La plupart des observateurs pensait, il y a tout juste un an, que l’élection présidentielle de 2018 était un leurre.
Après l’échec du projet de révision constitutionnelle proposé par le Président Ibrahim Boubacar Keïta, d’aucuns pensaient, considérant ce projet comme une stratégie du président visant à reporter l’élection présidentielle de 2018 en vue de prolonger son mandat sans organiser de scrutin, que le pays s’acheminait inéluctablement vers une transition politique.
C’est dans ce contexte que Soumeylou Boubeye Maïga fut nommé Premier ministre. Dès l’annonce de sa nomination, les commentaires allèrent bon train. Soumeylou va échouer dans cette mission, il n’est pas l’homme de la situation, c’est un «sécurocrate» adepte des «combines», il va trahir le Président IBK, il est tantôt l’homme des Français, tantôt l’homme des Algériens, etc.
Pourtant, malgré toute cette cabale, le tout nouveau Premier ministre impose très rapidement son style de gouvernance et sa méthode, basés sur le pragmatisme et l’efficacité. Au lieu de s’attaquer simultanément à tous les dossiers du moment, il les hiérarchise et s’attache à résoudre prioritairement les questions essentielles dont dépend «tout simplement» la survie du Pays. Ces questions qui ont pour nom : cohésion sociale, sécurisation du nord et du centre, lutte contre le terrorisme. Pour que tout cela soit possible, il initie immédiatement un dialogue social avec d’abord la classe politique, puis avec les forces vives de la nation que constituent les syndicats et enfin les jeunes.
Parallèlement à ces priorités intérieures, il engage une grande tournée diplomatique pour mobiliser et rassurer l’ensemble des partenaires du Mali (européens et africains). Concomitamment, les militaires sur le théâtre des opérations bénéficient de son soutien (dotations en matériels, construction de logements, etc.).
Lorsqu’il prit la parole pour fixer une date d’organisation de la prochaine élection présidentielle, certains en ont rigolé se disant : c’est un pari complètement fou du Premier ministre, complètement irréaliste. Pourtant, à l’épreuve, l’homme va en surprendre plus d’un. En décidant de rendre opérationnel le MOC et de ramener l’administration dans toutes les zones naguère déguerpies, à travers la nomination des préfets, le Premier ministre instaure la confiance dans l’esprit des Maliens.
Le Premier ministre Soumeylou Boubeye Maïga, qui n’est pas membre du parti majoritaire et dont la nomination en a surpris plus d’un, commença à être pris au sérieux par l’ensemble des acteurs politiques et de la population malienne. Le «mythe» Boubeye renaît, le faisant apparaître ainsi comme l’homme de la situation, le sauveur.
Cette image est confortée par le fait que malgré les contraintes innombrables qui se dressaient devant lui, Soumeylou Boubeye Maïga (aux affaires depuis seulement 7 petits mois) est arrivé à faire renaître l’espoir dans l’esprit des Maliens.
En décidant de s’attaquer au gigantesque défi que constitue l’organisation de l’élection présidentielle du 29 juillet 2018, il ne pouvait qu’être pris au sérieux par la majorité des maliens.
Le nouveau défi du Premier ministre se résumait ainsi : comment organiser dans un délai aussi court, sur toute l’étendue du territoire, de manière inclusive, une élection présidentielle fiable, crédible et transparente dans le contexte politique et sécuritaire malien ?
Membre fondateur de l’ADEMA, ancien Directeur de la Sécurité d’État, plusieurs fois ministre (Défense, Affaires Etrangères), s’il est évident qu’il connaît parfaitement le pays et ses hommes, franchir les obstacles que sont : carte NINA, nouvelle carte d’électeur, présence de l’administration sur toute l’étendue du territoire y compris Kidal, relevait d’une véritable gageure qu’il fallait à tout prix menait à bien, l’avenir du pays dépendant de cette élection présidentielle.
Dès sa prise de fonction, le Premier ministre a adopté une stratégie qui s’avèrera payante par la suite : il rencontre toutes les composantes du pays pour dégager les priorités de l’heure, il détermine les actions à mettre en œuvre et en fixe le chronogramme de réalisation, il mobilise les moyens et met le Gouvernement au travail. C’est cette stratégie, inclusive, qui lui a permis de mettre tout le monde à contribution dans l’organisation de l’élection présidentielle du 29 juillet 2018.
Confronter dès les premiers jours de sa prise de fonction à une multitude de problèmes, il a su très rapidement instaurer un climat de confiance entre les différentes parties prenantes et imposer la neutralité de l’administration dont il est le chef dans l’organisation de l’élection présidentielle. Cette confiance instaurée s’est traduite entre autres par la confection de nouvelles cartes d’électeurs en lieu et place des cartes NINA pour l’élection. Des cartes d’électeurs biométriques qui furent ainsi imprimées et distribuées dans un délai record.
Convaincu que le citoyen-électeur malien n’est jamais «pressé» d’aller récupérer sa nouvelle carte d’électeur, deux jours chômés et payés sur toute l’étendue du territoire sont accordés aux Maliens. La «cerise sur le gâteau», le Premier ministre décide également (une première en démocratie africaine), de venir en aide à l’ensemble des candidats, en acceptant de prendre financièrement en charge tous les frais liés à la présence d’un délégué de l’opposition et un de la majorité, dans tous les bureaux de vote du territoire, amenant une incidence budgétaire de 2 milliards 900 millions.
Aujourd’hui, les Maliens ont voté. À l’exception de 716 bureaux de vote sur un total de 23 041, le vote a été effectif. Ceux qui sont du côté du verre à moitié plein diront bravo au Premier ministre et à son gouvernement pour avoir relevé cet extraordinaire défi. Les partisans du verre à moitié vide diront que l’on n’a pas voté partout au Mali. À ces derniers, nous répondrons mieux vaut une élection même imparfaite que pas d’élection.
D’après les informations collectées par-ci par-là, le faible taux de participation reflète, si besoin est, le désintéressement des citoyens maliens au vote. Comme attendu, le Président sortant arrive en tête, suivi par son challenger Soumaïla Cissé qui a crié trop tôt à sa victoire. Mais le candidat qui a surpris par son résultat probant est ABD qui dépasse la coalition Cheick Modibo Diarra/Moussa Mara. La stratégie des alliances va-t-elle permettre de départager IBK et Soumaïla dans quelques jours ? C’est le prochain challenge du Premier ministre Soumeylou pour clore cette élection présidentielle qualifiée hier de tous les dangers.
Adama Bagayogo Agro-économiste
Info-Matin