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Première joueuse professionnelle de kora, Sona Jobarteh bouscule les traditions

Virtuose de la kora, un instrument à cordes ouest-africain, la Gambienne Sona Jobarteh est
devenue la première femme à en jouer professionnellement: un afront à la tradition qui
réserve cette pratique aux hommes griots, des passeurs d’histoire orale, pour préserver les
mystères de cet objet sacré.


Invitée au Festival des musiques urbaines d’Anoumabo (Femua) qui s’achève dimanche à
Abidjan, Sona Jobarteh est montée sur scène avec assurance, accompagnée de
percussionnistes, d’un balafoniste, d’un guitariste et d’un bassiste.
Dans un élégant ensemble en wax, les cheveux tressés et quelques bijoux, ses doigts ont
parcouru avec virtuosité les cordes métalliques de sa kora, tendues du haut d’un manche en
bois jusqu’à la partie plate d’une calebasse décorée. Ils créent des mélodies envoûtantes par
leur mélancolie et la répétition de certains rythmes.
“Le processus pour apprendre la kora a été diférent pour moi de ce qu’il a été pour les
hommes de la famille”, explique-t-elle a l’AFP.
“La kora est un instrument social qu’on apprend au sein d’une communauté”, mais en tant
que femme “il a été dificile pour moi d’être acceptée”, raconte-t-elle.
“C’était devenu un parcours personnel”, quelque chose de “très inhabituel par rapport à la
voie normale d’apprentissage de la kora en famille”.
Sona Jobarteh est issue d’une famille gambienne de griots, des passeurs d’histoire transmise
de manière orale, au statut social très respecté, dont son grand-père, le maître de la kora
Amadu Bansang Jobarteh. Elle est également la cousine du prodige malien Toumani Diabaté.
“Je ne sais pas ce que c’était” mais “j’ai toujours été attirée” par la kora “et j’ai commencé à
jouer jeune”, se souvient-elle.

“C’est vraiment quand j’avais environ 17 ans que j’ai commencé à la prendre comme quelque
chose dont je voulais faire ma profession”, dit-elle: “j’ai commencé à beaucoup étudier avec
mon père, avec l’objectif d’être aussi bonne que je pouvais l’être avec cet instrument”.
Sa persévérance, son succès international – comme son tube “Gambia” – et ses collaborations
avec des artistes renommés, ont ouvert la voie aux jeunes filles.
“Pour le moment, il est dificile de dire quel niveau d’impact que j’ai eu sur la tradition”,
commente-t-elle.
– Inspiration –
Lorsqu’elle voit des jeunes “filles jouer de la kora”, comme les élèves de l’académie qu’elle a
créée en Gambie, “c’est toujours, même pour moi, qui suis une femme (…) inhabituel” mais
aussi “incroyablement inspirant”, se réjouit-elle.
“Je sens que quelque chose de très spécial est en train de se passer quand j’assiste à ces
cours (…) c’est le changement que nous commençons à voir”, se dit-elle.
Sona Jobarteh “a démystifié cet instrument qui n’était réservé autrefois qu’aux hommes, et
aujourd’hui elle a pu montrer qu’une femme peut exceller. Elle est devenue un modèle pour
nous tous”, assure Assétou Baguian, étudiante à l’Institut national supérieur des arts et de
l’action culturelle (Insaac), à Abidjan.
Astar – son nom de scène -, a commencé à étudier cet instrument en 2022.
“C’est devenu une grande passion. Au départ je chantais mais maintenant la kora a pris le
dessus”, raconte-t-elle.
Quand elle joue, Astar se sent “hyper bien”, “ça apaise mon âme”, exprime-t-elle, se rêvant
“grande korafola” (joueuse de kora) sur “de grandes scènes”.
“Dans mon entourage, je n’ai pas eu de critiques négatives” quand “j’ai choisi la kora” parce
que “j’ai emboîté le pas à d’autres femmes”, analyse-t-elle.
Mais selon Sona Jobarteh, le problème “n’est pas juste d’être une femme, il s’agit aussi des
enjeux liés au fait d’être issu d’une famille de griots ou non”. Si ce n’est pas le cas pour une
musicienne, il y a “un pas de plus” à faire.
Malgré les obstacles qu’elle a parcourus, elle estime que son statut de pionnière est “presque
accidentel”.

La musicienne enchaîne les tournées internationales depuis plusieurs années: si cette avant-
gardiste a enfreint la tradition, c’est pour mieux la faire rayonner.

bam/pid/jnd

AFP

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