandise sur sa moto. Direction le quartier Golf où l’attendent des clients.
Pendant ce temps, Mariam Samaké attache son sac de maïs frais avec une corde solide. Elle vient de récolter une importante quantité pour un montant estimé à 15.000 Fcfa. Mariko a déjà déposé un sac au bord de la route bitumée.
«Je viens de Kalaban coro. Ce commerce m’aide à joindre les deux bouts. Mon mari travaille. J’essaie de l’aider dans ses dépenses en menant cette activité», explique-t-elle, soulignant qu’elle peut faire un bénéfice journalier de 5.000 Fcfa ou plus.
Les champs situés sur la route de l’aéroport ne sont pas les seuls fournisseurs de Bamako en maïs frais. À Missala comme à Gouana, plusieurs propriétaires de champs se frottent les mains en cette période. Sur la route appelée «Pont de Moussa Mara», il n’est pas rare de rencontrer des charretiers chargés de maïs frais en direction de Kalaban et autres quartiers de Bamako.
Mariam et Fatoumata suivent une charrette en marchant. «Nous revenons de notre champ. Avant d’arriver à destination, nous vendons la moitié du chargement en cours de route. Les gens aiment le maïs fraichement cueilli», indique Fatoumata.
Ces propriétaires de champs ne peuvent pas servir tout Bamako, analyse Mariama Sidibé, vendeuse de maïs frais à Ouolofobougou. «Bamako est également servi par Bougouni. Chaque matin, des véhicules déchargent du maïs frais à Oulofobougou. Nous en achetons et vendons sur place en gros comme au détail. Des gens viennent de Sabalibougou, du marché de Médine et d’ailleurs pour s’approvisionner », explique-t-elle.
Non loin d’elle, Ali Bamba est arrêté sur le bas-côté de la route. Il attend son chargement de maïs frais. Le chauffeur est coincé dans l’embouteillage. «Je suis en retard aujourd’hui, car nos véhicules ne peuvent pas circuler à certaines heures de la journée. C’est le matin de bonheur que nous déchargeons nos sacs de maïs», relève-t-il, un peu frustré.
Ce jeune homme a commencé ce commerce en 2009. Le maïs qu’il vend vient en majorité de l’arrondissement de Garalo, notamment à Gninèdougou (dans la Commune de Mafilè, Cercle Bougouni) ; Fakola à Kolondiemba, Sibirila à Manacoro. 85% des maïs frais vendus à Bamako proviennent de ces localités, selon lui. «J’ai des parents dans les différentes localités. Je connais aussi beaucoup de propriétaires de champs. Je leur envoie de l’argent et ils chargent le véhicule pour m’envoyer la marchandise.
Je sers les femmes de ce marché. Je peux souvent gagner entre 100.000 à 150.000 Fcfa par chargement de camion à six roues», indique Bamba.
La saison de maïs frais se referme dans ces localités d’ici le 20 septembre. Les épis ont déjà commencé à sécher. Les champs situés dans la périphérie vont ravitailler la capitale. Les maïs cueillis dans ces champs ravissent déjà la vedette, constate le commerçant Bamba. Pour cause, ils sont cueillis et vendus le même jour. «Les gens aiment le maïs frais», argumente-t-il.
Aminata Dindi SISSOKO
Source : L’ESSOR