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Requiem de la Françafrique au Mali !

Les autorités françaises peuvent encore s’amender et rompre avec ce tropisme de l’arrogance et de la prédation en Afrique. Aux invectives, pour le cas de Assimi Goïta et Choguel Maïga, se sont ajoutées d’autres outrances verbales injurieuses en totale rupture avec la pratique diplomatique. Cet accès de discourtoisie et de grossièreté permettent de voir la vraie nature des relations que les autorités françaises entendent maintenir encore dans les liens avec l’Afrique francophone. Les dérapages verbaux d’Emmanuel Macron à l’égard des autorités maliennes sont sans précédents dans l’histoire entre les deux pays.

Le postulat de départ de ce système non écrit appelé françafrique qui commande aux relations des autorités françaises, notamment celles de la 5ème République, avec les pays francophones d’Afrique est le suivant : J’en ai le droit par le fait que j’en ai le pouvoir. Le premier commandement de ce système magistralement brutal et “admis” comme mode de gestion ordinaire des relations entre les autorités françaises et celles de ses anciennes colonies d’Afrique sub-saharienne est d’inciter à la soumission dont le refus entraine l’élimination. Ce fondement des liens entre les autorités de la puissance dominatrice, accepté par ses paires qui sont dans la même disposition structurelle pour les affaires du monde, et les freluquets du monde, appelés par commodité “pays en développement”, demeure une donnée intangible, quasiment dogmatisée. Cette situation a empêché l’émergence d’un bloc constitué de la France et ses anciennes colonies, réellement indépendantes, pesant d’un poids majeur et décisif sur le cours de l’histoire, sur les affaires du monde. L’Afrique noire francophone aurait pu devenir le grand partenaire de la France dans les grands enjeux géostratégiques en formant un ensemble économique et politique, mais les autorités françaises, par leur volonté d’imposer la soumission et le pillage des ressources aux Africains de façon perpétuelle, et comme seuls préceptes des relations, ont tout mis par terre. Les peuples africains commencent à suppléer aux carences de leurs dirigeants. Les autorités françaises ont fait de ces dirigeants africains des gardes-champêtres auxquels elles octroient des pouvoirs ou qu’elles éliminent, souvent physiquement, du jeu politique au gré des intérêts du moment. Cette instrumentalisation des chefaillons africains a plusieurs ressorts. Pour en faire des pions, on passe par la flatterie, l’intimidation alliant menaces, chantages, “manipulations médiatiques”, injures et assassinats… Les uns sont souvent utilisés contre d’autres. On le voit actuellement avec ces nouveaux tirailleurs et troupes coloniales que sont les dirigeants de la CEDEAO, de l’Union Africaine et de la francophonie. Les pontes de la CEDEAO pestent contre les dirigeants du Mali au mépris du peuple. Ils ne parlent pas aux noms des peuples d’Afrique, mais se font commis voyageurs de puissances extra-africaines vautrées dans le mercantilisme débridé, la prédation carnassière. La seule règle qui vaille pour ces gens est la gestion du monde selon leurs concepts ou paradigmes. Quand ces maîtres du monde décident que deux plus deux revient désormais à huit, il faut s’y plier sinon on vous embastille. Leurs équations absurdes deviennent la règle. Ils ont décidé que Saddam Hussein fabriquait des armes de destruction massive et sont allés l’assassiner le 30 décembre 2006, on voit le résultat: l’Etat islamique. Ils ont décrété que Mouammar Kadhafi massacrait une partie de son peuple, ils sont allés l’assassiner le 20 octobre 2011. Dans les deux cas, il s’agissait d’un mensonge ayant pour but de légitimer le meurtre, l’assassinat de Saddam Hussein par les étasuniens; ce précédent imité par les dirigeants français et anglais adoubés par Barak Obama pour tuer Mouammar Kadhafi. Ainsi, l’occident a ouvert une nouvelle ère géostratégique: créer une déstabilisation majeure par les mensonges dont les grandes chaînes audiovisuelles ou radiophonique se font les échos. Et cela marche du feu de Dieu. Personne n’y trouve à redire. Une fois le coup porté, l’assassinat commis, les bons esprits se réveillent et s’indignent, mais trop tard. Les prédateurs ont souvent un coup d’avance sur les indignations d’arrière-garde. Le temps que l’on comprenne pour Saddam Hussein, ils sont passés à Mouammar Kadhafi. Et le temps de découvrir le mensonge, le Sahel est envahi par les armes déversées par l’OTAN en Libye et celle du régime de Kadhafi. Et la tragédie commença et elle continue et se répand. Par ricochet le chaos souhaité s’est imposé au monde. Le Moyen-Orient et le Sahel en sont les épicentres. Ce capharnaüm géographique est utilisé pour justifier la militarisation suivie du pillage des zones concernées. Il n’est nul besoin d’attendre des années pour que s’écrive la vraie histoire. Malgré les circonvolutions mensongères médiatiques, on sait que les Al Qaida, Daesh, Al Nostra, Al-mourabitoune et tutti quanti sont des créations d’officines étatiques qui les financent. Le 20 septembre 2021, Marc Eicheinger l’ancien agent secret, sur le plateau de “Blast” avec Denis Robert, a affirmé que Boko Haram est une création de la CIA. Cette thèse existe depuis les années 2010 mais elle demeure “très confidentielle”. Les médias mainstream n’en parlent pas. Il semble y avoir des complicités croisées. Il est maintenant acté que le Qatar, allié de Total dans le pays, était le bras financier de la destruction de la Libye par les pays de l’OTAN. Ce même Qatar manœuvre au Mali depuis 2011. Alors, cela donne un spectacle bien pitoyable de voir les nouveaux tirailleurs de la CEDEAO, Goodluck Jonathan, Nana Akufo-Addo, entre autres, défiler à Bamako pour relayer les messages de leurs maîtres. Tous ces Africains qui, de facto, forment la “nouvelle troupe coloniale” qui guerroie contre d’autres Africains soupçonnés de vouloir s’affranchir du carcan de cet occident autoproclamé “communauté internationale”. Cet occident impliqué ou acteurs directs de tous les génocides depuis le XVIIème siècle. Quelle diablerie! On nous exhorte à prendre les vessies pour des lanternes et on exulte! Comme si le Mali n’appartenait plus à son peuple. Ce peuple, bien meurtri, bien affaibli, constate cependant que les dirigeants de la transition manifestent et ont commencé à poser des actes allant dans le sens de la justice sociale et de la paix sociale voulues par nos populations de Kayes à Kidal.

