Dans le cadre de l’atelier national de validation des avant-projets de loi portant code pénal et code de procédure pénale, un débat houleux a opposé les professionnels du droit sur la terminologie à utiliser dans la répression des « pratiques attentatoires » aux mœurs dans la société malienne. La majorité des participants ont proposé « la répression des pratiques impudiques » au lieu de les citer nommément.
L’adultère, l’homosexualité…ont fait l’objet d’un long débat entre professionnels du droit. Même si tous les participants sont unanimes que ces deux pratiques doivent être réprimées, la façon divise les professionnels. La terminologie aussi.
D’abord l’adultère. Selon l’article 326-6 de l’avant-projet portant code pénal, « l’adultère de la femme mariée est le fait par celle-ci d’avoir des relations sexuelles avec une autre personne que son mari ». L’article 326-3 précise que « l’adultère de l’homme est le fait par celui-ci d’avoir des relations sexuelles avec une autre personne que sa ou ses épouses légitimes ».
Au sujet de l’adultère, trois nouveaux articles proposés ont opposé les professionnels du droit. Il s’agit des articles 325-11, 327-5, et 326-6, concernant les excuses dites « légales ».
Pour des raisons de prudence, la majorité des participants demandent la suppression des excuses légales présentées comme innovations. Il s’agit des articles : 325-11 qui indique : « Les blessures et les coups sont excusables lorsqu’ils sont commis sur la personne d’un adulte surpris en flagrant délit d’attentat à la pudeur, de viol ou de pédophilie commis avec ou sans violence sur un enfant de moins de 13 accomplis » ; de 327-5 qui précise : «Le crime de castration est excusable s’il a été immédiatement provoqué par un attentat à la pudeur commis avec violence ou par un viol » ; et 326-6 qui ajoute : «Le meurtre commis ou les coups portés ou les blessures faites par un conjoint sur l’autre ainsi que sur son complice à l’instant où il les surprend en flagrant délit d’adultère au domicile conjugal sont excusables ».
Réprimer toutes les pratiques attentatoires aux mœurs et aux coutumes du Mali
La question de l’homosexualité a été débattue durant des heures. Les participants reconnaissent à l’unanimité que c’est une pratique « attentatoire » aux mœurs. Sa répression fait aussi l’unanimité. Mais ce qui divise les professionnels du droit, c’est la terminologie à utiliser.
Pour Adama Samassékou, président du Comité d’experts du Programme d’éducation aux valeurs, « Il faut criminaliser l’homosexualité ».
Pour beaucoup de participants, il faut prendre des exemples sur certains pays de la sous-région qui répriment l’homosexualité sans pour autant le citer. L’interdiction doit être maintenu avec comme définition « tout rapport ou d’attouchement sexuel entre deux personnes de même sexe », précise un magistrat. Beaucoup de participants ont proposé le maintien de « l’attentat aux bonnes mœurs » s’agissant de l’homosexualité, de la sodomie, du rapport sexuel avec les animaux, du fait d’imposer le rapport sexuel en présence de l’autre conjoint.
L’aspect des instruments internationaux
Une volonté est de réprimer l’homosexualité car nuisible aux mœurs, une autre est de ne pas piétiner les conventions internationales auxquelles le Mali a souscrit.
Selon Moussa Bouaré, président du Syndicat des greffiers et secrétaires de greffe, le Mali a ratifié des conventions internationales interdisant la répression des actes « attentatoires » à nos mœurs. « L’erreur, c’est d’aller souscrire à des instruments internationaux qui contredisent les valeurs sociétales maliennes. Incriminer tout comportement impudique. On ne peut pas décider de retenir le mot homosexualité alors qu’on a souscrit à des instruments internationaux », affirme Abdoul Karim Diarra, conseiller technique au ministère de la Justice et des droits de l’Homme.
Pour Issa Dabo, membre de la Commission permanente législative, des pays de la sous-région répriment l’homosexualité sans pour autant le citer nommément.
Boureima Guindo