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Relecture de la charte de transition au Mali : Un climat de méfiance s’installe entre les refondateurs au pouvoir et la classe politique

Depuis le 4 février dernier, la Charte de la transition est en cours de relecture au Mali où le Conseil national de transition (CNT), l’organe législatif, a été convoqué en session extraordinaire dans le but de la réviser. Est-ce vraiment la priorité ?

 

En cette période de vives tensions où le pays est sous embargo de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), l’on n’aurait sans doute pas trouvé à redire si la relecture de ce texte qui sert transitoirement de boussole à la marche du pays, ne faisait pas déjà des gorges chaudes au sein de la classe politique. Notamment le Cadre d’échange des partis politiques pour la réussite de la transition, pour qui « cette démarche dénote d’une volonté manifeste des autorités maliennes de faire cavalier seul et d’agir de façon dictatoriale pour confisquer le pouvoir et pour s’y éterniser ». Ce regroupement de partis politiques en veut pour preuve la suppression envisagée du poste de vice-président ; toute chose qui concentrerait les pouvoirs absolus entre les mains du seul président de la transition, le colonel Assimi Goïta.

Rupture entre le pouvoir de transition et les acteurs politiques

En outre, le Cadre « estime que la priorité des priorités est de proposer un calendrier électoral consensuel avec l’ensemble des forces vives de la Nation ». Des appréhensions balayées du revers de la main par le gouvernement pour qui ces retouches visent une meilleure efficacité de l’action de l’Exécutif, notamment à « éviter les duplications des missions et permettre au ministre chargé de la défense et au ministre chargé de la sécurité, de recouvrer et d’exercer la plénitude de leurs attributions traditionnelles ».

La question n’est pas de savoir qui a raison et qui a tort. Mais, comme on le voit, dix-sept mois après le début de la transition, les acteurs de la scène politique malienne peinent encore à s’accorder sur l’essentiel des missions et des objectifs de cette transition visant à remettre le pays sur les rails de la démocratie. Et pour ne rien arranger, il se dégage comme une sorte d’antagonisme voire de méfiance entre les refondateurs au pouvoir qui ont toujours du mal à convaincre de la noblesse de leurs intentions dans leur volonté d’opérer des réformes en profondeur avant tout retour à l’ordre constitutionnel normal, et les acteurs de la scène politique réunis au sein du Cadre d’échange qui n’y voient que de la poudre de perlimpinpin qui cache mal un agenda et des desseins inavoués. C’est pourquoi, si l’on n’y prend garde, en lieu et place de solutions, cette relecture de la Charte de la transition sur fond de division, en rajoutera à la complexité de la crise. Une crise qui n’en finit pas de tenir en haleine les Maliens dont le pays est aujourd’hui pratiquement mis au ban des nations, et ploie sous le poids des sanctions de la communauté internationale. Une crainte d’autant plus fondée que selon les termes du communiqué de convocation de cette session parlementaire, il est question de «l’augmentation du nombre de membres du CNT », et d’une «adaptation de la durée de la transition aux recommandations des assises nationales ».

Il est dans l’intérêt des Maliens de prendre conscience des dangers du pouvoir absolu

Quand on sait que la pomme de discorde entre les autorités de Bamako et la CEDEAO tient essentiellement au délai de quatre à cinq ans issu des conclusions des Assises nationales, il est à espérer que cette relecture de la Charte de la transition ne paraît pas comme une nouvelle forme d’entourloupe des autorités de la transition visant à présenter sous le vernis de l’onction populaire, des mesures qui s’apparenteraient ni plus ni moins à une couleuvre difficile à avaler par l’instance communautaire. Une communauté qui n’attend que des signes de bonne foi de Bamako afin de desserrer l’étau de ses sanctions qui ne sont pas loin d’asphyxier le peuple malien. C’est dire s’il est peut-être temps, pour l’ensemble des acteurs de la scène politique malienne, de jouer franc jeu pour donner une chance à la paix et à une sortie de crise dans les meilleurs délais. Car, la question qui se pose aujourd’hui, est de savoir si Bamako a besoin de passer par le CNT pour proposer un chronogramme à la CEDEAO. Si ce n’est pas le cas, la relecture de la Charte de la Transition s’impose-t-elle ? Est-ce vraiment la priorité ?

En attendant, c’est le peuple malien qui souffre le martyre d’une situation sécuritaire délétère et de sanctions économiques qui contribuent au renchérissement du coût de la vie dans un environnement déjà difficile.  Combien de temps la situation sera-t-elle encore tenable pour les Maliens ? Bien malin qui saurait répondre à cette question. En attendant, il est dans l’intérêt des Maliens de prendre conscience des dangers du pouvoir absolu et de ses limites en termes d’abus en tous genres et de dérives autoritaires.

C’est en cela que les récentes conclusions de l’enquête de Reporters sans frontières sur la disparition, en 2016, du journaliste d’investigation Birama Touré, dans des circonstances qui remettent en cause la liberté de presse et d’expression au Mali, peuvent sonner comme une piqûre de rappel. C’était sous le régime de feu l’ex-président Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) dont le fils, Karim, aujourd’hui réfugié en Côte d’Ivoire depuis la chute de son père, est soupçonné d’être mêlé à cette affaire. La Justice malienne qui cherche à l’entendre sur la question, a, du reste, délivré un mandat d’arrêt international à son encontre.

Jean Pierre James

Source : Nouveau Réveil

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