Mercredi 5 avril 2023, des avions de chasse, nouvellement acquis par l’armée malienne, survolent, à basse altitude, plusieurs localités du Nord du pays dont Kidal. Et la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) s’en offusque et crie à la provocation comme si ces espaces n’étaient pas maliens. Pour la CMA, ce passage des avions de chasse des FAMa à basse altitude est provocateur.
Mieux, les avions on survolé les positions de la CMA à Ber, Amassine, Anafis et Kidal à des attitudes «délibérément provocatrices», selon la CMA. C’est «une violation patente du cessez-le-feu du 23 mai 2014», selon un communiqué de la CMA, le 5 Avril 2023.
On peut croire que l’habitude de subordination du Mali par la France, pour survoler son propre espace malien, s’était déjà institutionnalisée par une pratique bien huilée, au point que certains ont cru que cette posture était normale.
Depuis le 6 Avril 2012 où le MNLA proclamait unilatéralement une indépendance de la CMA, en réalité fantomatique, les groupes armés rassemblés en coordination (CMA), malgré la signature d’un accord de paix en 2015, ont continué de célébrer cette date à Kidal, en y mobilisant des femmes et des enfants pour des défilés et en y organisant des parades militaires avec des colonnes de véhicules de terrain surmontés d’armes lourdes. Une démonstrations des forces armées, comme le ferait un Etat indépendant. Malgré la signature de l’accord de paix en 2015, entre le gouvernement et les groupes armés, la CMA a continué ces manifestations, sans jamais penser qu’elles constituaient une violation du cessez-le-feu, signé le 23 mai 2014.
Le cessez-le-feu cité ci-dessus est intervenu après l’échec du Premier ministre chef de guerre Moussa Mara, à reprendre Kidal aux groupes armés dont le lien avec les groupes djihadistes n’est qu’un secret de polichinelle, «renseignés et ravitaillés par la France», selon le gouvernent malien. La France n’a jamais daigné apporter la contradiction au gouvernement malien qui l’a défiée à la tribune des Nations-Unies en demandant, sans jamais l’obtenir, une séance pour exposer les preuves de ses allégations qui mettent la France d’Emmanuel Macron sur le banc des accusés.
Le défi de retrouver Kidal dans son giron, depuis la tentative ratée de Moussa Mara, est resté une épine dans le pied des Maliens, d’autant que le Président de la Transition au Mali, Assimi Goïta est un militaire recalé aux portes de Kidal sous menace de l’armée française Serval. Ce jour là, celui qui préside aujourd’hui aux destinées du Mali et qui est bardé de faits de guerre, a pleuré à chaudes larmes, comme un enfant à qui on retire son jouet. Le réveil a été brutal pour les Maliens qui n’ont eu d’autre choix que d’ouvrir les yeux aux chandelles bouleversantes de la réalité. Une réalité pondue par Serval aux porte de Kidal et qui finit par rattraper la France d’Emmanuel Macron, sa diplomatie et l’opération Barkhane partout dans le Sahel. Les têtards éclos de la réalité de l’intervention française au Mali escaladent l’Adrar et se rependent dans le reste du Sahel à partir du centre malien, le Burkina Faso, le Tchad, la Guinée, la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Cameroun, l’Algérie et inévitablement le Niger de Mohamed Bazoum qui, désavoué par l’occident, finira dans l’étau entre celui-ci et son propre armée.
Comme l’armée burkinabé, celle du Niger a appris et sait désormais ce que veut dire terrorisme dans le Sahel, et ce que visent les soi-disant djihadistes; ainsi que la géostratégie qui les soutend: semer et vendre l’insécurité, la guerre à l’intérieur des Etats et dans le Sahel, le chaos, le dépeuplement du Sahel, pour s’accaparer des ressources en quantité et en qualité. Pour arriver à leur fin, les prédateurs entretiennent la robotisation des dirigeants africains du Sahel, qui se transforment en marionnettes pour sacrifier les intérêts de leur peuple au Mali, au Niger, au Burkina Faso, au Tchad. La caricature est pareille au producteur de manioc, de bananes ou de maïs, qu’on contraint à laisser ses champs libres à des singes qui viennent en imposteurs, dévaster son champ prometteur. C’est prendre et confisquer les ressources léguées par les ancêtres et dont on a le devoir de transmettre à ses enfants. Accepter un tel projet pour le sahel, c’est aussi accepter de se réduire en spectateur du ruine de sa personnalité de digne Africain du Mali, du Niger, du Burkina Faso et du Tchad. Suivant la caricature ci-dessus proposée, c’est accepter en tant que propriétaire légitime du champ, de se laisser interpeller par un singe, qui demande des comptes.
Ainsi, se repend une politique permissive dans la société internationale, comme au niveau interne dans le jeu entre administration et administrés, gouvernants et gouvernés, et même entre individus, entre villages, zones et régions. À l’échelle internationale, ce déséquilibre se constate entre Etats qui ont pourtant le même statut devant le droit international.
Si le singe (intrépide dévastateur des récoltes en milieu bamanan) apostrophe le propriétaire du champ, c’est qu’il y a une situation permissive, qui fait du propriétaire un spectateur ; c’est le règne des brigands. La situation ainsi décrite est bien connue des Maliens depuis la première République où le père de l’indépendance Modibo Kéita s’est ainsi exprimé : «Quand les propriétaires deviennent les spectateurs, c’est le festival des brigands».
La formule imagée trouve, hier comme aujourd’hui, sa parfaite illustration dans la gouvernance de notre pays, à différents niveaux. L’imposture des uns et la démission des autres ont fait le lit à des situations permissives : le fonctionnaire qui devient milliardaire, l’opérateur économique adossé au haut responsable politique, administratif ou militaire, qui s’octroient des subventions de l’Etat pour les monnayer à leurs seuls profits et au détriment des populations du Mali ; le leader politique qui use et abuse des missions constitutionnelles du parti pour placer aux postes de responsabilité ses sbires sans compétence pour les ‘’récompenser’’ (de quelle besogne?) au détriment de la stabilité sécuritaire et économique de l’Etat malien.
L’épidémie des impostures proliférant à tous les niveaux, des groupes ethniques ou communautaires se revendiquent des régions entières au détriment de l’unité nationale, de la cohésion sociale et de la stabilité de l’Etat. Au point qu’on peut se poser la question, à savoir entre les imposteurs à la petite semaine dans l’administration et les citoyens, qui sont au service de qui ?
Si on arrive à se poser une telle question, c’est qu’il y a une confusion des rôles, une maldonne, une méprise pour les populations dont les autorités élues ne devraient être que des serviteurs. Si cela était compris, il n’y aurait pas de fraude électorale qui est la pire des crimes ; on éviterait d’éventuelles revendications irrédentistes chez les senoufos au sud de Sikasso ; des touaregs de Kidal et des peuls du Macina déposeraient les armes. Le gène de la révolte réside dans la mal gouvernance et l’imposture des dirigeants fraudeurs et corrompus sans vergogne, et qui s’enorgueillissent maladroitement ! Il convient de rétablir l’ordre, de couper le nœud gordien de l’imposture politique ; que le propriétaire cesse d’être le spectateur afin que s’arrête le festival des brigands.
B. Daou
Source : Le Républicain