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Point de presse de la MINUSMA du 06 juin 2019

  1. Ngefa présentera le rapport de l’enquête de Koulongo et fera le point sur d’autres enquêtes en cours, je vous invite à lui poser toutes vos questions. Mais avant, quelques points non exhaustifs sur des activités de la Mission qui ont eu lieu au cours de la semaine écoulée.

Le Conseil de sécurité des Nations Unies aura un calendrier chargé ce mois de juin, et il fera le point sur la mise en œuvre du mandat de plusieurs missions de maintien de la paix qui opèrent en Afrique, dont la MINUSMA, le 12 juin.

Le dernier rapport du Secrétaire général sur la situation au Mali qui sera discuté au Conseil de sécurité la semaine prochaine, en présence notamment du Chef de la MINUSMA, devrait être publié dans les heures qui viennent et il vous sera transmis rapidement.

Activités de la direction de la Mission :

Le 4 juin, le Représentant spécial du Secrétaire général M. Annadif a rencontré l’Ambassadeur du Royaume-Uni Cat Evans pour discuter de la situation au Mali. Lors des discussions, Mme l’Ambassadeur a rappelé l’intérêt croissant du Royaume-Uni pour la région du Sahel, tout en soulignant la nécessité d’une approche globale dans la résolution des problèmes dans le Nord et le Centre du Mali. M. Annadif a pour sa part souligné les progrès accomplis dans les domaines prioritaires fixés par le Conseil de sécurité dans le cadre de la présentation prochaine du rapport du Secrétaire général sur le Mali, ainsi que la coordination étroite de l’initiative de la MINUSMA avec les partenaires externes, comme le montre l’opération Oryx dans le Centre.

Le même jour (le 4 juin), le Chef de la MINUSMA a rencontré le Directeur des affaires politiques et de la gouvernance démocratique à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), George Nakseu Nguefang. Les discussions ont porté sur les dynamiques politiques en cours au Mali depuis la formation du nouveau Gouvernement ainsi que sur les préparatifs du prochain dialogue national. Au cours de la réunion, le RSSG a salué la contribution de l’OIF à la paix et à la stabilité, comme notamment lors de l’élection présidentielle de 2018.

À l’occasion de la Journée Internationale de l’Environnement, célébrée hier la Représentante spéciale adjointe du Secrétaire général des Nations Unies au Mali, Mbaranga Gasarabwe, a visité une installation de la MINUSMA qui produit de l’énergie propre et renouvelable. Dénommé SolarMills system, ce système de production d’énergie renouvelable combine l’éolien et le solaire. Implantée au sein même du Quartier général de la MINUSMA, cette installation permet de faire fonctionner les équipements de communication de la Mission onusienne. Projet pilote qui ne pollue pas, il aide à réduire l’empreinte environnementale de la Mission. L’impact écologique des Missions de maintien de la paix en général, et de la MINUSMA en particulier est une préoccupation du Secrétariat général et du Conseil de sécurité de l’ONU.

Par ailleurs, hier à Tombouctou, le personnel de la MINUSMA à travers son Unité Environnement, a également célébré cette journée avec la mise en terre de 154 plants d’arbres au Camp de la Mission.

Cette journée a tout son sens pour la MINUSMA qui est la première opération de maintien de la paix à avoir inscrit dans son Mandat, la gestion de son impact sur l’environnement. De nombreuses activités sont ainsi menées par l’Unité en charge de l’environnement, notamment la formation sur la gestion de l’environnement, les actions compensatoires, et le recyclage des eaux usées pour les besoins de jardinage.

