Lula, ex-président et favori des sondages pour la prochaine présidentielle au Brésil, a passé dimanche sa première journée en prison à Curitiba (sud) où ses partisans ont organisé la “résistance”, tout en misant sur une très rapide remise en liberté.
“La ville de Curitiba va être au centre de notre action politique. Nous ne partirons d’ici que lorsque Lula sortira” de prison, a annoncé au milieu d’une foule de manifestants Gleisi Hoffmann, dirigeante du Parti des Travailleurs (PT), la formation de Luiz Inacio Lula da Silva.
“Lula n’est pas un prisonnier de droit commun, c’est un prisonnier politique, le premier prisonnier politique depuis le retour à la démocratie” après la dictature militaire (1964-1985), a-t-elle ajouté.
Devant le siège de la police fédérale de Curitiba, où Lula, 72 ans, a été incarcéré samedi soir, certains militants exprimaient leur détermination.
“Nous avons passé la nuit avec tous nos camarades qui font acte de résistance et de solidarité envers Lula”, a affirmé à l’AFP Christopher Ferreira, un étudiant de 21 ans qui a dormi dans le campement improvisé avec des tentes et des matelas pneumatiques, où se trouvaient environ 150 personnes.
La Centrale syndicale des Travailleurs, la CUT, a annoncé attendre des dizaines de caravanes de manifestants venant de tout le pays, en soutien à la figure emblématique de la gauche brésilienne. L’un de ses membres a évoqué l’arrivée prochaine de 1.500 personnes.
Le dispositif de sécurité a été renforcé pour éviter que se reproduisent les débordements qui ont fait huit blessés samedi soir, au moment de l’arrivée mouvementée de Lula à Curitiba.
– Société divisée –
Tandis que ses partisans se mobilisent en masse, ses avocats ont encore des cartes en main pour tenter de le faire sortir de prison rapidement.
Un premier coup de théâtre pourrait avoir lieu dès mercredi à la Cour suprême.
L’un des 11 magistrats qui composent la plus haute juridiction du Brésil, Marco Aurelio Mello, doit soumettre au vote une mesure provisoire qui pourrait suspendre l’incarcération de toute personne ayant encore la possibilité de recours auprès d’une instance supérieure.
C’est le cas de Lula, condamné en appel à 12 ans et un mois de prison pour corruption et blanchiment fin janvier.
Mercredi dernier, l’ultime obstacle qui le séparait de la prison est tombé, quand cette même Cour suprême a rejeté par 6 voix contre 5 une demande d’”habeas corpus” qui lui aurait permis de rester en liberté quelques semaines, voire quelques mois de plus, le temps que d’autres recours soient jugés.
Mais ce résultat très serré, à l’image de la profonde division de la société brésilienne face à l’icône de la gauche, montre que le vent peut tourner à tout moment.
Jeudi, le juge anticorruption Sergio Moro, ennemi intime de Lula, avait pris tout le monde de cours en émettant un mandat de dépôt à peine 12 heures après la décision de la Cour suprême, mais l’ex-président ne s’est finalement retrouvé derrière les barreaux que deux jours plus tard, à l’issue de diverses péripéties.
– Foot à la télévision –
Dimanche, sur les comptes de Lula sur les réseaux sociaux, a été publiée une vidéo enregistrée deux jours plus tôt dans laquelle il se montre particulièrement acerbe envers le juge Moro, selon lui “un esprit malade”, avec une “obsession dans laquelle les mensonges n’ont pas de limites”.
“J’ai la conscience tranquille. Cela peut prendre un peu de temps, mais nous allons gagner cette bataille. Qui sait si la semaine prochaine nous ne serons pas ensemble à nouveau”, ajoute Lula, montrant qu’il nourrit un réel espoir d’obtenir une décision favorable de la Cour suprême.
Au Brésil, Lula est vu par certains comme celui qui a permis de sortir des dizaines de millions de personnes de la pauvreté lors de ses deux mandats (2003-2010), mais par d’autres comme l’un “des plus grands bandits de l’Histoire du pays”, impliqué dans le vaste scandale de corruption autour de Petrobras.
“Que Lula reste un bon bout de temps ici, lui et sa clique, ils le méritent”, a estimé Mauro Celli, chef d’entreprise de 49 ans, qui passait en vélo devant le siège de la police fédérale de Curitiba.
L’incarcération du “guerrier du peuple brésilien” a été dénoncée par les régimes de gauche cubain et vénézuélien. La Havane a critiqué une “persécution injuste” de Lula tandis que Caracas évoquait “une inquisition judiciaire”.
A Mexico, un petit groupe de manifestants, essentiellement brésiliens, a déployé des bannières: “Libérez Lula” ou “Moro, ta justice est frauduleuse!”.
AFP