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RECIT. Opération Serval : la France au secours du Mali

LE PARISIEN WEEK-END. Début 2013, les militaires français infligent une défaite capitale aux djihadistes qui se sont emparés du nord du Mali. Des acteurs de l’époque, dont François Hollande, racontent comment fut lancée l’opération Serval.

Le 15 mai 2012, quand François Hollande prend ses fonctions à l’Elysée, le dossier malien l’attend. L’ancienne colonie française est en plein chaos. L’hiver précédent, le pays a connu une guerre de sécession remportée par les rebelles touareg du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA). Le 6 avril, ces derniers ont déclaré l’indépendance d’un territoire qui couvre la moitié nord du Mali. Une victoire vite exploitée par des groupes djihadistes, qui prennent possession des principales villes du pays. Le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) contrôle Gao, tandis que, à Tombouctou, flottent les drapeaux noirs d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et d’Ansar Dine, un groupe salafiste. Bamako, la capitale (sud), sort quant à elle d’un coup d’Etat militaire. Le putsch a fait long feu, mais a provoqué l’exil du président Amadou Toumani Touré, remplacé, le 12 avril, par le président de l’Assemblée nationale, Dioncounda Traoré. Dans son palais, le 21 mai, le chef de l’Etat par intérim se fait lyncher et échappe de peu à la mort.

François Hollande, président de la République, donc chef des armées, à l’offensive, le 11 janvier 2013.  (Titwane pour Le Parisien Week-End)

La diplomatie d’abord privilégiée

Jusqu’à ces événements, la question du Mali se résumait pour la France à la question des otages. Six ressortissants français sont alors détenus au Sahel par des groupes djihadistes avec qui l’habitude a été prise de négocier des rançons. François Hollande fait changer la donne. Il refuse désormais de payer. Et se mobiliser dans ce conflit se justifie, à ses yeux, par la lutte internationale menée contre le terrorisme. Mais tout en appelant à une reconquête du Mali, il s’engage immédiatement, avec les acteurs locaux, en faveur d’une action menée sur le terrain par les Africains. Une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, votée le 5 juillet à l’initiative de la France, affirme ainsi un « plein soutien aux efforts déployés par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et l’Union africaine au Mali ».

La destruction, fin juin et début juillet, des mausolées de Tombouctou (nord), haut lieu touristique soumis à une impitoyable charia, avait achevé de plonger la communauté internationale dans l’effroi. Le 25 septembre, François Hollande juge la situation dans laquelle est plongé le pays « inacceptable » lors de sa première intervention aux Nations unies, réunies en assemblée générale. « Nous devons agir pour prendre nos responsabilités », affirme-t-il. Le président proclame de nouveau, le 11 octobre, que « la France n’interviendra pas (…) à la place des Africains » au Mali. La voie privilégiée reste diplomatique à la veille de l’adoption d’une nouvelle résolution onusienne, qui donne, cette fois, quarante-cinq jours à la Cédéao pour livrer un plan de bataille. Mais au ministère français de la Défense, les états-majors sont appelés à se préparer à toutes les autres options, du soutien logistique aux forces africaines à une opération au sol. Le 20 décembre, le Conseil de sécurité autorise, dans une troisième résolution, le déploiement d’une mission internationale sous conduite africaine. Une intervention qui apparaît alors très hypothétique. Faute de troupes opérationnelles, elle n’est pas envisagée avant l’automne 2013. Quelqu’un chercherait-il à l’éviter ? L’heure est encore à la diplomatie. L’Algérie, notamment, se dit en mesure d’influencer les Touareg d’Ansar Dine. François Hollande se rend d’ailleurs à Alger les 19 et 20 décembre. Et le 21, le groupe salafiste et le MNLA s’engagent à « s’abstenir de toute action susceptible d’engendrer des situations de confrontation » et acceptent d’entrer en négociation avec Bamako.Le 1er janvier 2013, Ansar Dine remet à Blaise Compaoré, président du Burkina Faso, un projet pour l’Azawad – le territoire du nord du Mali que s’est approprié le MNLA – une synthèse des positions des rebelles touareg et d’Aqmi. Mais le 3 janvier, Iyad Ag Ghali, le chef d’Ansar Dine, accuse Bamako de recruter des mercenaires au lieu de chercher à négocier. Il se tourne alors vers Aqmi et le Mujao. Une alliance inédite entre mouvements islamistes concurrents se prépare.

L’ONU autorise, le 20 décembre 2012, une mission internationale au Mali, mais ne l’envisage pas avant l’automne 2013.  (Titwane pour Le Parisien Week-End)

Le président Traoré appelle Paris à l’aide

Le 7 janvier, Cédric Lewandowski, directeur de cabinet de Jean-Yves Le Drian, le ministre français de la Défense, tient sa réunion hebdomadaire avec les responsables militaires opérationnels. A l’ordre du jour, la République centrafricaine, en proie à une guerre civile. Le général Castres, qui représente l’état-major, fait remarquer que la situation au Mali est plus urgente en raison de la coalition imprévue des djihadistes. Ces derniersauraient même commencé à déployer des pick-up vers le Sud du pays. Le ministère, qui a compris que Bamako ne gouvernait plus, porte alors toute son attention sur le Mali.

