Au Mali, les magistrats sont en grève illimitée. Conséquence : c’est la paralysie totale du service public de la justice, violation des droits humains. Un spécialiste conteste le droit de grève pour les magistrats. Mais le président du Syndicat libre de la magistrature lui répond : “La grève est consacrée par la Constitution”.
Les organisations syndicales considèrent la grève comme un moyen de pression permettant d’obtenir l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail. Historiquement, elle a existé dans le droit romain, l’Egypte pharaonique, avant d’être proscrite par le droit français à travers la loi Le Chapelier de 1792.
Les syndicats de la magistrature, afin d’assurer le succès de leurs revendications, ont déclenché une grève illimitée dans une période controversée. Le débat sur l’exercice du droit de grève porte aujourd’hui largement sur les libertés respectives des grévistes et sur celles des usagers considérés comme pris en otages. Cas des magistrats où le droit des personnes détenues est violé dans les commissariats et prisons à cause de leur grève. Comme l’a reconnu le procureur près le Tribunal de grande instance de la Commune III dans l’affaire Paul Ismaël Boro et consorts.
“Les magistrats ne doivent pas aller en grève”
“La grève est un droit garanti et reconnu, précisent l’article 21 de la Constitution du 25 février 1992 et le code du travail. Cependant, la Constitution renvoie à la loi n°87-47/AN RM du 10 août 1987 relative à l’exercice du droit de grève dans le secteur public”.
Celle-ci fixe les modalités d’exercice du droit de grève dans les services publics du Mali et le décret n°90-562 du 22 décembre 1990 fixe la liste des services, emplois et les catégories de personnel indispensable à l’exécution du service minimum. En vertu de ces dispositions, les magistrats ont le droit de grever au Mali.
Les spécialistes proposent d’interdire le droit de grève aux magistrats à travers une réforme législative comme l’a opéré le législateur béninois. La raison : “La liberté de la vie des gens en dépend, c’est un secteur vital”, estime Dianguina Tounkara, enseignant du droit social à l’Université des sciences juridiques et politiques de Bamako.
A contrario, Hady Macky Sall défend qu’ils ont observé toutes les formalités et procédures pour entamer la grève illimitée. “Nous sommes des syndicats autorisés à aller en grève par la loi malienne”. Et d’ajouter :”Nous sommes des professionnels de la loi, nous n’allons jamais fouler aux pieds les exigences de la loi”.
“Pas de grève pour les magistrats en France depuis la loi 1958, ils ne doivent pas aller en grève”, compare le spécialiste Tounkara. Pour Hady Macky Sall,” ce n’est pas une raison pour l’interdire au Mali, qui est un pays souverain”, réplique-t-il.
Le débat mérite d’avoir lieu quand cette grève met deux intérêts constitutionnels en jeu : droit de grève contre les atteintes aux libertés publiques. Le spécialiste insiste sur le retrait du droit de grève aux magistrats.
Yehia Mahmoud
L’Indicateur du Renouveau