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Rwanda: un combat pour la justice

Alain et Dafroza Gauthier ont passé les 13 dernières années à réunir des preuves contre les Rwandais établis en France et suspectés d’avoir participé au génocide de 1994.

Alain Dafroza Gauthier victimes génocide rwandais

Alors que s’ouvre mardi le premier procès français d’un Rwandais, Pascal Simbikangwa, accusé de complicité de génocide, les époux Gauthier ont parlé de leur combat à la BBC.

La mère de Dafroza et une douzaine de ses proches a fait partie des 800 000 Tutsi et Hutu modérés assassinés en 100 jours.

Etabli dans la ville française de Reims, le couple, dont le combat s’est inspiré de cas portés devant la justice en Belgique, dédie son temps libre à rassembler des preuves de culpabilité de suspects. Ils ont fondé en 2001 le Collectif des parties civiles pour le Rwanda.

Les époux Gauthier ont été interviewés par la BBC, voici leur témoignage :

« Ma femme est rwandaise et un certain nombre de ses proches ont été tués pendant le génocide. Nous sommes de simples citoyens dotés d’une conscience, et nous savons que la présence de personnes suspectées de génocide en France est intolérable pour les familles des victimes.

Donc, sans aucune connaissance légale, nous avons débuté ce travail et nous avons fait des recherches.

Un jour, nous avons découvert un suspect en France, et nous sommes donc partis au Rwanda pour trouver des témoins- et monter un dossier.

Ces témoins étaient soit des survivants soit des tueurs- les personnes libérées après avoir purgé leur peine et celles encore emprisonnées nous ont donné les meilleures informations.

L’argent a été un vrai souci. Au début, nous devions payer nous-mêmes notre transport, puis le Collectif des parties civiles pour le Rwanda, qui dispose d’au moins 150 membres, a été d’une grande aide.

Nous avons reçu des dons- mais aujourd’hui nous ne bénéficions d’aucun véritable soutien financier.

Lorsque nous trouvons des suspects, c’est parce que nous avons suivi des pistes données par des personnes suspectant des habitants de leur quartier d’avoir pris part au génocide- ces informations nous parviennent de différentes sources.

C’est ensuite à nous de les vérifier et si nous en avons les moyens nous nous rendons au Rwanda pour mener des investigations.

Le travail a toujours été énorme. Pour chaque cas, nous devions retourner au Rwanda quatre ou cinq fois, et rester dans le pays parfois deux à quatre semaines.

Depuis des années je me rends au Rwanda pendant mes vacances- je suis un enseignant à la retraite.

Cela me demandait un travail intense de traduction, ce que faisait ma femme, et ensuite nous donnions l’information à nos avocats qui prenaient plusieurs mois à préparer les documents pour la justice.

“Sans haine ni vengeance”

Parmi les suspects, nous avons découvert trois médecins, un prêtre, un ancien gouverneur- une majorité d’entre eux sont des membres respectés de la société.

C’est très difficile de connaître le nombre de personnes suspectées de génocide vivant en ce moment en France- mais jusqu’à présent nous avons porté plainte contre 25 personnes.

Sans notre organisation, et le travail d’autres organisations ou individus, il n’y aurait pas d’enquêtes menées contre des personnes suspectées de génocide en France.

Le gouvernement ne nous aide pas. Et puis il y la justice française qui pendant longtemps a trainé des pieds et n’avait pas les moyens d’ouvrir des enquêtes. Cela a changé il y a deux ans…mais le gouvernement a continué de ne pas nous aider.

Juger des suspects de génocide est l’occasion de se souvenir du rôle joué par le gouvernement français au Rwanda en 1994.

Nous pensons qu’il y a eu une complicité diplomatique, financière et militaire de la part du gouvernement… donc faire venir tout cela sur le sol français cause beaucoup de gêne chez ces anciens responsables- et certains d’entre eux ont toujours beaucoup de pouvoir.

Notre travail ne fait plaisir à personne et jusqu’à present, nous n’avons reçu aucun soutien du monde politique français.

Pascal Simbikangwa est le premier à être jugé en France, ce qui vient un peu tard. Nous espérons seulement que cela marquera une sorte de tournant dans la justice française et que de nombreux autres seront jugés très prochainement.

Ce que nous faisons, nous le faisons parce que nous croyons que la justice peut seule donner aux victimes la dignité qui leur a été volée.

Nous espérons faire cela « sans haine ou vengeance », pour reprendre l’expression du chasseur de nazis Simon Wiesenthal.

Ce qui nous motive, c’est de rendre aux victimes leur dignité. »

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