Avec peu de moyens, le basketball malien écrit depuis quelques années les belles pages de l’histoire de la discipline au Mali, aussi bien au plan continental que mondial avec à la clé une dizaine de titres continentaux et même un titre de vice-champion du monde.
Pourtant, il y a un demi-siècle et un quart de siècle, des générations super douées de basketteurs et de basketteuses maliens, qui n’ont aucune commune mesure avec les jeunes d’aujourd’hui au plan de la qualité, n’avaient pu offrir cet honneur au Mali. A défaut d’un trophée continental à l’époque, elles ont néanmoins honoré le pays et illuminé de leur talent les différents championnats d’Afrique, coupes de clubs et autres compétitions. Ces générations étaient composées de Mamadou Seydou Traoré dit Babou, Diakalia Ouattara, Mamadou Doumbia dit L’homme, Alassane Kanouté, Balla Gueye, Penda N’Diaye dite Pinpin, Aïssata Guinto, Sali Dembélé etc.…. Dans le présent numéro de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”, nous sommes allés à la rencontre d’une des légendes de ces générations talentueuses du basketball malien, en la personne de Djénébou Touré, ancienne internationale du Djoliba AC. La seule évocation de son nom renvoie aux bons souvenirs et à l’ambiance électrique nocturne dans le mythique Pavillon des sports du stade omnisports de Bamako à Médina Coura. A chaque compte-rendu impliquant le Djoliba, le journal “Podium” décrivait toute sa dextérité à manier le ballon en sa qualité de pivot. Djénébou Touré constituait avec les Absatou Traoré, Kamissa Kéïta, Djénébou Sanogo, Sokona Sissoko “Fifi”, Kadia Cissé, Awa Sangaré dite Awa Pecos, une équipe féminine du Djoliba qui n’avait d’égale en territoire malien et qui raflait sans le moindre partage tous les trophées mis en jeu tout en terminant la saison en beauté avec la coupe du Mali. C’était à la fin de la décennie 1970 et dans la première moitié des années 1980, voire au-delà. Après onze ans de carrière, Djénébou Touré prend sa retraite en 1994 à cause de l’âge et de la fatigue. Quelle a été sa vie au terme de sa retraite sportive ? Elle s’est montrée disponible pour répondre à nos différentes questions.
Vivant aux Etats Unis depuis septembre 2001 (elle avait auparavant travaillé à la SOTELMA et à la Direction Nationale des Sports), Djénébou Touré reste connectée à l’actualité sportive du Mali, surtout à sa discipline préférée, le basketball.
Fière de “ses filles” !
Que pense-t-elle du déphasage en termes de résultats entre les anciennes générations, plus douées, et la nouvelle plus efficace? Autrement dit ses enfants sont en train de réaliser des miracles sur les plans continental et mondial.
Tout à fait d’accord que les temps ont changé, Djénébou Touré, très fière de ses enfants, se réjouit de leurs exploits. Parce qu’elles ont réussi là où leurs mamans ont échoué. Elle connait par cœur les noms des joueuses des différentes catégories de basketball. Cette fierté qu’elle éprouve vis-à-vis de la nouvelle génération est le revers de la médaille de ses bons souvenirs : sa première coupe du Mali, les poignées de mains avec le président Moussa Traoré, tout ce temps passé au Djoliba, en équipe nationale, où elle tient à rendre hommage à une ainée Aïssata Guinto, malgré le recul et la distance. Selon elle, l’ancienne internationale du Stade malien de Bamako veillait sur sa vie et sa carrière comme le lait sur le feu. Evidemment qu’elles n’étaient pas du même club, mais Guinto l’encadrait à l’internat et lui ordonnait de réviser ses leçons et à se coucher tôt. Dépassée par l’autorité qu’exerçait son ainée sur elle, Djénébou Touré dit accepter volontiers cet encadrement qu’il fallait. Au finish, elle a décroché un Brevet de Technicien en Secrétariat.
Djénébou Touré n’était pas cette basketteuse qui forçait le talent. Son toucher, ses mouvements sur le terrain et son dynamisme suffisaient pour comprendre qu’elle n’a pas appris le basketball à la va vite. Très sobre, elle a su braver les pressions, et se défaire du complexe, pour imprimer son empreinte à l’ascension du Djoliba. En son temps la rivalité entre les équipes féminines étaient telle que tous les matches avaient l’allure d’une finale.