Le 30 mai, la Division des affaires politiques de la MINUSMA à Gao a rencontré les organisations de défense des droits de l’homme et la Commission vérité, justice et réconciliation (CVJR) pour discuter de l’accord politique signée le 02 mai dernier et de la tenue d’un dialogue national inclusif. Concernant l’accord politique, les défenseurs des droits de l’homme se sont dit préoccupés par la non-application de la loi 052 sur la promotion de l’équité entre les sexes. Cette loi exige qu’au moins 30% des élus ou des personnes nommées soient des femmes. En ce qui concerne les priorités de la région de Gao à débattre au cours du dialogue national, les participants ont vivement préconisé un débat ouvert sur la mise en œuvre effective des recommandations de la Conférence d’entente nationale de 2017 incluant le respect de l’état de droit et la restauration de l’Autorité de l’Etat (notamment l’autorité judiciaire).

Incidents sécuritaires :

Le 3 Juin à Tombouctou, un enfant qui avait bénéficié d’une session d’éducation aux risques des engins explosifs a découvert un obus de mortier abandonné dans son quartier. Suite à cet incident, des acteurs de lutte antimines sur le terrain se sont rendus sur place pour effectuer un marquage de la zone à risque et la dépollution des lieux. Des sessions supplémentaires de sensibilisation aux dangers des engins explosifs ont aussi été délivrées. Félicitations à cet enfant. La MINUSMA rappelle que les engins explosifs représentent un grave danger pour les populations. A cet effet, il est recommandé de ne pas les toucher, et d’informer les autorités locales aussitôt qu’un engin explosif est découvert.

Le 1er juin, vers 11h30, trois roquettes de 105 mm sont tombées à proximité du camp de la MINUSMA à Tessalit non loin de la piste d’atterrissage. Aucun dommage ou blessure n’a été rapporté. La force de la MINUSMA a immédiatement dépêché sur les lieux une équipe d’intervention rapide.

Le 30 mai, aux environs de 14h00, un véhicule de la Force lors d’une patrouille de routine a heurté un Engin explosif improvisé (IED) ou une mine à environ 3 km au nord-est du Super camp à Kidal. Quatre casques bleus ont été légèrement blessés et le véhicule a été endommagé. Le Secteur Nord de la Mission a dépêché une équipe d’intervention rapide et une équipe de déminage sur le site pour effectuer une évaluation et récupérer le véhicule endommagé.

Le 29 mai, le bureau de la MINUSMA à Mopti a été informé par les communautés qu’environ 200 personnes, principalement des jeunes, armés de fusils et de machettes, contrôlaient des véhicules passant par le village de Somadougou, à environ 30 km au sud de la ville de Mopti, provoquant des tensions dans la zone. Cette mobilisation serait intervenue suite à l’incursion, au cours de la nuit précédente, des éléments armés présumés radicaux à Somadougou. Ce qui a entraîné l’assassinat de deux d’entre eux par la population. Les FAMa ont déployé un peloton dans la région le 29 mai, tandis que la MINUSMA a mené une patrouille le 30 mai à Somadougou pour renforcer la sécurité.

ACTIVITES DE LA FORCE

La Force de la MINUSMA a poursuivi ses opérations de sécurisation, de contrôle de zone, d’escortes de convois, de sensibilisation de la population, d’assistance sécuritaire au Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) ainsi que des patrouilles de reconnaissance et de dissuasion (terrestres et aériennes) dans nos différentes zones de déploiement.

Une vingtaine d’opérations (permanentes et temporaires) mobilisant des milliers de soldats de la paix sont actuellement en cours au Mali, avec un accent particulier sur le centre du pays.

Du 28 mai au 3 juin la Force a effectué 773 patrouilles, tenu 270 check-points et mené 40 escortes.

ACTIVITES DE LA POLICE (UNPOL)

La Composante Police de la MINUSMA conformément à son Mandat, poursuit ses missions relatives à la protection des populations civiles, au développement et au renforcement des capacités des Forces de Sécurité Maliennes (FSM).

