C’est au pas de charge que les autorités scolaires multiplient les rencontres avec les différents acteurs. Après une énième année scolaire « sauvée » in extremis, les départements de tutelle, qui espéraient une reprise le 18 octobre, ont dû opter pour le 1er novembre 2021. Malgré les incertitudes et les difficultés qui persistent, les acteurs de l’Éducation entendent réussir la rentrée et l’année scolaire 2021 – 2022 pour renouer avec les années académiques normales.
Le 15 octobre 2021, la ministre de l’Éducation nationale, Madame Sidibé Dédéou Ousmane, a reçu les 21 directeurs d’académies d’enseignement du Mali. Une rencontre traditionnelle, mais aussi « une séance d’écoute et d’échanges pour faire le bilan de l’année écoulée, échanger sur les préparatifs de la rentrée prochaine et prendre en compte les difficultés auxquelles sont confrontés les directeurs d’académie », a précisé la ministre.
Les fermetures d’écoles, qui se sont étendues à plusieurs régions du pays suite aux problèmes d’insécurité, le manque d’enseignants et de salles de classe, la formation continue des enseignants, le paiement des heures supplémentaires, sont quelques-uns des problèmes qui menacent encore un déroulement serein de l’année scolaire. Des problèmes récurrents auxquels s’ajoute le bras de fer avec la Synergie des syndicats signataires du 15 octobre 2016. Même si, pour le moment, les négociations sont au point mort, la ministre de l’Éducation se veut rassurante.
« L’État est ouvert et disposé à reprendre le dialogue avec les enseignants. J’ai bon espoir qu’on arrivera à s’entendre, parce que le gouvernement a beaucoup de propositions. Et les enseignants ont conscience du rôle primordial qu’ils jouent ».
Les autorités auraient-elles un plan B au cas où les enseignants refuseraient de reprendre les cours ? « Il faut toujours prévenir. Nous sommes une administration et une administration qui se veut efficace doit avoir des outils pour lui permettre de faire face à n’importe quelle situation », répond la ministre.
Faire face aux urgences
La prolongation de l’année scolaire au-delà du mois de juin, en pleine période hivernale, a mis à nu les dégradations importantes constatées dans plusieurs écoles, rendant difficile, voire impossible, la tenue des cours, et obligeant les autorités à envisager des mesures urgentes et à entamer un programme de rénovation des écoles. Un programme initial doté de 5 milliards de francs CFA et concernant 2 000 classes sur toute l’étendue du territoire.
Mais, de « réparation », le programme s’est transformé en « réhabilitation, au point de doubler les coûts dans certains cas », explique la ministre de l’Éducation. « Environ 80% des salles de classe n’avaient ni portes ni fenêtres. Et quand elles existent, elles sont dans un état déplorable ». L’école « Inemassa », située à Niaréla, en Commune II du District de Bamako, qui a été choisie pour lancer ces travaux, date de 1952. À ce jour, sur 2 000 classes, 1 040 sont prises en compte par les 5 milliards. D’où la recherche d’autres fonds pour poursuivre les travaux.
Aussi à une dizaine de jours de la rentrée, certains sont sceptiques sur la possibilité de rendre disponibles ces classes pour une reprise effective des cours. Des classes qui comptent entre 90 et 110 élèves. C’est encore malheureusement l’une des réalités de l’école malienne, soulignée par les acteurs dans nombre de localités du pays. Des effectifs pléthoriques qui ne favorisent ni l’apprentissage ni la qualité de l’enseignement dispensé. Ce phénomène est la conséquence directe de l’une des problématiques autour desquelles s’articulent les maux de l’école, l’insuffisance du personnel enseignant. Un problème qui relève de leur gestion interne, estiment les autorités. En effet, alors que les effectifs d’enseignants sont pléthoriques par endroits, ailleurs il en manque cruellement. Une difficulté dont il « faut étudier les raisons ». L’une des pistes de solutions envisagées par le gouvernement est l’audit du monde enseignant, pour faire l’état des lieux. « Une recommandation forte », assure la ministre.
Appréhensions
Depuis plusieurs années, les orientations constituent un véritable défi pour les autorités scolaires. Face à l’insuffisance des places au public et, souvent, l’inexactitude des données, les élèves en attente d’être orientés perdent plusieurs heures de cours.
Cette année, ce sont 42 000 places qui sont réservées dans le public aux 138 000 élèves admis régulièrement et donc susceptibles d’être orientés. Il en résulte qu’il y a 12 000 élèves de moins pour le public cette année, explique le conseiller en charge de la question. Pour « éviter les malentendus », il a invité les responsables à s’assurer que « les remontées des capacités d’accueil » sont bien réelles, afin d’anticiper les difficultés qui surviendront au lendemain des orientations. Il a en outre expliqué qu’en plus du quota que peut obtenir le privé, il faudra cette année compter avec 4 000 élèves en plus, compte tenu des résultats du DEF, après lequel 134 000 élèves ont été orientés l’année dernière pour 138 000 cette année. Ce seront donc au total 16 000 élèves de plus à affecter au privé, « pour la simple raison que le public ne peut y faire face ».
