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Sahel : zones de turbulence

Depuis plusieurs semaines, les relations entre la France et le Mali ne cessent de se dégrader. Bamako qui a déclaré l’ambassadeur de France, Joël Meyer, personae non grata à Bamako, avec un ultimatum de 72 heures pour quitter le pays, ne digère apparemment pas les propos tenus à propos de la junte dirigée par le colonel Assimi Goïta par le ministre Jean-Yves Le Drian.

 

Relations exécrables donc entre le Mali et la France. Certains n’hésitent pas à assimiler cette situation à un point de non retour entre la junte militaire malienne et l’ancienne métropole. Les propos de Jean-Yves Le Drian, traitant la junte militaire malienne «d’illégitime» et «d’irresponsable» ne sont que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Le point de discorde véritable est bien cette présence militaire russe à travers le groupe de sécurité privé Wagner que d’aucuns considèrent comme le bras armé du Kremlin. Une armée parallèle qui a déjà fait ses «preuves» en Syrie et en Centrafrique.

Paris, très engagée dans le dispositif de lutte antiterroriste, ne veut pas de l’immixtion de la Russie dans son pré-carré. Les enjeux économiques et géostratégiques transcendent, dans les débats actuels, la simple question de défense de la démocratie, quand la communauté internationale s’émeut de la tournure que prend la transition au Mali. C’est le retour en force de jeux d’influence dans une zone ouest-africaine où la recrudescence des coups d’État inquiète. Des craintes qui ont été confirmées par la récente tentative de putsch en Guinée Bissau.

Soumise à la pression occidentale à cause de ses manœuvres sur la frontière avec l’Ukraine, la Russie chercherait ainsi un point d’équilibre (de la terreur ?) avec les Européens et les Américains en manœuvrant dans des zones que les pays membres de l’Otan considéraient jusque-là comme leur chasse gardée.

Mais il faut bien reconnaître que ces enjeux vont au-delà d’une  simple question de remplacement de la force européenne Takuba par des militaires au service de Moscou. Le colonel Assimi Goita veut certes asseoir son pouvoir, pour une durée aussi longue que possible, mais il doit aussi tenir compte de la donne politico-sociale locale. La durée de la transition est donc essentielle, tout autant que les perspectives politiques qui en découlent, avec le rôle et le statut qui seront attribués, à leur sortie du pouvoir, aux membres de la junte.

Pour le moment, ce qui compte c’est de faire baisser la tension entre Paris et Bamako. «La remise en cause de la légitimité du pouvoir en place, est un non sens puisque la France ne peut laisser son ambassadeur auprès d’un régime qu’elle ne reconnait pas», estime Abdoulaye Diop, ministre des Affaires étrangères du Mali. Une manière de dire que la France doit se résoudre à accepter un compromis entre la légitimité et la légalité découlant du fait accompli : le coup d’Etat qui a mis fin au pouvoir d’IBK. Son champ d’action est celui dans lequel manœuvre également la Cedeao – et l’ensemble de la communauté internationale – pour un retour rapide à la «démocratie».

Cette «normalité» qui permettrait à la France de continuer à mener sans embarras sa lutte contre le terrorisme au Sahel, précisant que cette zone «va au-delà du Mali». Le redéploiement des forces de Barkhanes, avec une réduction des effectifs, permet à la France de déplacer l’essentiel de ses effectifs militaires (5000 hommes) du Mali vers le Niger et le Burkina Faso.

L’une des conséquences de ce désamour entre Paris et Bamako sera la révision à la baisse du soutien que Barkhane (France) et Takuba (UE) apportaient à la MINUSMA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali), dont les effectifs  s’élèvent à environ 15.000 personnes (dont près de 13.000 militaires). L’arrivée des «troupes» de Wagner ne comblera probablement le front dégarni de la lutte contre le terrorisme, mais elle assurera une «protection» aux autorités de Bamako, comme elle l’a fait en Centrafrique. Un changement d’alliance qui pourrait être plus ou moins long, en fonction de la pression économique que tout pouvoir de transition peut difficilement supporter.

 

Source : Afrimag
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