Le 29 mai, le Commandant de la Police de la MINUSMA a rencontré le Directeur Général de la Police Nationale Malienne au siège de ladite institution, dans le cadre des rencontres régulières avec les autorités maliennes en charge de la sécurité publique. Les échanges ont porté sur de nombreux projets en cours :

la construction des locaux du Groupement Mobile de Sécurité (GMS) de Gao et de Tombouctou,

la réalisation du Centre Intégré Polyvalent à Gao,

la création d’une Unité Cynophile,

l’urgence de la construction des commissariats de Bankass et de Koro,

l’inauguration imminente de la BAC (Brigade Anticriminalité) de Bamako,

la production du plan de développement de la Police Nationale à l’horizon 2019-2021,

la construction des Commissariats de Police de Goundam et de Niafounké,

la demande de réhabilitation du Commissariat de Police de Kidal pour réintégrer les déserteurs dans le cadre du programme DDR.

Ces projets illustrent un appui conséquent aux autorités maliennes en charge de la sécurité publique de la part de la MINUSMA, à travers UNPOL, la Police des Nations unies.

 

 

Le Chef de la Police a indiqué que UNPOL renforcerait et développerait les capacités de ces officiers dans divers domaines liés au maintien de l’ordre.

 

Du 27 mai au 2 juin, sur le plan opérationnel, la Police de la MINUSMA a mené 370 activités. Il s’agit de patrouilles, d’escortes et de missions parfois conjointes avec les FAMa à Bamako et dans les régions de Gao, Mopti, Tombouctou et Kidal.

DIVISION AFFAIRES CIVILES

  • Le 30 mai, la Division des affaires civiles de la MINUSMA à Gao a rencontré le Secrétaire général de la commune d’Anchawadj dans le cercle de Gao. Les échanges ont porté sur la mise en œuvre du plan de développement Economique, social et culturel de la commune en 2019. Le Secrétaire général de la commune a souligné que l’insécurité empêche la perception des impôts et qu’elle attend toujours de recevoir des fonds de l’État, par l’intermédiaire de l’Agence nationale d’investissement des collectivités territoriales (ANICT) pour la réalisation de services sociaux de base. En conséquence, les fonctionnaires ne sont pas rémunérés régulièrement, les écoles manquent d’enseignants et les centres de santé fonctionnent sans un personnel qualifié.

DIVISION AFFAIRES CIVILES

Le 30 mai, la Division des affaires civiles de la MINUSMA à Gao a rencontré le Secrétaire général de la commune d’Anchawadj dans le cercle de Gao. Les échanges ont porté sur la mise en œuvre du plan de développement Economique, social et culturel de la commune en 2019. Le Secrétaire général de la commune a souligné que l’insécurité empêchait la perception des impôts et qu’elle attendait toujours de recevoir des fonds de l’État, par l’intermédiaire de l’Agence nationale d’investissement des collectivités territoriales (ANICT) pour la réalisation de services sociaux de base.

 DIVISION RSS-DDR

MOC : La MINUSMA transportera tous les ex-combattants éligibles à la formation militaire dans les régions de Ségou et Koulikoro. Il s’agit d’un appui extrêmement conséquent de la part de la Mission pour assurer le transport de 1406 ex-combattants qui quitteront Gao, Kidal, Tombouctou et Tessalit pour rejoindre Bamako. De Bamako, les FAMA assureront ensuite leur transport jusqu’aux différents centres d’Instruction.

La formation de ces ex-combattants permettra le redéploiement d’une armée reconstituée malienne sous la supervision directe du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) et de la Commission Technique de Sécurité (CTS) dirigée par le Commandant de la Force de la MINUSMA. Ces combattants seront chargés de la protection des différents sites de cantonnement ou camps MOC lors de la mise en œuvre du processus normal de DDR – Intégration. Une réunion de la CTS a lieu aujourd’hui pour définir le chronogramme de transport de ces combattants.