Une difficulté qui fait que « nous ne serons pas en phase par rapport à la politique éducative », qui veut les affectations au public soient croissantes. Or, l’année dernière, si le taux était de 40%, cette année il est retombé à 30%. Mais il espère que le programme, qui court jusqu’en 2028, permettra de voir cet objectif se réaliser. Aussi a-t-il a invité les responsables d’académies à suivre les recommandations des ateliers sur le zonage. Une pratique qui consiste à identifier les écoles secondaires autour des écoles fondamentales afin de pouvoir orienter les élèves en fonction de leurs lieux de résidence.
La gestion des heures supplémentaires est aussi une difficulté récurrente à laquelle sont confrontés les responsables d’académie. Cela menace la sérénité au cours de l’année scolaire, craignent certains. Rappelant que la gestion de ces heures n’est pas, comme au supérieur, liée à un examen préalable des directeurs, le responsable en charge de la question a invité les gestionnaires à diligenter les paiements. Mais à ce niveau aussi les autorités ont souhaité mettre fin aux abus pour éviter justement la même situation que dans l’enseignement supérieur.
Si Mahamadou Keita, Directeur de l’Académie d’enseignement de Kita, attendait cette rencontre avec la ministre pour entamer l’exécution de son chronogramme dans le cadre des préparatifs de la rentrée, il espère que les rencontres avec les acteurs permettront « une rentrée réussie et une année scolaire apaisée ». « Nous attendions cette rencontre pour recevoir les instructions. De façon générale, il y a beaucoup de difficultés », souligne-t-il. Parmi elles, l’impossibilité d’obtenir les propositions de passage pour connaître avec exactitude la situation des élèves (passages et ajournements).
Une contrainte partagée par plusieurs académies, dont certaines « reçoivent au compte-gouttes » ces propositions de passage.
Évoquant leurs difficultés, plusieurs responsables d’académie ont aussi souligné le retard dans le paiement des pensions alimentaires des élèves des Instituts de formation des maîtres (IFM). Une contrainte qui complique la situation de ces élèves maîtres appelés demain à former. Alors que pour les autres c’est à l’absence de ces IFM qu’il faut remédier pour garantir la continuité de la formation.
Quid des enseignants ?
Si des incertitudes demeurent par rapport à la rentrée, les autorités sont convaincues que des solutions seront trouvées avec l’ensemble des acteurs. Y compris avec les enseignants, toujours très attachés à l’application de l’article 39.
Avec l’adoption de la grille unifiée pour les travailleurs du Mali, que le gouvernement a souhaitée pour mettre un terme aux revendications catégorielles, les syndicats de la Synergie ont réitéré leur demande d’application, vu que « notre loi n’a pas été abrogée », explique M. Amadou Coulibaly, Secrétaire général du Syndicat national de l’Éducation de base (SYNEB). Après l’échec des négociations, le gouvernement avait proposé en compensation l’augmentation des indemnités des enseignants. Des propositions rejetées par ces derniers, qui ne demandent ni plus ni moins que l’application de l’article 39.
« Nous poursuivons le mot d’ordre de grève sur la rétention des notes, des moyennes annuelles et des propositions de passage », ajoute M. Coulibaly. Une action non syndicale selon les autorités, qui « veulent s’assumer face aux actes de nature à entraver la bonne marche de l’administration et qui ne se justifient pas par l’acte syndical ». « Aucun texte ne nous interdit la rétention des notes », rétorque M. Coulibaly, qui précise que les syndicats mèneront toutes les actions légales à défaut d’un accord avec le gouvernement.
Pour éviter le scenario de l’année dernière, marqué par des « perturbations de cours et leur impact sur le rendement, avec la démotivation des enseignants et des élèves et un temps réel d’apprentissage jamais atteint, d’où les stratégies de sauvetage », et pour relever le défi de la qualité, la Directrice de l’Académie d’enseignement de la rive gauche de Bamako suggère de consolider les acquis, notamment en matière de suivi pédagogique et d’activités de recyclage. Elle souligne que face au rôle des privés, il est important de corriger les besoins de formation à ce niveau et de prêter attention aux problèmes relatifs aux « locaux inadéquats » et au traitement et à l’instabilité du personnel enseignant.
L’année qui s’est achevée a été marquée par une prévision de 6 mois de cours avec un programme condensé qui a été exécuté à 80%, selon la Directrice de l’Académie de la rive droite de Bamako. Un système qui a connu la double vacation comme option pour pallier le manque de classes et d’enseignants, une gestion difficile des examens et la rétention des notes, qui constitue toujours une entrave à la reprise normale des cours.
En attendant, les autorités misent sur un « retour aux valeurs » pour notre système et une intégration efficace de l’éducation civique, pour redonner à l’école sa vocation de former des citoyens soucieux de leur rôle. L’élaboration d’une leçon-modèle sur les changements climatiques, avec un thème consacré à « Un élève, un arbre », permettra d’attirer l’attention de chaque jeune sur sa responsabilité face à ce défi des temps actuels.
Fatoumata Maguiraga
Source : Journal du Mali