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Présidentielle 2018 : Le grand malaise post-électoral

On avait prédit feu et sang à l’occasion du scrutin des 29 juillet et 12 août 2018. Si les actions de déstabilisation et de sabotage sont venues des groupes terroristes comme cela était attendu, principalement au Nord et au Centre du pays, les autres régions du Mali ont été globalement épargnées. Malgré la fraude dans plusieurs camps, les observateurs nationaux et internationaux ont donné leur quitus au scrutin présidentiel malien.

Tous ceux qui ont appelé au changement sont très amers aujourd’hui. Les Maliens et les Maliennes qui ont accepté de participer au vote, ont confirmé Ibrahim Boubacar Kéita et Soumaïla Cissé. Les nombreux candidats de l’alternance ont jeté l’éponge, et appelé l’opprobre sur les deux candidats qualifiés pour le second tour et la politique malienne. Au terme de cette élection, la fracture est énorme entre les politiques et les électeurs et électrices.

Ils étaient nombreux ceux et celles qui avaient prédit la catastrophe pour le Mali à l’occasion du scrutin présidentiel des 29 juillet et 12 août 2018. Et la presse internationale, parfois très éloignée des réalités maliennes, et les observateurs se fondant sur l’insécurité et les rivalités et affrontements inter communautaires, et des Maliennes et Maliens, beaucoup ne croyaient pas, au départ, à la tenue de l’élection du Président de la République. Il y a quelques mois, de hautes personnalités du Mali, dont l’ancien ministre de Modibo Kéita, Seydou Badian Noumboïna, ont ouvertement appelé à la mise en place d’une nouvelle Transition politique pour jeter les bases d’une réconciliation nationale gage d’un renouveau politique national.

Il est vrai que le Mali, à l’époque, était la cible d’incessantes attaques des groupes terroristes avec son lot de morts de militaires et de civils maliens. Cette situation d’insécurité permanente et étendue avait été aggravée par les affrontements sanglants et mortels entre les dozos et les communautés peules dans la région de Mopti. Ces affrontements à répétition étaient accompagnés par ce que des organisations non gouvernementales ont appelé des exécutions sommaires et disparitions forcées de civils, tous de la communauté peule de la région de Mopti, par des éléments des Forces armées maliennes (FAMA). Le tollé général qui avait accompagné ces actes ont fait croire, un moment, à un embrasement du Centre du pays.

Tout cela, sous-tendu par une crise politique faite de marches et de dénonciations, avec parfois des appels à la violence et au meurtre, faisait craindre le pire pour Maliba et rendait toute élection irréaliste voire impossible. Puis est arrivé Soumeylou Boubèye Maïga, le Tigre, qui, comme un entêté, annonça lors d’un de ses voyages les dates de l’élection présidentielle au Mali. Au fil des semaines (il n’avait que quatre petits mois devant lui), le nouveau Premier ministre a su imposer la tenue du scrutin en entreprenant une vaste opération de sécurisation du pays qui a fait beaucoup de mal aux terroristes. C’est à ce moment-là que les différents partis politiques se sont dit : « il va le faire ! »

Les 29 juillet et 12 août 2018, les Maliennes et les Maliens se sont rendus aux urnes. Massivement pour le premier tour du scrutin, puis très timidement pour le second. À défaut d’affrontements sanglants annoncés par les uns et les autres, on a assisté à la dénonciation de part et d’autre d’une vaste opération de fraude électorale faite d’achats de vote à laquelle seuls les « petits » candidats peu fortunés n’ont pu participer. Au bout du compte, on a passé les deux tours du scrutin présidentiel. Certains des candidats, dépités, comme Cheick Modibo Diarra et Mountaga Tall, qui ont eu des fortunes diverses, ont dénoncé ce qu’ils ont considéré comme une mascarade électorale indigne d’une démocratie. Au bout du compte, comme en 2013, Ibrahim Boubacar Kéita et Soumaïla Cissé se sont affrontés ce 12 août 2018, pour le compte du second tour du scrutin.

Ainsi le Mali a, contre vents et marrées, organisé son sixième scrutin présidentiel de l’ère démocratique, depuis l’élection d’Alpha Oumar Konaré en 1992. Malgré certaines déclarations d’observateurs étrangers faisant passer la démocratie malienne pour l’une des meilleures d’Afrique, beaucoup de Maliens sont aujourd’hui très amers. Car le spectacle auquel il leur a été donné d’assister de la part des politiciens est peu reluisant. Aujourd’hui, le fossé s’est encore élargi entre la classe politique malienne et  les électeurs. Ce n’est pas seulement la pluie qui a empêché les Maliens de se rendre aux urnes ce dimanche 12 août. Il y a sans aucun doute une part de dégoût vis-à-vis de certains qui prétendent diriger ce pays. À voir le gouffre entre ce qui est dit et ce qui se fait, beaucoup de nos concitoyens se sont sentis marginalisés et ont préféré enterrer ce qu’ils ont de plus précieux : le vote.

S’il y a un grand gagnant dans ce scrutin présidentiel, c’est sans nul doute le Peuple du Mali qui a su déjouer toutes les appréhensions en se montrant digne et fier. Le triomphe de cette élection du Président de la République n’est pas celui de la démocratie mais des Maliennes et des Maliens qui sont restés sourds aux appels de ceux qui n’aiment pas ce pays et qui veulent le détruire. C’est ce grand Peuple qu’il convient, avant tout, de saluer et de louer. Depuis 1960, le Mali est à la recherche de Celui ou de Celle qui l’aime vraiment et qui entend sa douleur de voir le rêve du Grand Maliba s’éloigner un peu plus. Ce rêve qui verra ses enfants réconciliés au seul bénéfice du Mali.

La démocratie qu’on a voulu faire passer en 1991 pour la panacée à la Gouvernance, est devenue un long serpent de mer insaisissable. Cette démocratie-là n’est pas celle que les Maliens attendaient car elle jure avec tous les Principes moraux, toute l’Ardeur à construire une grande Nation, toute la Foi qui ont fait la grandeur de Maliba. Nous tournerons en rond aussi longtemps que nous ne retrouverons pas ce sur quoi s’est construit le Grand Mali. Car au rythme actuel, nous marchons droit à la catastrophe. À moins que les générations futures ne relèvent le défi… Mais le petit de l’hyène qui voit son père traîner tous les jours la charogne ne ramènera jamais une chèvre vivante…

Diala Thiény Konaté

La rédaction

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