Dans les régions

Le 30 mai, le Bureau régional de la MINUSMA à Tombouctou a assisté à la cérémonie de lancement d’un projet de réduction de la violence communautaire dans la ville de Tombouctou.  Ce projet de 62 millions de FCFA (soit 105 000 USD) permettra la construction d’un complexe sportif comprenant un terrain de football, une aire de basketball, un centre de gymnase et des toilettes au bénéfice du Conseil communal de la jeunesse.  Il vise à consolider la paix et à renforcer la cohésion sociale dans le quartier d’Abaradjou dans la ville de Tombouctou.

 

 

 

Sans plus tarder, j’invite à présent le Directeur de la Division Droit de l’Homme de la MINUSMA M. Guillaume Ngefa.

Intervention du Directeur de la Division Droit de l’Homme de la MINUSMA M. Guillaume Ngefa.

Merci Olivier. Mesdames et messieurs les journalistes, je suis encore heureux d’être ici parmi vous pour partager le rapport final conjoint de la MINUSMA et du Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme de Genève et de la Mission des Nations Unies ici. Et bien sûr après je pourrais prendre la liberté de faire le point des différents développements.

Comme je l’ai dit au début, suite aux évènements qui s’étaient passés le 1er janvier de cette année à Koulogon dans la région de Mopti, la mission de l’ONU avait déployé une mission spéciale d’enquête composée de chargés des droits de l’homme de la MINUSMA, de la police scientifique des Nations Unies ainsi que des collègues de l’information publique.

L’objectif de cette mission qui était conjointe avec le Haut-commissariat aux droits de l’homme, c’était d’abord d’établir les faits, de déterminer les circonstances de cette attaque et éventuellement d’identifier les auteurs.

Et au terme de cette enquête puisque la Mission avait déjà partagé les conclusions préliminaires de ce rapport mais aujourd’hui nous vous donnons le rapport final. D’ailleurs le rapport est disponible, immédiatement après la conférence. C’est un rapport d’une vingtaine de pages qui est beaucoup plus détaillé. Et je ne pourrais pas effectivement donner plus de détails.

Quelles sont nos conclusions ? Nos conclusions sont les suivantes :

D’abord au niveau du déroulement des faits, le 1er janvier à la fin de la prière du matin, soit aux environs de 5h30- 5h50, au moins une centaine d’individus armés identifiés par des témoins oculaires comme étant des chasseurs traditionnels (Dozos), accompagnés d’individus en tenue civile qui ont été reconnus comme venant des villages avoisinants. C’est ce groupe qui a conduit cette attaque meurtrière dans le village de Koulongo-Peul.

L’attaque s’est distinguée par son caractère planifié, organisé et coordonné. Elle a été exécutée – et ça c’est le résultat de nos expertises balistiques – avec des armes diverses, dont des fusils de chasse traditionnels, des armes à feu automatiques, des machettes et des couteaux.

Il faut dire que ces assaillants étaient arrivés au village à pied, et ils ont d’abord commencé à encercler le village Koulongo-Peul, puis ils se sont dispersés en deux groupes pour conduire l’attaque. Dans leur avancée ils ont systématiquement ouvert le feu sur les hommes appartenant à la communauté peule. Les exécutant chez eux, certains à l’intérieur des cases où ils s’étaient réfugiés alors qu’ils fuyaient. Selon le témoignage des femmes du village, la majorité d’entre elles a été épargnée, donc il n’y a pas eu vraiment d’attaque ciblant les femmes. Certains villageois notamment, un groupe d’hommes qui sortaient de la mosquée ont pu s’enfuir du village vers la brousse.

 

En terme de violations des droits de l’homme, il faut dire que d’abord le groupe d’assaillants ont fait sortir les femmes se trouvant dans la case de la 3ème épouse du chef du village ; ensuite, ils ont tiré sur huit personnes qui se sont réfugiés dans la case du chef de village et l’ont incendié. L’enquête bien sûr n’a pas pu déterminer si les victimes ont été tuées par balle puis brulées ou si elles sont décédées à cause de l’incendie.

