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Retrait des forces de la Minusma du Mali : Les inquiétudes d’Alger et de la communauté internationale

Le brusque retrait des forces de la Minusma (Mission des Nations unies au Mali), à la demande de Bamako sans aucune concertation autour de l’occupation de ses positions au nord du pays, est une aubaine pour les groupes terroristes qui commencent déjà à faire leur avancée notamment à Tombouctou et à Gao. En effet, avec ses 19 000 soldats, dont 8000 administratifs, le déploiement de cette mission avait un but dissuasif.

Elle permettait d’occuper le terrain, mais aussi d’aider et de veiller au respect de l’accord de cessez-le-feu de 2014, ainsi qu’à l’exécution de l’Accord d’Alger, signé en 2015 à Bamako entre les mouvements rebelles de l’Azawad et le gouvernement malien.

Le retrait des premières positions stratégiques a ouvert la voie aux groupes terroristes, assez nombreux et bien armés, face à des forces maliennes avec peu de moyens humains et matériels. Les mouvements de l’Azawad et après les premiers affrontements avec les militaires qui prenaient le contrôle du campement de la Minusma dans la région de Ber, à Tombouctou, ont dénoncé le retrait anticipé des forces onusiennes et la rétrocession des positions à l’armée malienne après concertation uniquement avec la partie gouvernementale.

La CMA (Coordination des mouvements de l’Azawad) avait même menacé : «Si la Minusma remet ses camps aux forces armées, elle sera la seule responsable de ce qui se passera et la partie gouvernementale malienne sera également responsable, parce qu’elle a réclamé quelque chose qui ne lui appartient pas. Nous n’accepterons pas un nouveau déploiement des forces armées maliennes dans les zones sous notre contrôle, en dehors du cadre de l’Accord d’Alger.»

La situation s’est dégradée sérieusement, notamment, après les derniers bombardements des positions sous le contrôle de la CMA, à Tombouctou,  au moment où le ministère de la Réconciliation appelait les signataires des accords de cessez-le-feu et de réconciliation, à revenir à la voie du dialogue pour, a-t-il souligné, faire face aux défis que connaît la région. Du côté de la CMA, les menaces de rupture de ces accords sont brandies. La crainte d’un remake de 2011 avec le déclenchement du conflit armé pèse lourdement. D’abord en Algérie, qui, à travers son ministre des Affaires étrangères Ahmed Attaf, a annoncé qu’elle réfléchissait à une alternative à la décision de retrait de la Minusma.

Lors d’une conférence animée mardi à Alger, le ministre a clairement affirmé qu’il «faudra trouver une alternative à la Minusma et nous y réfléchissons avec le soutien des Nations unies», qui, selon lui, partageait «la même réflexion» et a rappelé le rôle de cette force onusienne,  «financée à hauteur de 1,2 milliard de dollars au nord du Mali, pour exercer un effet dissuasif sur les groupes terroristes et servait notamment de support et d’appui à la mise en œuvre de l’accord d’Alger. C’est elle qui garantissait le cessez-le-feu, elle occupait le terrain et allait jusqu’à assurer le secrétariat de la médiation internationale. Elle faisait un travail de soutien logistique à la mise en œuvre de l’accord d’Alger».

Retour à la case départ ?

Lundi dernier, soit une journée avant cette conférence de presse, à l’Onu et devant le Conseil de sécurité, El Ghassim Wane, représentant spécial du secrétaire général de l’Onu pour le Mali, a exposé son rapport sur la Minusma, dont le processus de clôture doit être, selon lui, achevé avant le 31 décembre 2023. Pour le responsable onusien, «le calendrier serré et la cessation immédiate du mandat n’a pas permis d’envisager une période de transition proprement dite.

Dans ce contexte, il est important de reconnaître que certaines tâches ne pourront pas être transférées de manière effective», expliquant : «Fermer une mission construite sur une décennie en l’espace de six mois est une entreprise complexe et ambitieuse (…) Outre le rapatriement de 12 947 membres du personnel en uniforme, il y a une multitude de contraintes liées à la géographie, au climat, à la logistique et à l’infrastructure, ainsi qu’aux risques sérieux liés à la situation sécuritaire actuelle».

Wane est revenu sur la dégradation de la situation sécuritaire révélant : «La première phase de retrait de la Minusma qui se concentrait sur la fermeture des avant-postes les plus petits et les plus éloignés des camps de l’ONU à Tombouctou, Gao et Mopti, a été émaillée par des incidents sécuritaires lors de la fermeture du camp de Ber, au cours desquels quatre Casques bleus ont été blessés lorsque le convoi de la Minusma a été attaqué à deux reprises par des extrémistes non identifiés (…).» Pour le responsable, «ce retrait s’est avéré difficile» du fait que  «les autorités maliennes et les mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali étaient en désaccord sur le sort du camp après le départ de la Minusma».

Sur ce point précis, a-t-il expliqué, «la Coordination des mouvements de l’Azawad a invoqué les arrangements sécuritaires de 2014 pour objecter sur le déploiement des forces armées maliennes dans les zones qu’ils contrôlent et insister sur la nécessité d’opérer dans le cadre de l’accord de paix», puis a précisé que «les bases de la Mission sont légalement transférées à l’Etat malien». Le responsable onusien a toutefois «encouragé les parties à parvenir à un accord pour éviter des incidents inutiles, dont les conséquences pourraient compliquer le processus de retrait et compromettre sérieusement les perspectives de reprise de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali».

Lors du débat qui s’en est suivi, les représentants de nombreux pays ont exprimé leur préoccupation en raison du retrait immédiat de la mission onusienne et les risques qu’il comporte, et mis en avant  l’importance de la réactivation de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, signé par le gouvernement malien et les mouvements de l’Azawad.   «On peut déjà constater les conséquences néfastes du retrait précipité de la Minusma», s’est inquiété le Japon, alors que Washington a appelé le gouvernement de transition et les mouvements signataires «à revitaliser leur engagement en faveur de l’accord d’Alger qui constitue la meilleure solution pour la pérennisation de la paix».

Le Royaume-Uni a, quant à lui, «conseillé» au Conseil de sécurité «de se tenir prêt à réviser le calendrier du retrait de la Mission, parce que, a-t-il expliqué, un retrait précipité mettrait en péril l’accord d’Alger de 2015, ainsi que la vie des soldats de la paix et aurait des implications sécuritaires pour l’ensemble de la région». Pour la communauté internationale, il est clair que le  retrait de la Minusma du nord du Mali peut avoir des conséquences désastreuses sur la région et même au-delà.

elwatan-dz

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