La présence de forces spéciales françaises au Burkina Faso permet une intervention rapide. Les troupes sont prêtes à agir, mais elles pensent encore que François Hollande maintiendra sa politique de non engagement dans le pays. Le 8 janvier, au ministère de la Défense, l’intervention paraît pourtant inévitable. L’étau se resserre quand le président Dioncounda Traoré appelle officiellement la France à l’aide, à la suite de la prise de la ville de Konna (centre) par les djihadistes, dans la nuit du 9 au 10 janvier. Ils s’approchent maintenant de l’aéroport ultra-stratégique de Sévaré, tout proche, où s’est retranchée l’armée malienne désorganisée. Une mutinerie a eu lieu et seule une soixantaine d’hommes sont encore présents pour faire front.

Le 11 janvier 2013, deux hélicopères Gazelle se posent au Mali. L’un d’eux est la cible de tirs qui coûteront la vie au lieutenant Damien Boiteux.  (Titwane pour Le Parisien Week-End)

« Y va-t-on ? »

Le 10 janvier, des forces spéciales françaises basées à Ouagadougou, au Burkina Faso, sont envoyées à Sévaré, non loin de Koma. Le lendemain matin, elles ne savent pas encore si elles devront combattre. A Bamako, des manifestations contre une intervention étrangère sont organisées, mais, dans la nuit, le Conseil de sécurité, réuni en urgence à New York, appelle à « aider les forces de défense et de sécurité maliennes à réduire la menace représentée par les organisations terroristes ». Le président Traoré appelle « la France au secours », résume Susan Rice, l’ambassadrice américaine aux Nations unies.

« Y va-t-on ? » demande François Hollande en ouvrant, à l’Elysée, son conseil de Défense, le 11 janvier à 11 h 30. La réponse s’impose, et on la justifie par un déferlement de véhicules djihadistes vers Bamako. Le Mali tout entier serait menacé. A 14 h 10, l’opération Serval, du nom d’un petit félin africain, est lancée. Deux hélicoptères Gazelle décollent du Burkina Faso. Les forces spéciales déjà présentes à Sévaré se dirigentvers un rassemblement de pick-up. La réplique est immédiate. Des tirs djihadistes touchent les deux hélicoptères, causant la mort d’un premier soldat français, le lieutenant Damien Boiteux, ainsi que la perte de l’un des appareils. Une riposte dont ne parle pas François Hollande quand il annonce, à 18 heures, dans une allocation télévisée, que la France est entrée en guerre. Avec un triple objectif : stopper l’avancée djihadiste, libérer le pays et empêcher de nuire les terroristes.

Bien qu’ils aient infligé, dès ce premier affrontement, une lourde perte à l’armée française, les djihadistes sont surpris par l’opération. La France avait affirmé tellement de fois qu’elle n’interviendrait pas ! Le matin même, persuadés que personne n’allait leur faire face, les combattants islamistes fêtaient autour d’un méchoui leur victoire à Konna. C’est là que les pick-up vont immédiatement se replier, avant d’en être bientôt chassés. Plus de 2 000 soldats français mèneront à bien une opération unanimement saluée, avec le soutien de forces tchadiennes efficaces etd’une armée malienne remobilisée. Les troupes françaises reprennent en une quinzaine de jours les grandes villes du nord du Mali. Tombouctou, abandonnée par les troupes d’Aqmi, est récupérée sans le moindre coup de feu le 27 janvier. François Hollande y arrive en libérateur le 2 février, fêté comme un héros, tout comme à Bamako où il déclare vivre « le plus beau jour de [sa] carrière politique ». Cinq ans plus tard, des forces françaises demeurent dans le pays et la menace terroriste persiste. En mars 2017, Iyad Ag Ghali a annoncé la fusion des groupes djihadistes d’Afrique de l’Ouest sous sa direction, réaffirmant son allégeance à Al-Qaïda. Mais à l’époque, l’opération Serval a rempli sa mission en répondant à l’appel au secours de Bamako. « Nous avons accompli au Mali ce que les Maliens avaient fait dans les deux conflits mondiaux en venant en aide à la France quand elle en avait besoin, rappelle aujourd’hui l’ancien chef de l’Etat. C’est une dette qu’on acquittait. »

Le 2 février 2013, François Hollande est accueilli en héros à Tombouctou, libérée du joug djihadiste quelques jours avant. (Titwane pour Le Parisien Week-End)

 

SourceLe Parisien

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