Nous avons des différends profonds avec une bonne partie de notre classe politique et nos gouvernants actuels au sujet de nos politiques de gouvernance et du chemin qui doit conduire notre pays à faire pleinement sien les principes de développement durable. Cependant, nous devons tous nous rappeler que, malgré nos différents, nous avons bien plus de choses en commun en tant que nation.
Depuis toujours, nous sommes liés par des valeurs qui définissent qui nous sommes en tant que Maliens et qui nous servent de boussole à travers tous les types de changement, y compris les questions de guerre et de paix. C’est pour cela que nous devons travailler et agir ensemble pour faire prévaloir le soutien de la nation à nos femmes et hommes en uniforme face aux accusations diffamatoires contre nos forces de défense et de sécurité.
Notre appui indéfectible à notre armée est nécessaire car elle est l’épine dorsale de la défense de notre patrie. L’armée, c’est nous mêmes, c’est nos petits-enfants, nos enfants, nos mères et pères en uniformes qui sont sans équivoque les meilleurs d’entre nous. Ils sont les moins rémunérés de notre société, mais toujours prêts à verser leur sang pour que nous autres puissions vivre tranquillement. Ils sont le seul recours quand l’État de droit est menacé. En effet, c’est eux qui sont chargés de défendre l’intégrité du territoire national face aux agressions extérieures et d’assurer la paix et la sécurité à l’intérieur du territoire.
Nos adversaires s’acharnent contre nos forces parce qu’ils savent que l’armée est l’expression même de la nation. Les adversaires de notre pays veulent semer le doute dans l’esprit de notre peuple et la communauté internationale quant à certains aspects particuliers des fonctionnements sur le terrain de combat de nos forces de défense et de sécurité. Or, la situation d’anomie et de chaos qui prévaut au nord et au centre du Mali est la preuve que la communauté internationale n’a pas la conscience à même de lui faire assumer la plénitude de sa vocation morale et nous savons que son comportement est dicté par les intérêts de certains malveillants. Nous devons refuser de participer à la division de notre société et à la stigmatisation de nos forces de défense et de sécurité. Nous ne devons laisser aucune force extérieure nous imposer son pouvoir ou ses valeurs. Nous avons nos propres valeurs morales, notre propre code de savoir-vivre et savoir-faire, et nos propres modes de vie.
Malheureusement, nos adversaires ont su créer chez certains de nos soi-disant intellectuels et politiques un certain conformisme dont on connaît les origines. Ce sont ces intellectuels et politiques qui ont toujours été utilisés pour dénigrer nos porteurs d’uniforme et mêmes nos valeurs à travers des manoeuvres d’intimidation, de corruption morale et même souvent des mesures de représailles. Certains de leurs agissements nous poussent à nous poser la question si l’école et la pensée occidentale n’abroutissent pas nos cadres. Ils ont sûrement besoin d’une libération psychologique pour revenir à la normale.
Encore, refusons la division qui peut conduire à notre effacement car si nous cédions à l’esprit de division qui nous presse de toute part, nous n’aurions à peu près aucune chance de nous en sortir dans un monde en plein bouleversement géopolitique. Nos divergences politiques ne doivent pas faire obstacle à notre soutien et au bon fonctionnement de nos forces de défense et de sécurité. Nos divergences politiques ne doivent trouver leur solution que dans les urnes.
Au cours de ces dernières décennies, notre nation a dépensé bien plus que des milliards de notre monnaie pour la guerre, contribuant à faire exploser nos déficits et limitant notre capacité à construire notre nation. Nos militaires et leurs familles ont sacrifié bien plus en notre nom. Des centaines d’entre eux ont fait le sacrifice ultime. Beaucoup d’autres ont laissé une partie d’eux-mêmes sur le champ de bataille ou ramené les ombres de la bataille chez eux. Les décisions que nous prenons maintenant définiront le type de nation et ce que nous laisserons à nos enfants.
Notre capacité en tant qu’une nation unie prête à nous défendre, à protéger nos communautés, à réagir et à se remettre rapidement d’incidents de toutes envergures et de toutes tailles est un moyen clé de démontrer à nos adversaires qui veulent perturber notre mode de vie que nous sommes prêts pour eux et agiles dans notre réponse aux défis. Cela nous procure un énorme avantage qui contribue à assurer la sécurité de notre pays.
