Les discussions entre les autorités de la transition malienne et la Cedeao sont au point mort. Un calendrier raisonnable de fin de transition en est le point de discorde. La Cedeao, elle, mise sur une période de 16 mois maximum, tandis que les autorités de Bamako se focalisent sur une durée de deux ans. Pendant ce temps, les sanctions économiques et financières qui frappent le pays ne faiblissent pas et se montrent de plus en plus implacables contre les populations maliennes, menacées de vivre des temps difficiles. Et pour combien de temps encore ?Pour éviter que l’horizon ne s’assombrisse davantage, sur la pointe des pieds, le Président de la transition a dépêché une mission auprès du président togolais pour relancer les négociations au plus vite.
On l’a vu, ces derniers jours, des émissaires du président de la transition, conduits par le ministre des affaires étrangères, Abdoulaye Diop, l’un des rares du gouvernement de Choguel Kokalla Maïga, à ne pas être sous le coup de sanctions individuelles, ont été dépêchés auprès du président Faure du Togo.
Officiellement, on parle d’une dynamique de coopération entre les deux pays, mais officieusement, les couloirs diplomatiques les plus informés parlent de la médiation à mener entre les autorités de Bamako et la Cedeao qui, elle, ne semble pas bouger d’un iota sur la ligne de conduite qu’elle a fixée sur le respect strict du calendrier de la transition.
En fait, selon les mêmes sources diplomatiques, il semble que le président Faure, ami déclaré de longue date du Mali, a bien l’intention de jouer la médiation auprès de ses pairs de la sous-région en vue de desserrer l’étau des sanctions économiques et financières sur le Mali qui commencent lentement, mais plus durement, à avoir des conséquences néfastes sur les populations maliennes, via le circuit économique.
Si le président Faure est bien enclin à jouer les intermédiations entre le Mali et la Cedeao, c’est bien aussi pour le grand respect pour l’ancien président déchu, feu Ibrahim Boubacar Keïta, qu’ilconsidère comme un vrai papa, et qu’il sait tout le souci que celui-ci se faisait pour le confort d’un pays en difficulté.
D’autres sources plus crédibles estiment également que le président Faure est bien disposé à faire sortir le Mali de ce mauvais tour parce que sollicité par l’un de ses cousins, un général en exercice, haut dignitaire militaire, qui aurait connu le président de la transition, le colonel Assimi Goïta, en stage militaire en Allemagne, il y a quelques moments.
C’est donc pour toutes ces raisons que le président togolais est bien disposé, comme il l’a fait dans le passé, à prendre son bâton de pèlerin pour démarcher ses pairs de la Cedeao ; histoire de pouvoir parvenir à un terrain d’entente avec les autorités de la transition malienne dans la perspective d’alléger les sanctions économiques et financières du pays.
La chose est d’autant plus compliquée que les sanctions infligées au Mali par l’organisation sous-régionale prennent de plus en plus des proportions incontrôlées. C’est le cas notamment des partenaires internationaux, comme la Banque mondiale, n’étant pas directement concernés avec les sanctions de la Cedeao, mais dont la présence auprès du Mali est forcément conditionnée par les conséquences de ces sanctions.
Voilà la dure réalité des choses à laquelle les autorités de la transition malienne, figées dans un délai de deux ans pour la durée de la transition, sont confrontées depuis un certain temps, face à la Cedeao qui n’entend plus autre chose en dehors des 16 mois requis.
Pendant longtemps d’ailleurs, avant et après l’intervention du Premier ministre de la transition devant les membres du CNT, le mois dernier, au cours de laquelle il a une fois de plus réitéré le chronogramme des deux ans pour la durée de la transition, on a beaucoup surfé sur une probable présence du médiateur de la Cedeao, l’ex-président nigérian, pour la reprise des discussions avec Bamako.
En réalité, il n’en était rien. Apparemment, la Cedeao n’a pas bougé sur l’exigence d’un calendrier de 12 à 16 mois maximum pour la fin de la transition. Ce qui veut dire automatiquement que les sanctions économiques et financières continueront à frapper durablement les Maliens, surtout dans la frange de la population la plus exposée.
Face au mur qui semblait s’ériger entre les autorités de Bamako et l’organisation sous-régionale, il fallait juste tenter de désamorcer la crise en trouvant un médiateur crédible qui accepte de mouiller le maillot et qui a l’étoffe nécessaire pour sauver la face. C’est bien cet homme providentiel que semble trouver les autorités maliennes, en la personne du président Faure qui, lui, on l’a vu en bien d’égards, est vraiment disposé à faire sortir le Mali de cette mauvaise passe.
Est-cela veut dire que Bamako, qui a toujours choisi la ligne dure avec la Cedeao, est aujourd’hui disposé à mettre un peu d’eau dans son gingembre local, comme l’a si ironiquement récemment un chef d’Etat de la sous-région ?
Eh bien, il semble bien que quelque chose de nouveau se dessine à Bamako pour espérer voir que les discussions, restées au point mort avec la Cedeao pendant longtemps, puissent connaître un certain réchauffement.
Dans le jargon journalistique, ça s’appelle rétropédalage. Les autorités de la transition malienne savent bien que le pays, déjà en froid avec plusieurs de ses partenaires traditionnels, n’a aucun intérêt ; ni économique, ni diplomatique, encore moins géostratégique, à vivre sous le poids de sanctions économiques, pendant qu’il connaît les pires menaces sécuritaires, à lui infligées par la Cedeao.
Ce n’est pas par hasard que lors du passage du Premier ministre de la transition devant le CNT, il a clairement déclaré, même si cela a pu choquer certains faucons du régime, que le « Mali ne se retirera pas de la Cedeao ».
Comme quoi, dans la gestion des affaires d’Etat, comme dans toutes autres affaires humaines, il y a un temps pour tout…
Oumar KONATE
Source: La Preuve