Pour celles et ceux qui, comme nous, ont des enfants, des camarades, des amis, des relations au sein de l’Assemblée Nationale ? Pour tous ceux qui espèrent que, par sentiment de redevabilité envers le Pouvoir qui, par deux fois a prorogé illégalement leur mandat, les députés vont voter les yeux fermés tout projet de Loi déposé par le Gouvernement sur la table du Président de la représentation nationale qui, soit dit en passant, légalement, ne représente plus le peuple malien ? Cette représentation qui faute de retourner aux urnes pourrait être suspectée d’illégitimité !
Le moindre mal pour tous ceux, toutes celles qui, connaissant bien le bilan de leur mandat parlementaire, ont une peur bleue de solliciter à nouveau le suffrage des électeurs ?
Le moindre mal peut être pour nos partenaires qui auraient une lecture différente de celle des maliens, des causes de l’instabilité actuelle du Mali et qui sont pressés de faire une nouvelle Constitution incluant des éléments de l’accord de Bamako issu du processus de Ouagadougou et concocté à Alger, germes de la « distribution » du Mali !
Citoyennes, citoyens du Mali, ne devrions-nous pas craindre qu’un projet de Constitution concocté à la hâte soit adoptée en catimini par le Parlement actuel et ait force de Loi fondamentale sans référendum ; la situation sécuritaire gravissime ne permettant pas sa tenue ? Il se peut aussi que la Communauté Internationale, croyant sincèrement que la nouvelle Loi fondamentale est la solution à la crise multidimensionnelle du Mali, instruise à la rébellion de l’Adrar de laisser le référendum se dérouler sans violences, dans la sérénité. Cependant ne serait-il pas préférable que le 30 juin, les députés soient remerciés et félicités pour le travail abattu pendant les six mois de prorogation illégale de leur mandat ?
La violation de la Constitution de 1992 ne doit pas faire jurisprudence comme le voudraient certains juristes. L’erreur est humaine, mais persévérer dans l’erreur procède du diable, dit un vieil adage. Faudrait-il ancrer dans l’esprit des maliens qu’une Constitution est un chiffon de papier qu’on peut déchirer ou brûler au gré des circonstances ? N’est-il pas au contraire mieux indiqué de cultiver chez les citoyens et citoyennes du Mali, l’Esprit des Lois ; de faire d’eux progressivement des hommes et des femmes du Livre, bannir la tendance des chefs africains à dire : « La Loi c’est Moi ! » ?
En remerciant les députés et en les renvoyant à leurs électeurs le 30 juin, le pays les incite à redevenir plus humbles, davantage civiques, davantage plus proches des préoccupations des populations meurtries du Mali ; particulièrement celles du Delta Intérieur et des zones exondées des 4ème et 5ème, régions du Mali. Il faut que renaisse dans la conscience des députés, le souci de redevabilité envers le peuple qui les a élus.
En outre, le paravent entre le peuple et l’Exécutif, qu’est le Parlement, une fois dissous le 30 juin 2019, le Président de la République sera face à ses responsabilités et gérera le pays par ordonnances sans aucun faire valoir. Ces ordonnances seront bien sûr à soumettre à la Cour Suprême pour contrôler la correction de la rédaction ; et à la Cour Constitutionnelle pour la conformité à la Loi fondamentale du 25 février 1992. La Nation ne courra pas plus de risques que lorsque ces ordonnances seraient examinées par un Parlement empreint d’un esprit de redevabilité envers l’Exécutif, parce que « nommé » au même titre que les fonctionnaires de la République et les membres des deux institutions judiciaires : la Cour Suprême et la Cour Constitutionnelle.
La crainte de l’instauration de la dictature par le biais de la gestion du pays par ordonnance, est compréhensible. Le Président de la République, le Premier ministre, les autres membres du Gouvernement se savent surveillés par la société civile et les Partis politiques de toute sensibilité politique ; mais singulièrement les Partis de l’opposition. Qui plus est, en plus de l’immense travail de sensibilisation des citoyens et des citoyennes du pays en crise auquel se livreront les anciens députés en vacances mais soucieux de réélection, l’Exécutif utilisera le budget alloué à l’Institution parlementaire pour payer au moins une partie de la Dette intérieure. Cette somme, si modeste soit-elle, constituera tant soit peu un bol d’air pour l’économie du pays en souffrance.
Privé de son paravent parlementaire l’Exécutif va s’atteler à l’organisation des Assises Nationales inclusives, lesquelles contribueront à la refondation de l’Etat ou à la redéfinition de ses institutions. L’organisation de ces Assises doit être un préambule à toute réforme institutionnelle ou refondation de l’Etat. Après toute réflexion, le pire des maux dans le domaine ici concerné : la prorogation du mandat des députés au gré de l’Exécutif, n’est-il pas la banalisation de la Constitution, fondement des monarchies constitutionnelles, des républiques et de la démocratie ?
Aussi, c’est un devoir pour les maliennes et les maliens de se mobiliser pour que le Gouvernement de mission du Dr. Boubou CISSE soit un vrai gouvernement de mission. Pour ce faire, le Premier ministre doit s’assumer en incitant constamment le Chef de l’Etat, le Président de la République Ibrahim Boubacar Keïta, à focaliser toute son attention sur l’organisation des Assises nationales inclusives et sans sujet tabou. Les citoyens et les citoyennes du Mali doivent rêver de réussir ces assises nationales permettant de définir tous les éléments permettant :
• La rédaction de la nouvelle Constitution ;
• La restauration d’une part, de l’intégrité du territoire nationale, et d’autre part d’une paix durable ;
• La sauvegarde de la souveraineté nationale de l’Etat malien et du pluralisme politique, syndical et confessionnel ;
Toutes choses qui seront abordées et résolues lors des Assises nationales inclusives et sans aucun sujet tabou.
Citoyennes et citoyens, travaillons à ce que le Président Ibrahim Boubacar Keïta soit, après Alpha Oumar Konaré et contrairement aux autres, un ancien Chef de l’Etat malien non chassé par une insurrection populaire parachevée par un groupe d’officiers républicains et démocrates ou par un coup d’Etat pur et simple.
En avant donc pour la tenue d’assises nationales inclusives et sans sujet tabou :
− Seule voie sûre aujourd’hui d’aboutir à la réconciliation nationale, à une paix si non définitive au moins durable, à l’élaboration d’une Constitution consensuelle, fondement d’une République solide et d’une démocratie large et profonde ;
− Seule voie permettant de se mettre d’accord sur la méthode de reconstruction de l’Armée nouvelle et véritablement nationale, de l’école acceptée par tous les citoyens. En un mot seule voie pour sauver le Mali !
Seule voie pour tout dire de sauver le Mali, la Démocratie et les Institutions républicaines.
Pr. Ali Nouhoun DIALLO, Ancien Président de l’Assemblée
Nationale du Mali,
Ancien Président du Parlement de la CEDEAO