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Que sont-ils devenus… Amara Cissé : Rigoureux et intransigeant

Il est dit dans le coran que l´avenir n’appartient qu’au bon Dieu. C’est à dire nul ne sait de quoi demain sera fait.  Au début des années 1980, il était impensable pour nous de réaliser qu’un jour viendra où nous serons face à face avec Amara Cissé, directeur de l’école de N´Tomikorobougou C pour causer de sa vie. Il était craint par notre génération du premier cycle, à cause de sa rigueur, et son intransigeance sur ses principes quand bien même nous n’étions pas directement sous son autorité. Toutes les écoles de l’inspection I se retrouvaient dans son établissement lors des foires scolaires. A l’époque, sa touche sur N’Tomi C rappelait la récitation “Mon beau village”, tellement la cour était bien entretenue avec un ombrage agréable, une surface bien propre. Bref, il faisait bon vivre. Une belle image qui a conduit en ces lieux le Premier  ministre  Français, Michel Rocard, en visite officielle au Mali en 1986. C’est cet instituteur, Amara Cissé, qui est notre héros de la semaine dans la rubrique “Que sont-ils devenus ?”.

L’interview de l’article de cette semaine dans le cadre de votre rubrique préférée, s ´est déroulée  dans un contexte particulier. L´atmosphère reflétait une grande dose d´émotion

L´un de nos fidèles lecteurs, Ousmane Thierno Diallo, ancien secrétaire général de la Femafoot, a posé un acte inoubliable pour le journal. Comme pour faire une révélation, il est à l´origine du passage de beaucoup de personnalités dans ladite rubrique. Une fois de plus, il s’est investi pour nous mettre en contact avec Amara Cissé. Mieux le dimanche 4 juin 2023, Me Diallo nous conduit dans sa voiture au domicile d’Amara, sis à Hamdallaye A. C. I Bocoum.

L’amour du bon cadre de vie

Après les formules d’accueil et les présentations,  l´ancien instituteur lance une boutade, pacte de cousinage  oblige, en proposant un changement de notre nom de famille en Cissé. Malgré sa gentillesse, la peur au second degré nous envahissait pour les raisons évoquées plus haut. Il profite de cette récréation pour nous installer sous la véranda, où l´interview s’est réalisée.

Déjà un premier constat : une cour très propre, un feuillage bien orné,  des fleurs bien taillées à l´allure des maisons indigènes. L´endroit rappelle ses années à l´école. L´homme demeure dans sa toilette bien soignée, un caractère commun aux instituteurs de la vieille école. Avec ce décor, Amara Cissé, à son réveil chaque matin, est plongé dans les souvenirs de ses premières heures dans l´enseignement. Parce que sa maison est à quelques mètres de l´école fondamentale de Niomirambougou,  où il commença sa carrière d´enseignant en 1961. A l´époque, tout ce quartier respirait par lui. En plus d´être élégant, il était un enseignant modèle qui a donné une image moderne à la devanture de sa classe.

Deuxième constat : Amara Cissé est un vrai instituteur qui articule les mots avec prudence. Il revient toujours en arrière chaque fois qu´il se rend compte qu´un mot est mal formulé. Face à un vieil instituteur,  cela va de soi qu’il fasse l´état des lieux, sous la forme d´une comparaison entre l´école d´hier et celle d´aujourd’hui.

Sa promotion du Cours Normal de Sévaré a immédiatement pris fonction en 1961, au terme d´un perfectionnement à l´École de Formation Pédagogique.  C´était pour combler un vide occasionné par le départ des étrangers après l´indépendance. Une grande expérience qui lui fait dire que le distinguo entre  l´école de cette époque et celle d´aujourd’hui se situe au prime à bord au niveau des enseignants qui n´ont pas la même valeur académique que ceux du post indépendance.Le fait même qu´il soit appelé instituteur est déjà une grande différence. C’est pourquoi, il n´a jamais accepté d´être étiqueter maître du premier cycle ou du second cycle. Parce que son cursus au Cours Normal de Sévaré pèse lourd dans la balance. Surtout que le Brevet Élémentaire leur donnait le statut d´enseignant.

Amara Cissé soutient que l´ancien joueur international du Djoliba, Sadia Cissé était un frère avec lequel il avait des rapports sincères. Celui-ci, durant tout son temps en France, l´appelait régulièrement pour s´enquérir de ses nouvelles.  A partir de là, on peut se faire une idée sur toute cette considération qu´il avait pour Sadia Cissé décédé le 18 mai dernier en France et inhumé à Bamako le 26 mai.

Cependant, il rejette et désapprouve l´intervention du 1er vice-président de la Femafoot,  Kassoum Coulibaly dit Yambox. On se rappelle que celui-ci a profité des obsèques de Sadia Cissé, pour solliciter l´union sacrée au sein et autour du Djoliba.  Lequel club souffre des querelles internes.

Selon Amara Cissé, Yambox parle comme si le Djoliba est au bord de l´implosion. Or, il n´en est rien. Autrement dit, tout va bien dans la famille Rouge. La preuve, aujourd’hui le Djoliba est deuxième du championnat national.  Une équipe en difficulté se trouverait- elle à cette position du classement ? s´interroge-t-il.

Instituteur de principes !

C’est lors de la rentrée scolaire 1960-1961 qu´Amara Cissé a pris fonction à l´école fondamentale du Camp des Gardes.  Un incident matinal l´oppose à son directeur.

