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PROJET DE LOI DE LA REVISION DE LA CHARTE : ces points problématiques

Notre position a toujours été de soutenir l’obligation constitutionnelle du régime de la Transition de respecter la Charte, tout en précisant que cette obligation de respect n’était nullement incompatible avec le droit souverain qu’il détient d’exercer son pouvoir constituant dérivé, c’est-à-dire son pouvoir de révision de la Charte, y compris dans sa disposition fixant à 18 mois la durée de la Transition et qui n’a aucun caractère d’intangibilité.

Les seules contraintes en la matière posées en son article 21 demeurent celles renvoyant tout bonnement aux modalités de sa révision : « L’initiative de la révision de la présente Charte appartient concurremment au Président de la Transition et au tiers (1/3) des membres du Conseil national de Transition. Le projet ou la proposition de révision est adopté à la majorité des 4/5èmedes membres du Conseil national de Transition. Le Président de la Transition procède à la promulgation de l’acte de révision ».

Ainsi, en conformité avec la Charte de la Transition, un projet de loi de révision vient d’être adopté par le Conseil des ministres en sa séance du 4 février 2022 et se trouve actuellement sur le bureau du Conseil National de Transition.

L’examen de ce projet de loi de révision de la Charte de la Transition fait ressortir les points problématiques majeurs suivants que nous versons au débat.

  1. LA SUPPRESSION DU POSTE DE VICE-PRESIDENT (ARTICLE 7(NOUVEAU) MALADROITEMENT ASSUMEE

L’article 7 est ainsi libellé : « Le Président de la Transition est secondé par un Vice-président. Il est désigné suivant les mêmes conditions que ce dernier. Le Vice-président est chargé des questions de défense et de sécurité ».

Plutôt que de supprimer tout simplement cet article 7 relatif à la Vice-présidence dont on ne veut plus, le Projet de révision nous fabrique un article 7(Nouveau) qui traite de la vacance de la Présidence de la Transition ouvrant son remplacement par le Président du CNT.

L’article 7(Nouveau) est ainsi libellé : « En cas de vacance de la Présidence de la Transition pour quelque cause que ce soit ou d’empêchement absolu ou définitif constaté par la Cour Constitutionnelle saisie par le Président du Conseil National de Transition et le Premier Ministre, les fonctions du Président de la Transition sont exercées par le Président du Conseil National de Transition jusqu’à la fin de la Transition ».

La problématique fondamentale soulevée par la projet de révision à cet égard, est d’avoir voulu supprimer le poste de Vice-Présidence tout en restant fidèle à la logique de son esprit. Le projet de révision reste figé en effet dans l’esprit de la Vice-Présidence et non dans l’esprit de l’intérim de la Présidence de la Transition. Le Vice-Président devenu Président par suite d’une vacance ou d’un empêchement absolu ou définitif, achève le mandat de celui qu’il remplace, c’est-à-dire jusqu’à l’investiture du Président issu de l’élection présidentielle comme stipulé à l’article 6 de la Charte. En revanche, le Président de l’Assemblée nationale ou du CNT devenu Président par suite d’une vacance ou d’un empêchement absolu ou définitif du Président de la République ou de la Transition, n’assure qu’un simple intérim, le temps que soit désigné un nouveau Président de la République ou de la Transition.

Par ailleurs, le projet de révision ne dit rien sur la question des pouvoirs présidentiels que le Président du CNT devenu Président par intérim ne devrait pas exercer : nomination/destitution du Premier ministre et des ministres, recours à un référendum législatif, dissolution de l’organe législatif, recours aux pouvoirs exceptionnels).

  1. L’ARTICLE 8(NOUVEAU) N’APPORTE PAS DE VALEUR AJOUTEE JURIDIQUE

Aux termes de l’article 8(Nouveau), « Le Président de la Transition doit remplir les conditions suivantes… ». L’article 8(Nouveau) vient en modification de l’article 8 selon lequel « tout candidat aux fonctions de Président et de Vice-président de la Transition doit remplir les conditions suivantes… ». La reformulation aurait dû simplement consister à supprimer le membre de phrase « et de Vice-président ». Le remplacement de « tout candidat aux fonctions de Président » par « Président de la Transition » n’apporte pas de valeur ajoutée décisive au plan de la logistique.

  1. L’ARTICLE 9 (NOUVEAU) CONCERNE LE VICE-PRESIDENT ET NON L’INELIGIBILITE DU PRESIDENT DE LA TRANSITION

La rédaction de l’article 9(Nouveau) paraît sinon assez politicien, du moins maladroite : « Le Président de la Transition n’est pas éligible aux élections présidentielles et législatives qui seront organisées pour marquer la fin de la Transition. La présente disposition n’est pas susceptible de révision ».

On l’aura noté dans le projet de loi de révision, l’accent est mis à tort sur l’inéligibilité du Président de la Transition, alors que celle-ci est déjà actée depuis le 12 septembre 2020 correspondant à la publication de la Charte de la Transition.