Les assaillants ont aussi visé les habitations, ils ont incendié 173 cases et 59 greniers des 61 greniers du village – soit près de 80% des bâtiments du village. Ensuite, ils auraient volé du bétail et quelques biens appartenant à la population.

Au cours de cette attaque aussi, l’analyse que nous avons faite, c’est que ces actes qui sont commis contre les populations civiles du village de Koulongo qui sont en majorité peule, constitue des atteintes sérieuses au droit international des droits de l’homme à savoir des meurtres qui ont été effectivement commis, des mutilations et autres.

Je tiens ici à donner quelques illustrations en ce qui concerne le meurtre, puisqu’on a dit que les personnes avaient tiré à bout portant, et certaines cases incendiées. On voit vraiment que ces faits constituent des meurtres.

Aussi, l’enquête a permis d’établir qu’au moins 3 personnes – 3 victimes peules tués lors de l’attaque – ont été mutilées : deux ont eu les mains coupées et un autre les mains et les parties génitales tranchées. Donc les villageois ont imputé ces mutilations aux dozos, comme faisant partie de leurs pratiques rituelles.

De plus, au moins 9 personnes appartenant à la même communauté ont été blessées durant l’attaque et notamment un garçon de moins de 10 ans qui a été blessé, intentionnellement par un assaillant.

Il faut aussi dire qu’il y a eu – comme je l’ai dit – destruction de propriété et pillage, puisqu’il y a eu 173 cases d’habitation appartenant à la communauté peule et la quasi-totalité des greniers qui ont été effectivement détruits.

Maintenant en ce qui concerne les auteurs, sur la base des informations que nous avons collectées et corroborées par des sources – d’ailleurs officielles –, les auteurs des abus décrits dans ce rapport ont été identifiés en majorité comme des chasseurs traditionnels (dozos). Ils étaient reconnus par leurs tenues traditionnelles de chasseurs.

Par ailleurs, le fait que des mutilations aient été pratiquées sur les corps de trois victimes ; et que les membres mutilés aient été emportés par des assaillants peut être rattaché aux pratiques rituelles de certains chasseurs traditionnels. Les dozos étaient accompagnés par des individus en tenues civiles, dont plusieurs ont été reconnus, donc venant de villages avoisinants.

Et je pense que la justice fera son travail, parce qu’ils ont à mener des enquêtes dans ces villages et identifier exactement qui sont ces personnes. Mais nous donnons juste des indications qui permettent de donner des pistes. L’enquête a aussi conclu que les assaillants s’exprimaient en dogon et en bambara et à quelques reprises en peul. Ce qui exclue l’hypothèse selon laquelle il y avait des chasseurs traditionnels qui parlaient en langue anglaise et autres. Il s’agit là en fait de chasseurs traditionnels, qui venaient dans le village.

Les assaillants étaient armés de fusils automatiques, de type AK47, de fusils de chasse … Les analyses de la police scientifique et technique de la MINUSMA démontrent que 48 sur 71 douilles collectées et analysées proviennent d’armes automatiques, et 23 étuis de cartouches de calibre 12, utilisées pour les fusils de chasse traditionnels.  Et c’est ce type d’arme que nous avons effectivement constaté dans nos enquêtes antérieures dans d’autres incidents similaires qui se sont passés dans la région.

Maintenant, j’aimerais revenir sur les actions qui ont été menées par le Gouvernement. Il faut dire qu’en ce qui concerne la justice, le Gouvernement a fait état de l’ouverture d’une enquête judiciaire près du tribunal de grande instance de Mopti et a déclaré avoir arrêté 12 suspects dont quatre seraient encore en détention et huit sous contrôle judiciaire à ce jour. Les chefs d’accusation comprennent – par rapport à ce que nous avons décrit comme violation des droits de l’homme –l’assassinat, l’association de malfaiteurs, coups et blessures volontaires, incendies volontaire, détention illégale d’arme et munitions et complicité…

Alors que notre enquête donne des informations probantes sur les violations des traités internationaux ratifiés par le Mali, il revient maintenant à l’enquête judiciaire de clarifier certains aspects que nous n’avons pas pu élucider par notre enquête, tels que l’implication des autorités locales, le degré de la planification de l’attaque ou la provenance des armes utilisées. Enfin bien sûr, identifier de façon non équivoque et punir les responsables de ces graves abus des droits de l’homme.

