Quelles que soient leurs intentions, les militaires au pouvoir au Mali veulent poser des actes. Le projet de nouvelle Constitution au Mali, remis au chef de la transition, renforce les pouvoirs du président qui prendra la tête du pays en 2024.
Le 12 octobre 2022, les autorités maliennes ont rendu public le projet de nouvelle Constitution alors que le casting de la présidentielle annoncée pour février 2024 et censée ramener les civils au pouvoir reste à établir. Les interrogations portent notamment sur une éventuelle candidature de l’homme fort de Bamako, le colonel Assimi Goïta, sachant que la charte de la transition avait initialement affirmé que le président de la transition ne pourrait pas concourir. L’avant-projet n’aborde pas ce point mais il consolide la position présidentielle.
La Constitution actuelle, datant de 1992, dispose que « le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation ». Dans la nouvelle Constitution, c’est « le président de la République qui détermine la politique de la Nation », et le gouvernement qui conduit la politique de la Nation déterminée par le président ».
Le président nomme le Premier ministre et les ministres, et met fin à leurs fonctions. « Le gouvernement est responsable devant le président », et non plus devant l’Assemblée nationale. L’initiative des lois appartient « concurremment » au président et aux membres du Parlement, et non plus au gouvernement et à l’Assemblée nationale.
À cet effet, Fousseyni Samaké, le président de la Commission chargée d’élaborer le texte précise : « le Parlement, ou l’Assemblée, ne pourra plus renverser le gouvernement et, en sens inverse, le président de la République ne pourra plus dissoudre l’Assemblée nationale »,
Le Mali ne sera jamais un État fédéral
Les acteurs politiques maliens s’accordent de longue date sur la nécessité d’une réforme constitutionnelle. L’actuelle Constitution passe pour un facteur de la crise politique que traverse le Mali, théâtre de trois coups d’État depuis 1991 et cinq depuis l’indépendance. L’instabilité politique amplifie la grave crise sécuritaire en cours depuis 2012, et le déclenchement d’insurrections indépendantistes et jihadiste dans le nord du pays.
Pour cette raison, le président Fousseyni Samaké a encore indiqué : « le nouveau texte écarte l’hypothèse d’une fédération, qui aurait conféré une forte autonomie au nord du pays, théâtre par le passé de rébellions touarègues réclamant l’indépendance ou un statut particulier ».
Depuis 2015, les groupes armés à dominante touarègue ont signé avec l’État, l’accord de paix dit d’Alger qui octroie plus d’autonomie au Nord. Autre nouveauté, l’avant-projet de constitution au Mali évoque, l’impossibilité de toucher à la limitation du nombre de mandats présidentiels à deux, dans un contexte régional où des candidats ont brigué ou pourraient être tentés de briguer, un troisième mandat en instrumentalisant la loi fondamentale.
Enfin, le texte rédigé sous une junte deux fois putschiste, énonce que « tout coup d’État ou putsch est un crime imprescriptible ».
Le projet de Constitution remis au président de transition, le colonel Assimi Goïta, le 11 octobre dernier, doit être soumis à référendum en mars 2023. Il est un élément clé du vaste chantier de réformes invoqué par les militaires pour rester jusqu’en 2024.
En attendant, on peu dire que l’avant-projet de la nouvelle Constitution, crée la rupture avec les pratiques habituelles et ouvre les perspectives de la refondation du Mali, tant souhaitée.
Arouna Traoré
Source: Le Nouveau Réveil