Qu´est ce qui s’est passé ? “Le directeur décide de me confier la 6ème A, une classe d´examen. Cela ne m´enchantait pas. Je lui ai suggéré une rotation dans les différentes classes, qui me permettrait d´avoir la main. Il n´a pas apprécié ma remarque, d’ailleurs très pertinente. Cela  m´a coûté une mutation dans le cercle de Macina.” 

Amara n´aura passé qu´une année dans cette zone. Avant de rejoindre son lieu d’affection, il se confie à son  aîné,  Gaoussou Dabo un enseignant très respecté dans le milieu scolaire. Celui-ci parvient à lui trouver un point de chute à Bamako. Voilà qu´il signe son passage à l´école fondamentale de Niomirambougou où il passe dix ans (1961-1971). Sa notoriété prend un grand coup dans cet établissement, à la suite d’un mouvement de grève.  Ce qui le fait muter dans le cercle de Dioïla avec la mention “interdiction de séjour à Bamako, en  plus de la rétrogradation”.

En se rappelant que de telles décisions dictatoriales ne pouvaient être prises que sous le CMLN, il serait facile de comprendre toute cette pression qui caractérisait l´administration. Durant tout ce temps, il avait de la peine à passer l´examen de CAP pour être maître du second cycle. L´intérieur de Bamako ne lui semblait-il pas une opportunité pour réaliser cette ambition ? C’est dans le but de se soumettre à cette épreuve qu´Amara négocie une affectation sur Massigui.  Ses vœux seront réalisés ; il revient à Bamako au début de la rentrée scolaire 1972-1973. Pour la circonstance, il devrait passer la phase écrite de l´examen de CAP. L´inspection lui confie une classe de 6ème A, et Amara forme  et réalise une admission de 100% de deux promotions au Certificat d’études Primaires (1974-1976). Ces résultats probants le propulsent au poste de directeur de l´École Fondamentale de N´Tomikorobougou C.

Nous le connaîtrons comme puissant maître des lieux en 1982 et 1984. Faudrait-il rappeler que nous n´étions pas dans son établissement,  mais des amis d´enfance et du quartier nous parlaient de sa rigueur et de ses méthodes de travail intransigeantes.

Mis aux arrêts par le CMLN

Mais avant, il a eu un deuxième accrochage avec le pouvoir militaire.

En juin 1977, Amara Cissé est arrêté et passe quelques semaines au camp Para de Djicoroni.

Il relate le film : “Le Commissaire du 1er Arrondissement m´a mis aux arrêts pour avoir participé aux obsèques du président Modibo Keïta.  Il a passé à mon école quand j’étais à un mariage. Il instruit à ce que je me rende volontairement au commissariat. A défaut, je serai humilié dans ma famille. Il fallait prendre cette menace au sérieux.  J´ai informé mes proches de mon éventuel arrestation. Du coup, je me rends à la Police en compagnie d’Abdoulaye Barry, ancien directeur de la DNAFLA et de son épouse également convoqués, pour les mêmes causes. Le Compol nous fait des remontrances liées à notre présence à l´enterrement du feu président, et nous conduit directement au Camp Para de Djicoroni pour quelques semaines. En réalité, c’est suite à l´interrogatoire d´un proche de Modibo Keïta que nous avons été arrêtés. Celui-ci a reconnu sa présence sur les lieux au même titre que nous trois.”

A sa libération, Amara Cissé est encore muté à Dioïla,  plus précisément dans l’Arrondissement de Ména. Il est une patate chaude dans les mains de l´Inspecteur et du Chef d’Arrondissement. Amara fut affecté sans expression de besoin. Comment dire au directeur d´école qu´il est remplacé, alors qu´aucun grief n´est retenu contre lui. Finalement, l’affaire est tranchée et Amara prend fonction avec ses principes.  L´établissement change de méthodes. Cette belle époque qui présageait un bel avenir pour l´école de Ména n´aura pas duré. Amara Cissé ne dépasse pas une année scolaire normale.  Son retour comme directeur à l´école de N´Tomi C est acté, et il prend pour une deuxième fois les reines dudit établissement jusqu’à sa retraite.

C’est le moment pour nous de lui demander les motivations de sa rigueur, de ses principes très durs. “Tout cela est lié à ma nature, à l´éducation que j´ai reçue de mon grand frère bienfaiteur, Gaoussou Dabo. J´ai hérité de beaucoup de choses de sa personne. Il était un homme aux bonnes qualités multiples.”

Le football, toujours le football !

L´autre facette de la vie de l´instituteur Amara Cissé est sa passion pour le football, et qui lui a d’ailleurs permis d´occuper de hautes fonctions dans la gestion administrative de la discipline. Il fut pendant trente-quatre ans (1979- 2013) secrétaire général adjoint du Djoliba. Il a aussi assumé les mêmes fonctions à la Femafoot durant dix ans (1992-2002).

La longue et riche carrière d´Amara Cissé a enregistré de bons souvenirs : son passage à l´examen du CAP, ses deux décorations par la nation (chevalier de l´Ordre National en 1995, Officier de l´Ordre National en 2006), surtout le jour de sa retraite.  Ce 31 décembre 1997 la population de N´Tomikorobougou,  les enseignants,  les élèves, les inspecteurs ont créé une vague de marée humaine. Ils sont allés le chercher à la maison pour le conduire à l´école.  Selon lui, il n´a jamais vu une telle situation pour un enseignant.

O .Roger Sissoko

                Tél : 00223 63 88 24 23

 

Source: Aujourd’hui-Mali
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