Le mois béni de Ramadan, mois de communion, de méditation, de solidarité, de pardon, est une occasion propice à mettre à profit pour avoir, le cœur à la bonne place, une pensée pieuse aux êtres disparus, satisfaire le besoin de nous souvenir, pour action, des propos pleins de sagesse et de pédagogie d’illustres intellectuels dont le président feu Mamadou Konaté (Paix à son âme) qui disait en particulier: « nous sommes tous appelés à mourir, ce qui ne meurt pas, c’est le pays : pensez alors au pays ».
L’édification d’une nation unie et prospère est l’affaire de tous et appelle, dans la dignité et l’honneur, un ultime sursaut général dans le sens du réveil de l’esprit patriotique.
« La nation, comme l’individu, est l’aboutissement d’un long passé d’efforts, de sacrifices et de dévouements » disait E. Renan
Nos compatriote sont, de plus en plus, conscience des dangers qui menacent la quiétude des populations et déplorent l’absence d’une volonté politique forte, d’un leadership de qualité, d’une implication poussé à divers niveaux de responsabilité consistant à laisser de côté les discours, les paroles mielleuses , les critiques stériles et sans effets, et à poser, dans une symbiose d’esprit réconciliant, des actes concrets, des actes de progrès susceptibles d’ éteindre effectivement les feux tentaculaires de la haine, de la violence, de l’ignorance, de l’obscurantisme.
«On connaît une nation aux hommes qu’elle produit, mais aussi à ceux dont elle se souvient et qu’elle honore » affirmait J. F. Kennedy.
Les citations « Le danger que l’on pressent, mais que l’on ne voit pas, est celui qui trouble le plus » et « Rien n’est plus dangereux que l’autorité en des mains qui ne savent pas en faire usage », respectivement de Defoe et de Rousseau, sont à même d’édifier le grand public sur l’ampleur des risques auxquels il est exposé.
Appui de l’élite
L’incarnation de l’élite rencontre moult difficultés et le bout du tunnel ne pointe pas encore à l’horizon alors que, comme le disait J. Payot, « Une nation qui ne sait pas soutenir son élite est une nation condamnée à disparaître. »
Les multiples défis qui paralysent le développement du Mali et au premier rang desquels se situent la crise sécuritaire persistante, la crise de confiance, ne peuvent être relevés qu’à la lumière d’ une réflexion collective , approfondie et soutenue, assortie de propositions d’ actions à grande échelle, apportant une réelle valeur ajoutée à la moralisation de la vie publique, à la relance, sous de bons auspices, de la construction d’une citoyenneté porteuse de véritables ramifications démocratiques, de droits , de libertés d’expression.
La relance de l’essor économique et social, la réduction des disparités de développement entre les différentes régions sur l’étendue du territoire, la lutte contre la pauvreté, se heurtent, de manière récurrente, à des freins, des obstacles notoires.
Un devoir de mémoire :
«Malheur à la nation qui ne se souvient plus de l’histoire de ses pères ! Son histoire à elle touche à sa fin » relatait F. Bagarts
La plupart des conflits sociaux procèdent surtout de logiques géopolitiques, sociologiques, économiques mais revêtent, à dessein, les habits de la religion pour mieux séduire, encenser des activistes fieffés, des milieux vulnérables, cantonnés dans le scepticisme, l’attentisme tout en espérant, par des vœux nourris, à de lendemains de bonheur, d’accalmie générale par miracle.
L’ Etat se désagrège dans ses fondements et son redressement requiert un engagement ferme de la part de toutes les bonnes volontés, des personnes de tous bords , attachées au meilleur devenir commun et qui placent , au centre de leurs préoccupations, les voies et moyens adéquats en vue d’ asseoir, en rassembleurs, la visibilité et l’ancrage de la paix, de l’entente, d’un vivre-ensemble durable et sans écueils.
La concertation de proximité, la rencontre de l’autre, l’émulation, le dialogue inclusif sont des facteurs importants et décisifs de recherche d’harmonie, d’efficacité, d’épanouissement, des placements sûrs parce que s’adressant à l’homme, capital le plus précieux.
La promotion des vraies valeurs socio- cultures nationales, le changement de mentalités et de modes de pensées, constituent des passages incontournables pour forger le meilleur destin du pays. Le concours actif des citoyens convaincus, véridiques, dévoués pour l’émergence de bonnes et justes causes, s’impose pour résoudre les problèmes structurels et conjoncturels qui prévalent, hiérarchiser les priorités et les inscrire dans un processus dynamique, en relation continue et dialectique avec les maux dont continuent à souffrir les populations.
