Le vendredi 3 septembre dernier, des policiers maliens sont massivement sortis pour contrer une décision de justice visant le Commandant de la FORSAT dans le cadre de l’enquête sur les tueries des 10, 11 et 12 juillet 2020. Un acte bien osé de la part de ceux qui sont pourtant supposés être des auxiliaires de justice dans notre pays et qui sont du reste chargé de la sécurité et de la quiétude des citoyens. Un acte qui a été unanimement condamné par tous, à commencer par le gouvernement conduit par Choguel K. Maiga. Mais au juste, la justice s’y est-elle prise avec la manière ? That is the question !
Face à la manifestation de la colère des policiers, le gouvernement, dans un communiqué, s’est indigné du fait que des hommes en uniforme et armés soient descendus dans la rue pour manifester. Un acte est condamnable, si l’on en juge par la qualité des manifestants et face auquel le Gouvernement a tenu à rassurer non seulement l’ensemble des Forces de défense et de sécurité, mais également, les civils qui se verraient en insécurité.
« Dans le cadre de la lutte contre l’impunité, des interpellations sont en cours. Des citoyens sont convoqués par des juges. A l’issue d’interrogatoires respectant les droits de la défense, les juges peuvent être amenés à prendre des mesures de mises en détention suivant la gravité des faits ou les nécessités de l’enquête. Sur ce point, le Gouvernement demande à tout le monde de se rassurer.
En particulier, que ceux qui ont manifesté vendredi sachent que le Gouvernement ne veut les nuire en quoi que ce soit. Ils relèvent d’une institution de la République et, pour cette raison, en tant que citoyens, tous leurs droits seront respectés. Il leur incombe d’assurer l’ordre et la sécurité afin que dans la sérénité, les populations s’adonnent à leurs activités dans le cadre du développement national. Le Gouvernement les exhorte à remplir cette mission dans le dévouement.
Le message du Gouvernement est également d’exhorter au respect de l’autorité de l’Etat. Le Gouvernement a retenu, dans son programme d’action, la lutte contre la corruption et l’impunité. Il ne saurait ni faiblir, ni fléchir, dans cette lutte. Une action est entamée, au nom de l’instauration d’une gouvernance de rupture, d’une gouvernance vertueuse. Cette action sera menée à terme dans le strict respect des libertés, mais avec vigueur, avec fermeté… », Note-t-on du contenu du communiqué du gouvernement qui prévenait, en outre, qu’il ne saurait être question de recul encore moins d’abandon.
De son côté, le Comité stratégique du Mouvement du 5 Juin – Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP), qui a suivi avec gravité les évènements qui ont conduit à l’arrestation de l’ancien commandant de la FORSAT (Force Spéciale Anti-Terroriste) suivie de son extraction sous menace policière de la Maison d’Arrêt de Bamako, a rappelé dans un communiqué « qu’il est clairement établi que des jeunes manifestants aux mains nues ont été violemment abattus ou mutilés à vie courant 2020 à Sikasso, Kayes et Bamako pour avoir exercé leur droit constitutionnel à manifester pacifiquement ».
Ayant toujours demandé justice et réparation pour les victimes, le M5-RFP dit se réjouir de l’effectivité des poursuites judiciaires engagées tout en assurant toute la chaîne judiciaire et les autorités de la Transition de son total et franc soutien dans leur noble combat pour une justice égale pour tous au Mali. Le M5-RFP rappelle, par la même occasion, qu’il a toujours exigé des poursuites contre les donneurs d’ordre qui, au demeurant, sont connus.
« Par ailleurs, le M5-RFP s’inquiète vivement de la remise en cause récurrente de la discipline au sein de nos Forces de Défense et de Sécurité et invite les autorités de la Transition à y mettre promptement définitivement et énergiquement fin par toutes les mesures appropriées y compris par l’application de sanctions disciplinaires rigoureuses. Le Comité stratégique félicite les jeunes du Mouvement pour leur engagement et leur demande de continuer à situer toutes leurs activités dans le respect de la Loi et la préservation de l’ordre public.
Le M5-RFP continue de suivre l’évolution de la situation et prendra toutes ses responsabilités, de concert avec toutes les forces acquises à l’égalité des citoyens devant la justice et à la fin de l’impunité au Mali (organisations de défense des droits humains, société civile, classe politique, syndicats…) pour l’organisation très prochaine d’un grand rassemblement de soutien à la justice au Monument de l’Indépendance à Bamako », indique le communiqué.
Même condamnation chez l’AMDH qui s’est dite profondément indignée de la libération au forcing du Commandant des Forces Spéciales Anti-Terroristes (FORSAT), une situation déplorable constituant une atteinte grave à la Démocratie et à l’Etat de droit au Mali. Aussi a-t-elle interpellé les plus hautes autorités à s’assumer.
« Hier (ndlr : 03 septembre 2021) dans la matinée, le Commissaire Divisionnaire Oumar SAMAKE, commandant de la FORSAT, a été inculpé et placé sous mandat de dépôt par le premier cabinet du Tribunal de Grande Instance de la Commune 3 du District de Bamako, dans le cadre de l’instruction «pour fait de meurtre, coups de blessures aggravés et coups mortels» ouverte suite aux tueries des 10, 11, 12 juillet 2020 intervenues lors des manifestations organisées par le Mouvement du 5 Juin -Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP).
Dans l’après-midi, des policiers mécontents de cette situation se sont regroupés au Groupement Mobile de Sécurité (GMS), ont fait des tirs mettant en danger des populations et se sont dirigés vers la Maison Centrale d’Arrêt de Bamako, où était placé l’inculpé, pour obtenir sa libération. L’AMDH fustige cette obstruction au travail de la Justice par des agents chargés de l’application de la loi et les encourage à la retenue et au respect des règles de la déontologie et des principes républicains », indique le communiqué de l’organisation.
Les deux syndicats des magistrats, le SAM (Syndicat Autonome de la Magistrature) et le SYLIMA (Syndicat Libre de la Magistrature) ne sont pas restés de marbre face à cette situation. Ils ont non seulement l’acte, mais aussi appelé les policiers au respect de la loi. Enfin, disent soutenir la corporation pour que justice soit rendue dans tous les dossiers et aussi pour l’indépendance de la Justice !
Pour beaucoup, il est très facile de juger les policiers, mais le problème de fond reste que la justice a péché par la méthode. Pour eux, si le commandant de la FORSAT était interpellé au même titre que celui (ou ceux) qui lui aura donné l’ordre de déployer ses hommes sur le terrain, les policiers n’allaient pas investir les rues, à fortiori, aller faire un show devant la Maison Centrale d’Arrêt de Bamako !
Flani SORA
Source : Notre Voie