Cependant, nous devons définir la nature et la portée de cette lutte, sinon elle nous définira. Nous devons sans doute démanteler les réseaux qui nous menacent directement, tout en préservant nos valeurs et les idéaux que nous défendons. Et pour définir cette stratégie, nous devons prendre des décisions basées sur la sagesse et le pragmatisme. Cela commence par comprendre la menace actuelle à laquelle nous sommes confrontés. Et il est de notre devoir de trouver des solutions aux causes réelles de l’instabilité dans notre pays afin d’arrêter le cycle des tragédies humaines.
Le déni de la réalité ne peut que reporter les problèmes qui s’aggraveront avec le temps. Certes notre pays a été attaqué. Nous sommes en guerre contre des extrémistes qui veulent tuer autant de Maliens que possibles si nous ne les arrêtons pas d’abord. Et pourtant, nous devons toujours insister pour que le gouvernement continue à mettre en place des cadres régissant notre recours à la force contre ces terroristes, en insistant sur des directives claires, la surveillance et la responsabilité.
En d’autres termes, les forces de défense et de sécurités sont appelées à respecter, dans l’accomplissement de leurs missions, les valeurs républicaines définies dans la loi fondamentale du pays. Comme de coutume notre pays ne doit point punir des individus ou communautés sans preuves. Nous devons agir seulement contre les terroristes qui représentent une menace permanente et imminente pour nos communautés. Nous devons établir des normes basées sur nos valeurs (avant toute attaque), il doit y avoir la quasi-certitude qu’aucun civil ne sera tué.
Néanmoins, il est indéniable que certaines attaques feront des victimes civiles, un risque qui existe dans toutes les guerres. Et pour les familles de ces civils, aucun mot ne peut justifier leur perte. Mais pour la stabilité de notre nation, nous devons peser ces tragédies déchirantes par rapport aux alternatives. Ne rien faire face aux réseaux terroristes ferait beaucoup plus de victimes civiles. Le conflit avec les terroristes, comme tout conflit armé, invite à la tragédie. En revanche, en ciblant étroitement nos actions contre ceux qui veulent nous tuer et non contre les personnes parmi lesquelles ils se cachent, nous choisissons le plan d’action le moins susceptible d’entraîner la perte de vies innocentes. Il est aussi important de souligner que l’usage de la force doit être considéré comme faisant partie d’une discussion plus large que nous devons avoir sur notre stratégie antiterroriste, car l’usage de la force seule ne peut pas nous mettre en sécurité.
Notre stratégie doit aussi consister à s’attaquer aux griefs et aux conflits sous-jacents qui alimentent l’extrémisme. Nous devons être humbles dans notre attente de pouvoir résoudre des problèmes profondément enracinés comme la pauvreté et la haine. La résolution du conflit malien ne doit pas être uniquement militaire. Elle doit être accompagnée par le dialogue. Ce dialogue pour qu’il soit efficace doit intégrer tous ceux qui sont concernés par le conflit.
La dynamique unitaire doit constituer incontestablement notre cheval de bataille en vue d’aboutir à une victoire sur les forces du mal. En outre, par notre union et notre détermination, nous pourrons contraindre nos adversaires à respecter notre souveraineté. D’où la nécessité pour l’ensemble des forces vives de la nation à prendre leur responsabilité et à placer l’intérêt supérieur du Mali au-dessus de toute autre considération.
La reconstruction et la défense du Mali impliquent les efforts de tous. Parmi les défis à relever il y a : la consolidation de la paix, la réunification en associant toutes les composantes de la société, tous les regroupements rebelles et armée malienne, la réconciliation et la reconstruction d’une nouvelle armée républicaine et des forces de sécurité modernes. En ces moments de crises, les actions que nous entreprendrons seront déterminantes pour l’avenir de notre nation. Nos actions doivent s’inscrire dans le cadre de ce devoir de responsabilité face à notre devenir collectif. Les moments difficiles que nous vivons doivent servir à sceller une union spirituelle entre l’ensemble des forces vives de la nation, pour que s’exprime clairement notre engagement collectif et historique en faveur d’un nouveau départ pour notre patrie, sa protection et le renforcement de notre capacité à agir.
Cheick Boucadry Traoré