Dans ce texte original promulgué et publié, l’article 9 est ainsi libellé : « Le Président et le Vice-président de la Transition ne sont pas éligibles aux élections présidentielle et législatives qui seront organisées pour marquer la fin de la Transition. La présente disposition n’est pas susceptible de révision ».

Il en résulte que contrairement à ce qui l’on fait croire, la partie en gras (n’est pas éligible) n’est pas celle qui a été révisée dans cet article. Le seul changement au niveau de l’article 9 est relatif à la suppression du terme de « Vice-Président », en conséquence naturelle de la suppression de ce poste qui d’ailleurs, n’est pas directement assumée par le projet de révision.

  1. LES ARTICLES 11(NOUVEAU) ET 13(NOUVEAU) A CONTRECOURANT DE LA GOUVERNANCE EXEMPLAIRE PAR L’ESPRIT D’ECONOMIE

C’est un mauvais signal que donne les articles 11(Nouveau) et 13(Nouveau) qui témoignent du recul formidable dont fait preuve le projet de révision en matière de gouvernance. Ces modifications replongent le pays dans la vieille tradition de la gouvernance de prodigalité et du gaspillage des ressources publiques caractéristique des régimes antérieurs plutôt gourmands de gâteau et de soupe populaire. Le projet de révision fait le choix de la pléthore des membres du CNT portés de 121 à 147, soit un surplus de 26 nouveaux membres. Dans le même esprit rétrograde influencé par le réflexe de partage de strapontins, il fait sauter le verrou limitatif du nombre de membres du gouvernement qui était de 25 membres au plus déjà foulé au pied du reste.

Si au moins cette fièvre de pléthore pouvait s’accompagner sinon de la suppression pure et simple des indemnités et autres avantages attachés à ces fonctions, du moins de leur drastique limitation au strict minimum !

  1. L’ARTICLE 22(NIOUVEAU) NE FIXE AUCUNE DUREE DE LA TRANSTION

L’article 22(Nouveau) est ainsi formulé : « La durée de la Transition est fixée conformément aux recommandations des Assises Nationales de la Refondation ». Autant dire que le projet de révision de la Charte s’affranchit de l’idée même de durée à fixer pour la Transition.

En mentionnant que la durée de la Transition est fixée « conformément aux recommandations des Assises Nationales de la Refondation », l’article 22(Nouveau) nous renvoie de nouveau au préambule modifié par l’article 1er du projet de révision aux termes duquel « Il est inséré un avant dernier alinéa dans le préambule de la Charte ainsi libellé : « Considérant les recommandations des Assises Nationales de la Refondation de l’Etat des 27, 28, 29 et 30 décembre 2021 ».

Autrement dit, l’article 22(Nouveau) qui se refuse à assumer courageusement la prolongation de la durée de la Transition, nous enferme dans un jeu de pingpong avec le préambule révisé de la Charte. Résultats des courses : la Charte ne se prononce plus véritablement sur la durée de la Transition, renforçant les soupçons d’une Transition ad vitam æternam.

  1. L’ARTICLE 23(NOUVEAU) ET LA « CONSTITUTIONNALISATION » RETROACTIVE DE LA LOI D’AMNISTIE. N°2021-047 DU 24 SEPTEMBRE 2021

A travers son article 23, la Charte de la Transition vise de manière expresse les « évènements allant du 18 août 2020 à l’investiture du Président de la Transition » dont elle prône l’amnistie. D’où l’adoption de la loi n°2021-046 du 23 septembre 2021 portant amnistie des faits survenus et ayant entrainé la démission du Président de la République le 18 aout 2020. Néanmoins, une autre loi d’amnistie sera adoptée et qui se réfère aux événements du 24 mai 2021 dont pourtant la Charte ne pipait mot.

Alors que cette loi d’amnistie est déjà en vigueur sans avoir été préalablement portée par aucune disposition de la Charte, voilà que le projet de loi de révision de la Charte entend en quelque sorte « régulariser » par voie constitutionnelle de la Charte, la « loi n°2021-047 du 24 septembre 2021 portant amnistie des faits survenus et ayant entrainé la démission du Président de la Transition, chef de l’Etat et du Premier ministre, chef du gouvernement, le 24 mai 2021 et leurs suites jusqu’au 28 aout 2021 ». C’est ainsi que l’article 23(Nouveau) dispose : « Les membres du Comité national pour le Salut du Peuple et tous les acteurs ayant participé aux évènements allant du 18 août 2020 à l’investiture du Président de la Transition, et ceux du 24 mai 2021 bénéficient de l’immunité. A ce titre, ils ne peuvent être poursuivis ou arrêtés pour les faits et actes commis lors desdits événements. Une loi d’amnistie sera adoptée à cet effet ». Une constitutionnalisation rétroactive en d’autres termes ! Cela confirmerait-il à contrariori l’inconstitutionnalité de la loi n°2021-047 du 24 septembre 2021 ?

Dr Brahima FOMBA, Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako (USJPB)

Source: Le Démocrate

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