Des témoignages concordants ont permis d’établir que le nombre d’assaillants s’élevait à une centaine.

Finalement, permettez-moi de revenir sur le contexte dans lequel s’inscrit l’incident de Koulongo-Peul.

En effet, il faut rappeler que depuis 2018, le cercle de Bankass est devenu le véritable épicentre de violences sur fond de tensions communautaires au centre du Mali. L’incident de Koulongo-Peul, avait témoigné justement de cette aggravation et était, au moment des faits, l’évènement le plus meurtrier enregistré dans ce contexte avant que nous puissions arriver à ce qu’on peut considérer aujourd’hui comme le plus grave, c’est-à-dire l’incident d’Ogossagou.

La recrudescence de ces attaques, qui sont menées par des soi-disant groupes d’auto-défense communautaires agissant en toute impunité, a fait naitre une véritable psychose au sein de la population. Par exemple, du samedi 11 au lundi 13 mai, la Direction régionale du développement social qui est un organe de l’Etat a enregistré un déplacement des populations, principalement peules, du cercle de Bankass, dont au moins 259 ménages comprenant 1486 personnes. Il ressort également que les chasseurs traditionnels présents dans la ville de Bankass font régner la peur au sein des populations, y compris au sein de la communauté dogon, qui ose de moins en moins collaborer avec les autorités au cours des enquêtes. Et vous savez que les différentes initiatives de dialogues se sont révélées être inefficaces et les menaces sur les populations peules augmentent à la mesure que l’influence politique des chasseurs traditionnels s’accroit.

De plus, le récent assassinat par égorgement de deux personnes de la communauté peule par des présumés chasseurs traditionnels au sein même de l’hôpital de Bankass – je crois que cet évènement du 29 mai démontre cette tendance inquiétante –  démontre que même des hôpitaux –qui sont, je le rappelle, des endroits protégés par le droit international humanitaire – peuvent, bien malheureusement, devenir aujourd’hui le théâtre de graves abus des droits de l’homme.

Comme je le disais, le rapport est beaucoup plus détaillé avec des conclusions donc je crois que Olivier et son service pourra mettre ce rapport immédiatement à votre disposition.

 

Maintenant je vais aborder le deuxième point de notre intervention sur les développements les plus importants de la situation des droits de l’homme sur l’ensemble du territoire national depuis l’incident de Koulogon.

D’abord, je vais rappeler qu’entre l’incident de Koulongo et le 31 mai 2019, la Division des droits de l’homme a documenté pas moins de 92 incidents. Je pense que si vous regardez le tableau des statistiques qui sont données, ça vous donne un peu l’idée de ce que nous avons enregistré comme incident en termes de violations mais aussi en termes d’auteurs.

Donc 92 incidents sur fond de tensions communautaires dans l’ensemble des régions de Mopti et Ségou dont 82 sont attribuables à des membres de groupes armés d’auto-défense. Ces incidents ont conduit à la mort d’au moins 250 civils, dont plusieurs dizaines de femmes, d’enfants, et à des déplacements répétés de populations.

La présence et les actions de groupes armés d’auto-défense communautaire, dont certains n’hésitent pas à s’arroger des pouvoirs régaliens de police et de justice, continuent à déstabiliser les régions du centre du Mali. Le recours de plus en plus de ces groupes à des armes de guerre, comme nos enquêtes de Koulongo-Peul ou d’Ogossagou l’ont démontré, reste une véritable préoccupation. Donc à cet égard, la MINUSMA encourage bien sûr les efforts entrepris par le Gouvernement malien pour endiguer ce phénomène, notamment pour assurer le désarmement total des milices.