Il convient notamment de renforcer, de développer certaines habilités dont : l’écoute active : marquer une attention et une sollicitude constante pour comprendre la situation d’ensemble du pays du point de vue du citoyen, valider la perception générale de la situation, identifier les intérêts au- delà des perceptions, demander des clarifications, vérifier la compréhension générale;
la communication–action : éviter la rétention de l’information, se parler, bien communiquer, susciter des discussions ouvertes, des échanges fructueux et porteurs , multiplier les gestes et actes par des sources soucieuses de transparence et d’authenticité en ne perdant pas de vue qu’ au sein du grand public la mal information, les contre- vérités, ne facilitent pas le passage des messages, des mots d’ordre utiles et utilisables ; la mobilisation : elle demeure une dynamique organisationnelle s’adressant à l’ensemble des citoyens car mobiliser quelqu’un consiste à le mettre en état d’alerte, le requérir pour une œuvre collective ; la vision : c’est l’image du pays projetée dans le futur, une vue de l’avenir réaliste, crédible et attirante pour le Mali, une situation toujours meilleure. La vision constitue une source d’inspiration parce qu’elle cherche l’évolution et pousse les citoyens à se surpasser.
Dans cet ordre d’idées, un accent particulier est à mettre sur l’importance des valeurs, le levain du parfait jardin sociétal malien, sur la force de cohésion du peuple dans ses racines.
Les citoyens se doivent de partager des valeurs clés héritées d’ancêtres prestigieux, à savoir, entre autres, l’intégrité, l’équité, la responsabilité, le respect, l’humanisme, la justice, l’équité, l’engagement, le dévouement, la loyauté, la transparence, la confiance.
Une précieuse référence: la connaissance des préceptes religieux
« Une nation s’affaiblit lorsque s’altère et se corrompt le sentiment religieux » affirmait Ibn Khaldoun
Afin de réussir la maitrise des risques de l’instrumentalisation du fait religieux, des replis identitaires, il faut privilégier la valorisation de l’expérience, le benchmarking.
La pertinence des connaissances empiriques liées à la culture spécifique requiert, pour éclairer l’opinion, le recours à un conseil de sages, à des espaces d’échanges, ouverts à de leaders religieux de notoriété publique, à de garants des côtés positifs de nos us et coutumes.
Les thèmes à débattre peuvent être enrichis par des apports de diverses personnes ressources reconnues et appréciées de facto pour leur savoir et leur savoir- faire, par d’illustres érudits de la sous- région et d’ailleurs à consulter en cas de besoin.
Pour surmonter les situations difficiles et incertaines qui prévalent, l’islam, en l’occurrence, ne saurait être un facteur de blocage, de séparation, de confrontation tant il incarne des valeurs fondamentales de portée universelle qui permettent de juguler tout dysfonctionnement, tous risques de colère populaire préjudiciable. Il prône l’objectivité et la clairvoyance face à toutes « preuves comme prescrit et consacre ainsi la nature sacrée de la connaissance ou « el îlm ».
La religion appelle à l’amour du prochain, à la tolérance, et au respect de l’autre et elle constitue une porte toute ouverte sur les liens spirituels, la densité de ces fondements, dans le rapprochement, l’entente, l’émulation, la coexistence, l’œcuménisme.
Sa dimension vaut un pesant d’or pour la paix et la cohésion sociale.
Enfin , nous voudrions, encore une fois, rappeler à ceux et celles qui sont à la tête de groupements humains, la nécessité de se remettre souvent en cause en s’inspirant , dans le temps comme dans l’espace, du reflet de la célèbre déclaration du Calife ABU BAKR, successeur du Prophète Mohammed (Paix et Salut sur Lui):
« J’ai reçu de (vous) l’autorité sur vous ; mais je ne suis pas le meilleur d’entre vous ; si j’agis bien, aidez-moi ; si j’agis mal, corrigez-moi ; obéissez-moi tant que j’obéirai à Dieu ; les plus forts d’entre vous seront faibles avec moi jusqu’à ce que je leur arrache les droits des autres ; les plus faibles d’entre vous seront forts avec moi jusqu’à ce que j’obtienne leurs droits ».
Soyons unis et conquérants ! Soyons des bâtisseurs de première heure et non des démolisseurs en puissance !
Bon et heureux Ramadan ! Que les prières et vœux formulés par les uns et les autres tout au long de ce mois sacré soient agrées pour le plus grand bien commun ! Amen !
Chirfi Moulaye HAIDARA
(Chercheur)
Source: Le 26 Mars