Par son rôle (pivot), elle se battait comme une lionne pour apporter la réplique appropriée, face aux assauts répétés de l’adversaire.
Djénébou avait transféré au Djoliba quand elle était encore au second cycle, donc très jeune. Ce facteur qui aurait dû être un handicap a été plutôt une motivation supplémentaire pour se transcender dans ce club qu’elle a aimé depuis l’enfance et dont elle écoutait les matches à la radio.
Comment elle a appris le basketball ? Pourquoi elle a quitté précipitamment l’AS Réal ?
Il faut rappeler que Djénébou Touré est née en Côte d’Ivoire, où elle a passé une partie de son enfance à Bouaké, avant de faire un saut à Bamako en 1981 à la faveur des vacances scolaires. Elle décide finalement de ne plus retourner au pays de Houphouët Boigny. Elle est inscrite au second cycle du Camp Soundiata de Kati par son oncle qui y logeait. Piquée par le virus du basketball, à travers les séances d’éducation physique à l’école, elle se distingue lors des semaines régionales à Kolokani, Nara, Kangaba.
Au Djoliba, “c’était la famille”
Son passage au Nianan de Koulikoro et à l’AS Réal sera de courte durée. Elle intègre le Djoliba sur instruction de l’ami de son oncle, feu Général Mamadou Coulibaly, ancien ministre de la Défense). Son arrivée chez les Rouges a coïncidé avec son admission en 9ème A pour le DEF. Son tuteur qui privilégiait les études, l’interdisait d’être régulière aux séances d’entrainement. Ce qui l’abonna au banc de touche durant cette période. Son élan qui présageait un bel avenir sera freiné par son oncle, le colonel Sékou Konaté qui privilégiait son admission au DEF. Logée à Kati, elle devrait résoudre une équation. C’est-à-dire comment rallier Bamako ? Pas trop de soucis à ce niveau. Un supporter du Djoliba, Hamer Maïga dit Gourse, assurait tous les jours son transport. Evoluant avec des partenaires très techniques, Djénébou Touré était la plaque tournante de l’équipe du Djoliba. Pivot, elle savait juste où frapper pour déstabiliser l’adversaire.
Qu’est ce qui caractérisait la réussite de leur groupe ? Elle dit qu’un seul slogan prédominait : le Djoliba ou rien. Bref, c’était la famille. Avec les Rouges de Bamako, Djénébou Touré elle a remporté neuf Coupes du Mali (1982, 1983, 1984, 1985, 1986, 1987, 1988, 1989,1990).
Sélectionnée en équipe nationale très tôt en 1984, Djénébou Touré n’a raté aucun des championnats d’Afrique féminin jusqu’à sa retraite.
En 1991, elle signe un an de contrat à l’Energie Electrique de Côte d’Ivoire. A son retour, elle joua deux ans, pour ensuite raccrocher définitivement.
Titulaire d’un Brevet de Technicien en Secrétariat, elle travailla d’abord à la Sotelma, puis à la Direction Nationale des Sports. C’est en 2001 qu’elle prend la lourde responsabilité de s’aventurer aux Etats Unis. Pourquoi l’ancienne internationale du Djoliba a choisi l’extérieur ? Elle soutient avoir des soucis qui n’avaient pas leurs solutions au Mali. Aux USA, elle travaille depuis son arrivée et y gagne sa vie, honnêtement.
Comme mauvais souvenir, elle se rappelle de ce voyage avorté sur la Côte d’Ivoire en 1985. Après avoir donné au revoir à leurs parents, les joueuses seront désagréablement surprises en apprenant que le départ est annulé. Certaines ont préféré rester au lieu de rassemblement jusqu’au soir. Parce qu’elles se gênaient d’informer leurs parents, de ce qui s’est passé.
Autre mauvais souvenir, son mal de genou qui continue à présent de l’embêter.
Dans la vie, Djénébou Touré aime la tranquillité et le bien-être. Elle déteste le mensonge et l’hypocrisie. A la question de savoir comment elle vit aux Etats Unis ? L’ancienne internationale répond qu’elle ne se plaint pas, pour la simple raison qu’elle travaille et parvient à assurer son bien-être.
O. Roger Sissoko
Source: Aujourd’hui-Mali