Le deuxième développement important pour nous, c’est la situation de Heremakono. Vous avez certainement entendu que dans la nuit du 13 mai dernier, le village de Heremakono avait fait l’objet d’une attaque meurtrière.  A la suite de cet incident, La MINUSMA a déployé immédiatement une équipe spéciale d’enquête composée de chargés des droits de l’homme, de la police technique et scientifique des Nations Unies et des collègues de l’information publique du 17 au 19 mai, pour justement établir les faits. Je me permets de partager avec vous les conclusions préliminaires qui sont les suivantes :

Le samedi 13 mai 2019, entre 7h45 et 8h00 du matin, un groupe composé d’environ 80 hommes, identifiés comme des chasseurs traditionnels (dozos) de la communauté bambara, arrivés à bord des motos et armés de fusils de chasse et fusils automatiques, a mené une attaque planifiée, organisée et coordonnée sur ce village d’Heremakono.

13 personnes, dont le chef du village et sa femme, ont été tuées au cours ou des suites de l’attaque, et huit autres personnes ont été blessées dont 3 femmes et un enfant. Les assaillants, toujours dans le même modus operandi, ont incendié volontairement 7 habitations et pillé des biens appartenant aux victimes.

Il faut reconnaitre que les autorités locales et les Forces de défense et de sécurité maliennes ont montré une réactivité positive en faveur des victimes, en déployant notamment une équipe d’intervention dès l’alerte. Même si les assaillants sont parvenus à s’enfuir avant leur arrivée, cette intervention a permis néanmoins de secourir les blessés à l’aide de 3 ambulances qui ont été mis à leur disposition et certains ont été évacués auprès du centre médical de Niono ainsi que de Ségou. Mais il faut noter néanmoins qu’aucune arrestation n’a été effectuée à ce jour dans le cadre de cet incident.

Bien que les pertes et dommages occasionnés par cette attaque ne soient pas comparables à ceux des attaques de Koulogon-Peul ou d’Ogossagou, il convient de noter des similitudes dans le mode opératoire des assaillants, c’est-à-dire le ciblage spécifique de membres de la communauté et plus particulièrement des autorités traditionnelles, dans le cas d’espèce, le chef du village.

Les types d’abus des droits de l’homme documentés sont similaires, avec des meurtres, des blessures, des destructions par incendie et autres pillages.

Finalement, permettez-moi de restituer et de situer cet incident dans son contexte.  En effet, comme de nombreuses attaques que vous connaissez, je pense que les journalistes publient régulièrement des articles sur ces incidents du Centre. Cet incident n’est pas isolé, mais il s’inscrit bien sûr dans une dynamique d’accentuation de tensions entre communautés dans les cercles de Macina, Niono, Djenné et Ténenkou. Ces tensions sont aussi particulièrement attisées par des actions d’éléments affiliés à la mouvance extrémiste « Groupe de soutien à l’islam et au musulman », plus connu sous le nom de JNIM, et des membres de confréries de chasseurs traditionnels.

Voilà en ce qui concerne la situation de Heremakono.  Je ne vais pas revenir sur Somadougou parce que vous avez donné déjà des éléments essentiels mais j’aimerais parler un peu de Mondoro.

Depuis le début de cette année et d’ailleurs depuis l’année dernière, la Division des droits de l’homme enquête sur une série d’allégations de graves violations des droits de l’homme et abus des droits de l’homme commis entre 2016 et 2019 dans cette commune liée au cercle de Douentza.

Il faut spécifier que la commune de Mondoro subit depuis plusieurs années l’influence grandissante d’éléments extrémistes, en particulier ceux affiliés aux groupes Katiba Serma et Ansaroul Islam. Et dans ce contexte, les groupes extrémistes ont voulu imposer leur domination par l’imposition de la sharia et de la terreur. Les insoumissions des populations dogons et peules de la zone ont déclenché des attaques et des assassinats et des enlèvements ciblés par les extrémistes, mais également des actions de représailles par des groupes d’autodéfense dogons à l’encontre des membres des populations peules dont certains sont affiliés à ces groupes extrémistes.

