Parallèlement à la presse écrite et à l’audiovisuel, la presse en ligne s’est développée de manière importante au Mali ces dernières années. Cette évolution du journalisme n’est cependant pas sans conséquences, avec des dérives constatées çà et là dans le traitement de l’information. Pour mieux l’appréhender et la réguler, les organisations de presse et experts du pays se réunissent pour apporter les solutions adéquates.
« Si l’on se réfère stricto sensu à l’arsenal législatif et règlementaire actuellement en vigueur au Mali, aucun texte ne traite spécifiquement de la presse en ligne », fustige une doyenne de la presse malienne. D’après elle, la première menace qui plane au dessus de la presse en ligne au Mali est aujourd’hui la loi sur la Cybercriminalité 2019-056 du 5 décembre 2019. Le chapitre 13 de cette dernière « Des infractions commises au moyen des nouvelles technologies de l’information et de la communication », parle spécifiquement de la presse en ligne dans son article 54, article unique de la section 2 « Infractions de presse commises au moyen des technologies de l’information et de la communication », en ces termes : « les infractions de presse prévues par la Loi No00-46 du7 juillet 2000 portant régime de la presse et délits de presse commises par le biais des technologies de l’information et de la communication, à l’exception de celles commises par la presse sur internet, sont punies de peines de droit commun ». De même, sa section 3 article 55 considère « comme moyens de diffusion publique : la radiodiffusion, la télévision, le cinéma, la presse, l’affichage, l’exposition, la distribution d’écrits ou d’images de toutes natures, les discours, chants, cris ou menaces proférés dans les lieux ou réunions publics, tout procédé technique destiné à atteindre le public et généralement tout moyen d’atteindre le public par voie électronique ». Et la presse en ligne n’est pas concrètement définie dans le glossaire. « Mais des mesures répressives la concernant nominalement sont listées, ce qui laisse toute la latitude aux magistrats de poursuivre comme ils veulent les journalistes en utilisant le texte qu’ils souhaitent », craint notre interlocutrice. Dérives Modibo Fofana, Président de l’Association des professionnels de la Presse en ligne du Mali (APPEL Mali) et ancien collaborateur de Journal du Mali, ne se reconnait pas dans cette loi et propose des alternatives. « Nous travaillons depuis trois ans afin d’adopter une loi qui règlementera le secteur de la presse en ligne, définira les conditions de création de sites et la qualité du web-journaliste », explique-t-il. Malgré la mise en place de la Haute autorité de la Communication (HAC), en 2014, organe chargé de la régulation des médias au Mali, les dérives du journalisme en ligne sont légion au Mali sans qu’aucune loi ne les punisse. Selon Mahamane Hameye Cissé, Président de la Commission Médias et Tics de la HAC, ils y travaillent, « mais à chaque qu’on veut l’appliquer un coup d’État survient et complique tout », regrette-t-il. Dans le même élan, en 2018, Reporters sans frontières, Appel Mali et la Maison de la presse ont travaillé sur la nécessité ou non d’une loi spécifique à la presse en ligne au Mali. « Compte tenu de thématiques telles que la protection de l’enfance, de la vie privée et de l’image, le statut des journalistes et l’éthique journalistique, le droit d’accès aux informations publiques, la rectification et le droit de réponse, qui ne sont pas propres à l’exercice en ligne du droit de la presse, mais relèvent du régime de la presse de façon générale », ils ont conclu qu’il était plus pertinent d’insérer la Presse en ligne dans une loi générique sur la presse. Car, comme l’a souligné le Conseil des droits de l’homme de l’ONU dans sa résolution du 16 juillet 2012 sur la promotion, la protection et l’exercice des droits de l’homme sur l’internet, ces droits sont les mêmes en toutes circonstances, en ligne ou pas. Aly Asmane Ascofaré
Source: Journal du Mali