L’amorce d’une curée géographique

Et ce peuple constate une volonté farouche de ces gens-là d’abattre les responsables de cette transition. Dans certains milieux, on déteste l’Africain patriote, Laurent Gbagbo en sait quelque chose, beaucoup d’autres en sont morts. Encore une diablerie. Le constat du comportement hallucinant de la force Barkhane qui interdit à l’armée malienne de survoler une large partie de l’espace aérien du pays, même pour prendre en chasse des mercenaires qui massacrent nos populations civiles renforce la défiance à l’égard de la France. L’armée malienne est obligée de déposer une demande de survol du territoire malien auprès de Barkhane 24 heures avant. Choguel Kokalla Maïga, le premier ministre l’a dévoilé. Qui a contesté? Je n’ai pas vu entendu un seul instant une information allant dans ce sens au niveau des grands médias en France. Ils détournent le regard dans ces cas. Ainsi les tueries peuvent continuer, les populations tyrannisées et tétanisées par la peur refluent vers le sud. On vide le nord et le centre d’une partie de sa population. On peut aisément deviner la suite: l’amorce d’une curée géographique. Le Mali est devenu le pays-monde, tout le monde est venu, il ne faut pas rater le partage du gâteau. Takuba amène l’OTAN dans le jeu, il ne manque plus que les pingouins, les kangourous et les grizzlis, walaféréké walagnakami… Curieusement les nouveaux tirailleurs de la CEDEAO, cette troupe coloniale composée de gardes-champêtres zélés, s’acharnent, il faut que les élections aient lieu en février 2022. Sinon foudre, poudre et tonnerre dégringoleront sur le peuple malien. Soit dit en passant, les autorités maliennes viennent d’accorder 72 heures au représentant de la CEDEAO, Hamidou Boly, pour quitter le territoire malien ce 25 octobre 2021. On en oublierait que le pays est en guerre pour retrouver sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire. On en oublierait que les décisions souveraines viennent du peuple, pas d’instances ou de dirigeants étrangers. Cette volonté des dirigeants de la transition de reprendre les territoires perdus aux amis “djihadistes” du Qatar et de quelques pays de l’OTAN ne plait pas du tout dans certaines chancelleries. L’impression donnée est qu’il existerait une volonté d’empêcher les Maliens de gérer réellement leur pays. Un kidnapping pur et simple. On essaie d’imposer un légalisme de façade en demandant le respect du calendrier de février 2022 au mépris du souhait des Maliens qui priorisent l’instauration de la paix et la justice. Faire des élections dans un pays en guerre est un piège. Les zones qui ne sont pas encore sous contrôle effective de l’État pourraient arguer de ce fait pour revendiquer une partition ou refuser de reconnaître les autorités issues de ces élections qui seraient limitées à une partie du territoire national. Comme le disait Aimé Césaire à propos de la colonisation et de la civilisation : “La malédiction la plus commune en cette matière est d’être la dupe de bonne foi d’une hypocrisie collective, habile à mal poser les problèmes pour mieux légitimer les odieuses solutions qu’on leur apporte”. Aujourd’hui la France voit les limites de l’alliance avec les Anglo-Saxons qui ne fonctionne pas lorsque les intérêts sont divergents. L’exemple récent est la crise des sous-marins entre Français, Etasuniens, Anglais et Australiens. La France s’est fait rouler dans la farine par ses amis de l’OTAN étasuniens et anglais qu’elle a choisi de rejoindre dans le commandement intégré de l’OTAN sous le “règne” de Nicolas Sarkozy, membre du parti gaulliste alors même que de Gaulle avait décidé de quitter ce commandement le 21 février 1966, lors d’une conférence de presse à Paris en prenant le soin de garder l’alliance avec les USA. Les premières loupées remontent loin, mais la période d’après-guerre en 1945 est emblématique de ce gâchis énorme préparé et mis en scène par de Gaulle et son âme damnée Jacques Foccart. Les massacres de populations civiles au Burkina Faso, Mali, Niger par des mercenaires payés pour ce job macabre, soulèvent moins d’indignation dans l’opinion internationale que le massacre d’animaux ou la cruauté contre eux. Je ne prétends que l’animal mérite des actes indéfendables, mais lorsqu’on s’émeut plus du sort des animaux que celui des hommes il y a un problème d’hiérarchisation pour le moins incongru.

