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RDC: l’expulsion des activistes, une erreur monumentale

Si le président Kabila s’éclipse au terme de son second mandat, on lui présentera des excuses. Et, avec un peu de chance, il pourra même décrocher le prix Mo Ibrahim, cette espèce de Nobel pour chefs d’Etat africains.

joseph Kabila president chef etat congo

Charlotte Idrac : La campagne contre un troisième mandat pour le président Kabila, en République démocratique du Congo, a pris une tournure continentale, avec l’arrestation, fort médiatisée, à Kinshasa, puis l’expulsion des activistes sénégalais et burkinabè, venus partager leurs expériences avec la société civile congolaise. A Kinshasa, le régime justifie ces arrestations par des arguments divers, mais il subsiste un petit malaise, comme un acte manqué…

Jean-Baptiste Placca : L’arrestation de ces jeunes gens est, à l’évidence, une monumentale erreur, en termes d’image. Tous les gouvernements – les chefs d’Etat – du continent dépensent une fortune colossale soi-disant pour leur image, pour leur communication. Mais, à la première occasion qu’ils ont de montrer l’efficacité de leur stratégie, ils sombrent dans le fin du fin de la maladresse. Ainsi de l’arrestation de ces activistes. Elle aura abîmé l’image des dirigeants de la RDC, davantage que tous les actes qu’ils ont pu poser, jusqu’à présent, pour contrecarrer la campagne de l’opposition visant à empêcher une candidature du président Kabila pour un troisième mandat.

A présent, l’Afrique toute entière a de réelles et bonnes raisons de douter des dénégations du pouvoir, quant au projet d’un subterfuge, pour contourner les dispositions constitutionnelles, en vue d’un troisième mandat. La société civile congolaise a réussi, là, une prouesse extraordinaire. Ses leaders, encore en état d’arrestation, sortiront plus forts de cette épreuve, et ils seront, pour longtemps sans doute, dans la lumière et en position de force.

Pour le reste, la jeunesse du continent a le devoir de se rapprocher, par-delà les frontières, pour se partager les expériences respectives, en matière de lutte contre les mandats à vie, les modifications des Constitutions, à des fins de confiscation du pouvoir.
 
C. I. :C’est tout de même nouveau, cette forme d’échange d’expériences, cette solidarité panafricaine, par-delà les frontières, comme vous dites…

J.-B. P. : Non. Il en a été de tout temps ainsi. Durant la lutte pour l’indépendance, les leaders des partis indépendantistes et autres mouvements de libération échangeaient leurs expériences, en se réunissant, parfois dans la capitale du pays colonisateur, ou dans des pays moins inhospitaliers. Durant la période des partis uniques, c’est-à-dire de l’indépendance, jusqu’au début des années 90, les opposants se retrouvaient, d’une manière ou d’une autre, officiellement ou clandestinement, dans les pays accueillants, pour échanger, élaborer des stratégies communes. Avec l’avènement de la démocratie, ces leaders ont continué à se retrouver, ici et là, pour partager leurs expériences. C’est dans ce cadre qu’il faut situer l’action de la société civile, qui vole au secours de la démocratie, là où les politiques sont essoufflés ou tout simplement discrédités.

On peut comprendre que les pouvoirs qui veulent s’incruster vivent mal le partage entre les mouvements de la société civile, surtout lorsque ceux qui apportent leurs expériences ont réussi des prouesses saluées par tout le continent, comme c’est le cas des Burkinabè et des Sénégalais.

C. I. :Sachant ce qu’il est advenu du régime Compaoré ou même d’Abdoulaye Wade, on imagine qu’un rassemblement comme celui de Kinshasa puisse être vécu par le régime Kabila, comme un complot visant à le chasser du pouvoir, puisque c’est à cela qu’a abouti l’action de la société civile, à Ouagadougou comme à Dakar…

J.-B. P. : Parler de complot est excessif, dans la mesure où ces activistes se réunissent publiquement. Et puis, il y a tout de même quelque chose qui frise le ridicule, lorsque l’on entend dire des activistes du Balai citoyen, du Burkina ou des Sénégalais du mouvement « Y en a marre » qu’ils étaient à Kinshasa pour détruire le pays. A une telle accusation, l’on pourrait rétorquer que si le président Kabila choisit de respecter la Constitution de son pays, comme on le lui conseille de partout, il n’a rien à craindre des recettes qui ont permis de mettre dehors Blaise Compaoré, ou d’affaiblir Abdoulaye Wade, avant sa cuisante défaite à la présidentielle.

C. I. :Pour le moment, on est dans le procès d’intention, puisque le président Kabila ne s’est toujours pas déclaré candidat, et il n’y a aucune preuve qu’il veut proroger par quelque subterfuge que ce soit son dernier mandat…

J.-B. P. : Tant mieux. On lui présentera des excuses, lorsqu’il s’éclipsera, au terme de son second mandat. Et l’on espère que le gouvernement congolais saura présenter des excuses au militant burkinabè du Balai citoyen, pour l’avoir mis dans le coffre d’une voiture, comme un simulacre d’on ne sait trop quoi. C’est inacceptable, à la limite de l’indignité. S’il s’excuse et s’éclipse au terme de son mandat, le président Kabila pourra, avec un peu de chance, décrocher le prix Mo Ibrahim, cette espèce de prix Nobel, pour les chefs d’Etat africains qui savent partir…

 

Source: RFI

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