Parmi les raisons de ce boycott figurent notamment le traitement des travailleurs immigrés et le nombre de morts dans le cadre de la construction des huit stades de la compétition.
Pas de fan-zones ni d’écrans géants : Paris, Marseille, Bordeaux, Nancy et Reims ont rejoint, lundi 3 octobre, la liste des villes françaises refusant, pour des raisons humanitaires et environnementales, de promouvoir les rencontres du Mondial de football – qui se tiendra au Qatar du 20 novembre au 18 décembre –, après Strasbourg, Lille ou Rodez.
« Pour nous, il n’a pas été question d’installer des zones de diffusion des matchs pour plusieurs raisons : la première, c’est les conditions de l’organisation de cette Coupe du monde, tant sur l’aspect environnemental que social, la seconde, c’est la temporalité, le fait que ça ait lieu au mois de décembre », a fait savoir Pierre Rabadan, l’adjoint chargé du sport à la Mairie de Paris, pour qui « ce modèle de grands événements va à l’encontre de ce que [Paris] souhaite organiser ».
« Cette compétition s’est progressivement transformée en catastrophe humaine et environnementale, incompatible avec les valeurs que nous voulons voir portées au travers du sport et notamment du football », a expliqué la municipalité marseillaise, dirigée par le socialiste Benoît Payan à la tête d’une large coalition de gauche et écologiste, dans un communiqué :
« Marseille, fortement attachée aux valeurs de partage et de solidarité du sport et engagée pour construire une ville plus verte, ne peut contribuer à la promotion de cette Coupe du monde de football 2022 au Qatar. »
« J’aurais vraiment l’impression, si Bordeaux accueillait ces fan zones, d’être complice [et] cette manifestation sportive qui représente toutes les aberrations humanitaires, écologiques et sportives », avait déclaré de son côté lundi matin le maire écologiste de Bordeaux Pierre Hurmic.
« Un des événements les plus controversés de l’histoire du sport »
La ville de Nancy a pointé, dans un communiqué, le « décalage » de « l’usage de stades climatisés durant cette Coupe du monde (…) avec les enjeux de transition écologique » et appelé « les organisateurs (…) à sérieusement revoir les règles d’attribution des prochaines Coupes du monde afin d’intégrer ces enjeux de sobriété et de respect du droit humain ».
Enfin, pour le maire de Reims Arnaud Robinet (Horizons), « à l’heure où les pouvoirs publics demandent (…) de réduire [la] consommation d’énergies, de telles installations susciteraient une incompréhension légitime (…) pour l’un des événements les plus controversés de l’histoire du sport ».
Parmi les raisons de ce boycott figurent notamment le traitement des travailleurs immigrés et le nombre de décès dans le cadre de la construction des huit stades du Mondial. Si le bilan officiel n’est que de trois morts, l’Organisation internationale du travail (OIT) a fait état dans un rapport de 50 travailleurs qui ont perdu la vie dans des accidents du travail au Qatar en 2020, et de 500 blessés graves, un chiffre qui pourrait être plus élevé selon elle en raison de lacunes dans le système de recensement des accidents.
Un « non-sens au regard des droits humains »
Outre la question des droits humains, Pierre Hurmic s’est également refusé à être « incohérent » par rapport aux efforts demandés à la population en matière « de sobriété énergétique ». « Vous ne pouvez pas appeler vos concitoyens à la sobriété et vous-même vous montrer complice d’aberration énergétique de cette nature », a-t-il déclaré, ajoutant que « ceux qui ont attribué en 2010 la Coupe du monde au Qatar étaient à des années-lumière de ce qu’était une sobriété énergétique ».
Le maire écologiste de la ville, élu en 2020, a précisé que la décision aurait été la même si le Mondial s’était joué en été. Et aucun écran ne sera mis en place si la France arrive en finale, a-t-il dit. A un mois et demi du début de la compétition, M. Hurmic est persuadé « que d’autres maires prendront des décisions identiques dans les jours à venir ». Il a, par ailleurs, fait savoir qu’il ne regarderait pas la compétition.
Samedi, la maire socialiste de Lille Martine Aubry avait aussi annoncé qu’aucun écran géant ne serait installé, dénonçant un « non-sens au regard des droits humains, de l’environnement et du sport ». Une décision également prise à Rodez et Strasbourg, notamment.