Les dérapages verbaux de Macron

Ces populations, comme beaucoup de militaires des trois pays, sont tués et enterrés dans l’anonymat quasi total. De pauvres jeunes, ces hommes de rang français, sont entrainés dans une guerre dont ils ne comprennent rien, dont ils ne savent rien des dessous. Mais, au moins, quand ils tombent, de grandes cérémonies sont organisées, c’est leur moment de gloire devant toute la nomenklatura militariste qui les utilise pour des fins nauséeuses. Les autorités françaises peuvent encore s’amender et rompre avec ce tropisme de l’arrogance et de la prédation en Afrique. Aux invectives, pour le cas de Assimi Goïta et Choguel Maïga, se sont ajoutées d’autres outrances verbales injurieuses en totale rupture avec la pratique diplomatique. Cet accès de discourtoisie et de grossièreté permettent de voir la vraie nature des relations que les autorités françaises entendent maintenir encore dans les liens avec l’Afrique francophone. Les dérapages verbaux d’Emmanuel Macron à l’égard des autorités maliennes sont sans précédents dans l’histoire entre les deux pays. Un de ses angles d’attaque est la stigmatisation des deux coups d’État. Le fait est que le président actuel de la transition au Mali dispose d’une légitimité populaire beaucoup plus large que celle de son prédécesseur qui ne disposait plus que d’une légalité, d’une légitimité légaliste, mais loin d’être populaire. Pour preuve les manifestations quotidiennes appelant à son départ en 2020. Emmanuel Macron avait été élu en 2017 avec 20 743 128 de voix sur 47 582 183 d’inscrits, soit 43,59%. Ce pourcentage est encore plus faible lorsqu’on le rapporte à la population totale de l’époque, 66 990 826. Dans ce dernier cas, il s’effondre à 30,96%. Ainsi, lui-même ne dispose que d’une légitimité légaliste, il n’a pas été élu par la majorité des Français inscrits sur les listes électorales. Le système majoritaire permet l’élection d’un président qui ne dispose pas de la légitimité populaire en France comme dans beaucoup de pays qui se sont autoproclamés démocratiques. De plus, il était face à Marine Lepen de l’extrême droite, donc il avait un boulevard devant lui, mais seulement 43,59% du corps électoral lui a apporté son soutien, et beaucoup l’ont fait pour empêcher l’extrême droite de prendre le pouvoir. Donc il n’y a pas de quoi pavoiser, pas de quoi flamboyer. Mais l’homme se moque comme d’une guigne de la modestie, il tonitrue en “premier de cordée”. Je paraphrase ses propres terminologies du 29 juin 2017 à l’inauguration de “Station F”: face à “ceux qui ne sont rien”, il fait partie de “ceux qui réussissent”. Avec un homme de ce calibre, la France est dans de beaux draps. Mais elle ne le sait pas encore. Ces vizirs de la françafrique gagneraient à méditer sur le fait que les peuples ont toujours imposé le crépuscule des vanités. Il faut donc encore et encore appeler à la fédération des peuples d’Afrique. A cette françafrique, le requiem de Mozart n’est guère indiqué. Il nous faut le requiem de Mor Lam comme décrit par Birago Diop.

Yamadou Traoré

 Analyste politique

Source: L’Aube

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