Il y a plus d’un mois, le Conseil national de Transition adoptait le projet de loi électorale soumis par le Gouvernement de transition dans un climat très tendu. Il a fait l’objet de 92 amendements y compris, la colonne vertébrale qui est l’organe unique, appelé Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE). Une sorte de réécriture mal digérée par le gouvernement. Le Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, que l’on croyait à l’époque silencieux, a plutôt pris la parole pour dénoncer ‘’la cabale orchestrée’’ par le CNT.
Même si cette vidéo du Premier ministre date du vendredi 24 juin comme le confirment ses services de communication, avant que la promulgation de cette loi électorale par le Président de la transition, il y ait matière à discussion. “ C’était en réponse à une question d’un ressortissant de Goundam au moment où il recevait l’association à la Primature. La vidéo est sortie de son contexte pour des fins évidentes de manipulation par les vidéomans, soutiens de l’ancien régime, qui rêvent de créer une situation de crise de confiance et de conflit, entre le PM et le président du CNT, par extension avec les membres de l’ex-CNSP’’, a expliqué un proche du PM.
Pourtant, comme l’a affirmé Maurice Merleau-Ponty; “ce silence du PM est bruissant de paroles’’. Pour le commun des mortels, jamais le Premier ministre n’a abordé le sujet sur la loi électorale qui a animé le débat, il y a plus d’un mois. Et pourtant, p était sur le banc des accusés au Conseil national de la transition, ce jour du 17 juin 2022, date à laquelle le projet de loi électorale a été voté. Il était accusé sur plusieurs points, notamment au sujet de la composition de l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE).
De 7 membres dont 4 devraient être nommés par Choguel, le nombre passera à 15, dont 3 nommés par le président et un seul par le Premier ministre. Les partis politiques et la Société civile doivent en désigner 7. Les autres sont nommés par divers pouvoirs publics.
Aux dires de certains membres du CNT, cette nouvelle loi électorale était taillée sur mesure afin de permettre au Premier ministre Choguel d’imposer son homme à la Magistrature suprême après la transition. Un plan qui serait mis en échec par les membres du CNT.
Sur le sujet, Nouhoum Sarr, membre du CNT avait été on ne peut plus clair. « Jamais dans l’histoire de notre pays, une loi électorale n’a aussi été toilettée. Nous l’avons nettoyée de toutes ses aspérités; hommage à cette commission et félicitation à leur travail. La refondation du Mali, elle a commencé, elle se poursuivra contre vents et marées. Le Mali sera refondé non pas autour d’un homme et son clan, mais autour des valeurs de la République. Les gens voulaient organiser les élections quelque part à Bacodjicoroni et proclamer les résultats sur les ondes; nous avons stoppé ça et nous serons toujours là pour arrêter ce qu’il y a à arrêter, pour jouer notre rôle dans l’intérêt de la nation », a précisé Sarr.
Des accusations contre lesquelles le Premier ministre n’a daigné réagir pour dire quoi que ce soit malgré l’humiliation, les injures et invectives subies dans les coulisses par ses ministres présents au CNT pour défendre ladite loi. La ministre déléguée chargée des Réformes politiques et institutionnelles, Fatoumata Sékou Dicko, a dit « ne pas se reconnaître » dans ces modifications. Pire, le ministre de la Refondation, Ikassa Maïga, s’est vu arracher la parole par le président du CNT, Colonel Malick Diaw.
Une série de faits que le Premier ministre a tenu à clarifier, il y a quelques jours. Selon Choguel, c’est une “cabale’’ qui visait à obliger son Gouvernement à démissionner. “On n’a jamais vu ça, l’ORTM diffusé le vote d’un projet de loi en direct et humilier des ministres pour qu’ils démissionnent’’, déplore-t-il.
De ses explications, ce texte est le produit de 6 mois de discussions entre toutes les communautés qui ont fait l’objet d’une réunion de trois jours de toutes les forces vives du pays : partis politiques, Sociétés civiles, religieux, syndicats, féticheurs. Les résultats ont fait l’objet d’un atelier qui a réuni plus de 800 personnes et le résultat de cet atelier a été transmis au secrétariat général du Gouvernement pour mettre la forme. “Rien n’y a été ajouté à la Primature’’, a-t-il clamé en dénonçant le spectacle auquel les deux Institutions de la transition se sont adonnées devant les Maliens. Ce spectacle, pour lui, a donné raison aux ennemis du Mali qui ont fait la fête parce qu’ils s’attendaient à une crise institutionnelle pour détourner l’attention des Maliens.
“Il y a des gens qui se sont opposés pendant un an, ils ont refusé toutes les invitations, le président de la transition a appelé les gens un à un, il les a reçus chez lui en audience ; ils disent niet. Ils sont venus rentrer par la fenêtre pour dire qu’ils ne sont pas d’accord et on a écrit ce qu’ils veulent. Le reste c’est de l’enfumage’’, a-t-il dit.
Choguel s’est même étonné de l’exigence des Maliens demandant à l’unanimité de voir tous ceux qui veulent occuper des responsabilités, jurés sur leur croyance de ne pas trahir la mission qu’on leur a confiée. Selon lui, cela a été aussi enlevé de ce texte sous prétexte que c’est le Premier ministre qui l’a mis. “ C’est faux et archi faux, persiste et signe Choguel, le texte qui est sorti des débats nationaux, on a rien changé aucune virgule dedans, rien n’a été ajouté à la Primature’’.
Il a expliqué son silence par le fait qu’il voulait éviter une crise institutionnelle. “Dans un système démocratique normal, le lendemain, le Gouvernement devrait partir, mais nous savons ce qui est recherché, c’est la création d’une crise institutionnelle pour que l’embargo soit poursuivi. J’ai fait cette discrétion pour vous montrer que, quelles que soient les difficultés, les sentiments d’humiliation qu’on subit, il faut avoir une grande capacité de discernement’’, dit-il.
En clair, le Premier ministre n’a pas digéré les amendements apportés à la loi électorale et l’attitude du CNT vis-à-vis de son Gouvernement. Peut-on dès à présent penser que cette brouille entre Dr Choguel et le Colonel Diaw est un vieux souvenir ?
Bourama KEITA
Source: LE COMBAT