Convaincre sera le maître mot du gouvernement face aux bailleurs de fonds et investisseurs internationaux qui entendent donner une nouvelle cadence au projet du barrage de Taoussa
C’est l’un des plus grands chantiers jamais initiés au Mali. Lancé en février 2010, il a connu, deux ans après son lancement, un coup d’arrêt brutal suite à la crise multidimensionnelle qui frappait notre pays. Depuis, le Projet d’aménagement de Taoussa -puisqu’il s’agit de lui- est à la recherche d’un nouveau souffle, et impatientes, les populations censées en être bénéficiaires n’ont de cesse d’en appeler à la reprise des travaux. On comprend dès lors leur enthousiasme à l’annonce d’une table ronde sur la relance du projet. Mobilisées comme jamais, ces populations du Haoussa et du Gourma ont ainsi massivement fait le déplacement de Bamako et pris d’assaut la grande salle de conférence de l’hôtel de l’Amitié où s’ouvrait la table ronde des Partenaires techniques et financiers du Projet.
C’est là, à l’hôtel, que deux jours durant, l’Etat et ses partenaires vont affiner leurs positions afin d’insuffler une nouvelle dynamique à ce projet très structurant au coût estimé à 167,9 milliards de francs cfa. L’enjeu est grand, voire fondamental pour la relance du développement dans le Nord de notre pays.
La cérémonie d’ouverture, présidée par le ministre de l’Energie et de l’Eau, Malick Alhousseini, a enregistré la présence de plusieurs présidents d’Institutions de la République. Côté partenaires, on notait la présence des délégations du Groupe de la Banque islamique de développement (BID), du Fonds de l’OPEP pour le développement international (OFID), de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (BADEA), du Fonds saoudien de développement (FSD), du Fonds koweitien pour le développement économique arabe (FKDEA), du Fonds d’Abu Dhabi pour le développement, de la Banque d’investissement et de développement de la CEDEAO (BIDC), de la Banque ouest africaine de développement (BOAD) et d’EXIMBANK de la République populaire de Chine. Il faut noter que ces différentes délégations sont accompagnées par les ambassadeurs du Mali en Arabie saoudite et aux Emirats Arabes Unis. Les populations et ressortissants des contrées du cercle de Bourem, comme les acteurs sécuritaires et représentants de la société civile, se sont fortement mobilisés à l’occasion. Ainsi, on notait la présence très remarquée des premiers responsables de la Coordination des mouvements armés (CMA), des Mouvements de la Plateforme, d’IR Ganda, de Tapital Pulaku, du Ginna Dogon et du Coren.
LÉGITIMES INTERROGATIONS DES PARTENAIRES – Dans un discours franc et direct, le représentant de la BID, Grégoire Diouf, a, au nom de tous les partenaires financiers du projet, félicité le gouvernement malien pour la pertinence de cette rencontre de haut niveau qui, selon lui, permettra de donner un nouveau souffle au projet Taoussa, vital pour les populations du Delta intérieur du Niger.
«Cependant, a-t-il relevé, aujourd’hui, il s’agit de relancer Taoussa et cela de façon définitive». «Pour cela, les partenaires que nous sommes avons certaines interrogations : quel est l’état actuel d’exécution physique des travaux ? Est-ce qu’un dispositif sécuritaire spécifique a été mis en place pour la sécurisation des travaux ? Comment évolue le plan de recasement des villages situés dans l’emprise du barrage ? Le besoin de financement a-t-il été évalué ? Est-ce qu’un nouveau calendrier de travail a été défini ?», a-t-il demandé, avant de réaffirmer l’engagement constant des partenaires financiers à s’accorder avec le gouvernement sur une nouvelle feuille de route pour la relance de Taoussa.
A ces questionnements des partenaires, le ministre Malick Alhousseini a apporté des éclaircissements conséquents. Il a ainsi informé que l’Etat a, sur le plan sécuritaire, mobilisé plus de 5 milliards de Fcfa pour l’équipement et le déploiement des Forces armées et de sécurité ainsi que pour la prise en charge des prestations de la société de sureté (ADES) et l’exécution des mesures de sûreté issues du plan d’actions. «Parmi ces mesures, nous pouvons noter la protection et la sécurisation des bases de vie mais aussi toute l’organisation nécessaire pour la protection des biens et des personnes», a précisé le ministre.
RÉPONSES DÉTAILLÉES DU GOUVERNEMENT – Sur le plan de la réalisation des travaux du barrage, Malick Alhousseini a affirmé que malgré les efforts déployés par les autorités, «l’entreprise ne s’est pas mobilisée sur le terrain pour motifs d’insécurité et d’interdiction de séjour des ressortissants de certaines chancelleries dans le Nord du pays».
«Ainsi, face à la non mobilisation de l’entreprise, les marchés des travaux de génie civil et des équipements hydromécaniques ont été résiliés le 20 octobre 2017. Aussi, des missions ont été dépêchées auprès de tous les partenaires financiers pour relancer les procédures de recrutement d’une nouvelle entreprise capable d’évoluer et de travailler dans les conditions actuelles du Mali», a révélé le ministre.
Il a, en outre, ajouté qu’un nouveau dossier d’appel d’offres international ouvert a été élaboré et partagé avec les partenaires pour le recrutement d’une nouvelle entreprise, en remplacement de Sinohydro. Pour ce qui concerne les travaux de la route d’accès Gao-Bourem-Taoussa, le ministre a assuré que l’état d’exécution se présente, en fin 2017, comme suit : la réalisation des études d’exécution sur les 80 premiers kilomètres et les études topographiques sur 120 km, la réalisation de 14,5 km en couche de fondation et quinze (15) ouvrages d’art sur les 45 premiers kilomètres. Le taux d’exécution de la route, à ce jour, est donc estimé à 14,5% pour un délai consommé de 78%. «Les travaux ont, cependant, repris depuis le 15 mars 2018, avec un renforcement du matériel de terrassement et du personnel plus qualifié. Un avenant au marché initial a été soumis aux différents partenaires financiers (FSD, BOAD et Etat)», a-t-il révélé.
Au plan des mesures environnementales et sociales, les travaux du village de Taoussa, situé dans l’emprise du barrage ont démarré et se poursuivent normalement. Quant au village de Chabaria, les dossiers de construction sont à un stade assez avancé pour libérer les sites de carrière. Les Etudes d’impact environnemental et social sont en cours de réactualisation et les résultats aboutiront au PGES, au PAR et un projet indépendant destiné aux équipements collectifs.
Il faut rappeler que cette table ronde intervient juste un an après les concertations des 23 et 24 février 2017 qui avaient identifié toutes les difficultés entravant l’exécution normale du projet et dégagé les voies et moyens appropriés pour trouver des solutions efficaces et adaptées à son redémarrage effectif, au grand bonheur des populations dans le Nord du Mali.
Doussou DJIRÉ
Source: Essor