Il convient aussi de dire que depuis février 2019, la foire hebdomadaire de Mondoro a cessé de fonctionner du fait de l’insécurité et les conditions de vie se dégradent au quotidien. Seules les foires de Boulekessi et de Hombori peuvent encore approvisionner les villages de Mondoro, mais les convois escortés par les FAMa sont régulièrement visés par des engins explosifs.

Aussi, dans ce contexte, il est important de noter les questions d’enlèvements. Nous avons déjà enregistré l’enlèvement de 3 chefs de villages d’Isseye, Yirima et Boulekessi, tous peuls, par des éléments extrémistes entre février et mars de cette année. bien sûr tous ces développements pourraient démontrer la volonté des groupes extrémistes d’imposer, coûte que coûte leur domination.

Lorsque nous aurons finalisé cette enquête de manière beaucoup plus approfondie, je pense qu’on partagera aussi les conclusions avec vous.

Je voudrais aussi attirer l’attention sur ce qui s’est passé à Gourma. Comme vous savez, la commune de Mondoro et le cercle de Douentza font d’ailleurs partie de la zone du Gourma, qui s’étale entre les régions de Tombouctou, Mopti et Gao jusqu’à la frontière avec le Burkina Faso. La situation sécuritaire ainsi que des droits de l’homme dans cette zone est particulièrement préoccupante. La Division poursuit ses investigations sur les allégations de meurtres et disparitions d’au moins 52 civils attribuables à des groupes armés engagés dans des opérations dites anti-terroristes depuis le deuxième semestre 2018. C’est important que nous puissions être vigilants sur ce qui se passe dans le Gourma. Parce que les abus des droits de l’homme dans cette région se passent loin justement de l’observation des droits de l’homme et nos collègues de l’unité spéciale d’enquête sont en train de faire des investigations depuis le début de l’année. J’aimerais aussi rappeler que les groupes extrémistes continuent de mener des actions sur l’ensemble du territoire malien, en particulier au centre, au nord et le long des frontières avec le Niger et le Burkina Faso. Et nous avons pu pendant cette période documenter des cas d’enlèvements et d’assassinats ciblés et qui restent d’ailleurs les plus élevés et continuent à entretenir aussi des tensions communautaires. On a aussi enregistré des attaques ciblant des organisations humanitaires telles que Médecins Sans Frontières.

Je voudrais enfin terminer l’évènement de Intahaka, là vous avez certainement appris que le 24 avril il y avait 3 personnes qui avaient été brulées vives par la population. La Division des droits de l’homme a mené une enquête sur ce cas. Nous avons partager les conclusions de cette investigation avec les autorités maliennes qui ont ouvert déjà une enquête judiciaire sur cette situation. Et comme il s’agit déjà d’une situation qui est sous enquête, je ne pourrais pas à ce niveau donner les conclusions.

Pour conclure, j’aimerais rappeler que la MINUSMA a le mandat de soutenir les autorités judiciaires maliennes dans l’ouverture et la conduite d’enquêtes et de s’assurer que les auteurs de graves violations et abus des droits de l’homme sont jugés. A cet égard, nous notons avec appréciations la prise en compte de plusieurs recommandations que nous avions adressées aux autorités maliennes et la poursuite d’enquête sur des cas emblématiques tels que Koulogon-Peul, Ogossagou, Koumaga ou encore Dioura.

Je m’excuse d’avoir été très long mais je pense que c’était important que je puisse partager avec vous ces développements qui ont un impact justement sur la vie des populations. Et je reste disposé à répondre à vos questions.

Olivier Salgado, porte –parole

MINUSMA

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