L’épineuse question du recouvrement des fonds publics présumément détournés par Mouammar Kadhafi et ses proches tourne au règlement de comptes. Anwar Arif, ancien directeur du Bureau libyen de recouvrement et de gestion des avoirs (LARMO), semble être la première victime de cette guerre politico-financière. “Arif a été convoqué mercredi 22 décembre par le procureur de Tripoli qui l’a placé sous mandat de dépôt pour détournement de fonds”, indique à Sputnik une source judiciaire libyenne.
Il semblerait que cette procédure ait été déclenchée par le Premier ministre libyen Abdelhamid Dbeibah, celui-ci étant en conflit ouvert avec Anwar Arif pour avoir refusé de procéder à la passation de consignes avec le nouveau directeur de LARMO, Mohammed Ramadan, nommé en juin 2021. En fait, Ramadan et Arif – qui a dirigé cette instance depuis sa création en 2017 – revendiquent tous deux le contrôle sur le processus de récupération des avoirs libyens.
Contacté par Sputnik, Zineb Benzita, journaliste spécialiste de la Libye met en relief “les intérêts personnels qui continuent à primer dans la gestion de ce dossier“.
“LARMO a été créée avec l’appui de l’Onu et de l’Union européenne, mais elle s’avère inefficace. En Libye, les politiciens et les citoyens savent que le processus de récupération des fonds est bloqué par les membres de LARMO pour des raisons d’intérêts personnels. C’est ce qui pourrait expliquer l’arrestation d’Anwar Arif. Il est accusé d’avoir tracé des fonds durant des années et d’avoir détourné une partie de cet argent”, souligne-t-elle.
Fonds cachés
Cette crise au sommet intervient dans un contexte électoral très tendu marqué par le report du scrutin prévu le 24 décembre. Elle coïncide surtout avec la découverte d’un fonds de 100 milliards de dollars placé par le clan Kadhafi dans huit banques américaines et internationales. Jeudi 16 décembre, une délégation de LARMO conduite par Mohammed Ramadan s’est rendue à New York pour engager une procédure de récupération devant le tribunal fédéral de Manhattan. Les banques sont UBS Group AG, Bank of America Corp, HSBC Holdings PLC, Credit Suisse Group AG, Bank of New York Mellon Corp, Deutsche Bank AG, Citibank ainsi que JPMorgan Chase. Durant cette visite, les plus hautes autorités américaines se sont engagées à soutenir les actions de LARMO.
During his official visit to the United States, Mohamed Ramadan, Director General of the Libyan Assets Recovery & Management Office (LARMO), had highly productive meetings with @StateDept & @USTreasury, who assured their full support for LARMO’s efforts. pic.twitter.com/6x8ccSpRBN
— Embassy of Libya – USA (@LibyainUSA) December 17, 2021
Pour Zineb Benzita, la question de la récupération des fonds libyens à l’étranger est un vrai problème auquel aucun des gouvernements qui se sont succédé depuis la chute de Kadhafi n’a trouvé de solution. “Personne ne connaît le montant exact de ces fonds, ni même les pays où ils sont placés. Abdelkader Redouane, l’ancien procureur général de la cour de Tripoli avait annoncé la somme de 350 milliards de dollars, en précisant ne pas savoir où ils sont. Pour sa part, Mustapha Abou Chakour, l’ancien chef du gouvernement avait avancé le chiffre de 120 milliards de dollars”, soutient-elle. La journaliste note que l’identification de cet argent et sa récupération sont liées à “la stabilité politique du pays”.
“Ce dossier ne risque pas d’être réglé de sitôt en l’absence d’un État stable. Il faut un consensus politique autour d’une démarche afin de pouvoir identifier et récupérer l’argent du peuple libyen. Il est évident que les banques occidentales qui détiennent ces fonds ne vont pas les remettre facilement et surtout pas aux représentants d’un pays fragmenté”, ajoute Zineb Benzita.