Le vendredi 05 juin 2020, s’est tenue à la place de l’Indépendance de Bamako, une mobilisation géante demandant le départ du président Ibrahim Boubacar KEITA (IBK). Cette mobilisation première du genre dans l’histoire du Mali démocratique a regroupé plusieurs organisations de la société civile et des partis politiques ; une forte mobilisation due en réalité au charisme et au leadership d’un homme qui a su être aujourd’hui le porte-parole de tous les frustrés du Mali, il s’agit de l’Imam Mahmoud DICKO.
Face à un régime qui peine à être en phase avec les préoccupations de la population, pas très difficile de trouver des griefs pour mobiliser la population. La plupart des motifs justifiant cette mobilisation existait bien avant 2013, donc bien avant l’avènement d’IBK au pouvoir. Certains diront même que c’est cette situation qui a favorisé l’élection d’IBK avec un score sans appel de 77%, car plus d’un voyait en lui le sauveur d’un pays en péril. Très vite l’espoir s’est transformé en désillusion avec la succession de scandales financiers et de mauvais castings à tous les niveaux. Malgré cet échec général décrié par la population, IBK réussit à se faire réélire pour un second mandat, même s’il fut contraint à un deuxième tour chose rare dans nos démocraties ces dernières années.
Loin de tirer les leçons d’un premier mandat calamiteux, IBK commença son second comme il avait fini le premier. Les scandales se suivent et les mauvais castings prennent de l’ampleur. Tous les jours le régime crée de nouveaux frustrés, de la gestion de la crise sécuritaire à la gestion de l’épidémie du Covid19 sans oublier la gestion de la crise des enseignants.Que de ratés et d’insatisfaction du peuple !Ce tableau sombre a entrainé plusieurs manifestations et mobilisations dont la plus mémorable est celle qui a conduit au départ du Premier Ministre Boubèye MAIGA, mais jamais l’objet ne s’était focalisé sur le départ du président de la République.
Que s’est-il donc passé pour qu’on arrive à cette mobilisation gigantesque du 05 juin 2020 ?
Le dialogue national inclusif (DNI) initié à l’aurore du deuxième mandat a abouti à quatre résolutions que sont :
- Résolution n°1 portant sur l’organisation des élections législatives
- Résolution n ° 2, portant organisation du référendum constitutionnel
- Résolution n° 3, portant sécurité et retour de l’administration
- Résolution n°4, portant sur l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali issu du processus d’Alger
En application de la résolution N°1, le conseil desministres du mercredi 22 mars tenu à Koulouba, sous la présidence du Chef de l’Etat Ibrahima Boubacar Keïta, a convoqué le collège électoral pour les élections législatives prévues le 29 mars 2020. Malgré le contexte sécuritaire marqué par l’enlèvement du chef de file de l’Opposition l’Honorable Soumaila CISSE en pleine campagne, doublé du contexte sanitaire marqué par l’apparition du premier cas de Covid-19 au Mali, ces élections furent maintenues. Les résultats finaux publiés par la cour constitutionnelle ont entrainé des chamboulements dans certaines circonscriptions électorales transformant ainsi des résultats préalablement publiés par le Ministère de l’Administration Territoriale. Cela n’a pas du tout été apprécié par la population en général et particulièrement celle ayant vu ses votes annulés alors qu’elle n’était pas responsable des manquements. Dans ce contexte de mécontentement général crée par la cour constitutionnelle, le président de la République IBK imposera contre la volonté de son parti le RPM, un candidat « repêché » par la cour constitutionnelle comme président de l’Assemblée Nationale en la personne de Moussa TIMBINE sous prétexte de faire la promotion de la jeunesse alors bien même qu’il n’est pas le plus jeune de l’Assemblée Nationale, ni le candidat du RPM.
En plus de la manière dont il s’est retrouvé à la tête de l’Assemblée Nationale, selon une frange importante de la population malienne, Monsieur TIMBINE est très limité en termes de compétences et de visions pour assumer une telle responsabilité (il suffisait juste de suivre les réseaux sociaux ou de sillonner les grins de Bamako pendant la semaine qui a suivi les faits pour s’en rendre compte). Malheureusement pour lui, il confirma les inquiétudes des Maliens lors d’une de ses premières prises de parole où il dira en parlant de la lutte contre le Covid-19, je cite « … pour que les Maliens puissent être dans toutes les conditions pour pouvoir vraiment en tout cas subir en tout cas des situations néfastes par rapport à cette maladie ». Avec l’acte de la cour constitutionnelle et le soutien apporté à Moussa TIMBINE pour qu’il soit président de l’Assemblée Nationale (2ème personnalité du Mali), le régime venait de franchir la ligne rouge. En somme, nous pouvons sans risque de se tromper dire que ce fut la goutte d’eau qui a fait déborder le vase et qui a fait la réussite de la mobilisation du 05 juin.
Que peut-on retenir de cette marche ? Que faire pour sauver le Mali et permettre au Président d’achever son mandat ?
A lire seulement les différents pancartes et banderoles, on comprend que le régime ne peut que s’en prendre à lui-même pour avoir créé des frustrés dans tous les domaines en s’écartant des préoccupations des Maliens. Chacun de ces milliers de personnes avait sa raison propre à lui de prendre part à cette manifestation. Si nous savons qu’il y a des centaines de milliers voire de millions de personnes qui, bien que partageant les problèmes de mauvaise gouvernance du régime actuel ne sont pas sortis pour X ou Y raisons, nous devons nous inquiéter. Il est donc urgent que les différentes parties prenantes mettent balle à terre en mettant le Mali au-dessus de tout. Le régime et ses soutiens doivent arrêter de se leurrer avec leur slogan « notre grand Mali avance », aussi ils doivent arrêter de voir l’Imam DICKO comme un problème. Ils doivent plutôt accepter qu’il y a un problème dans la gouvernance et qu’une grande partie de la population est mécontente de la gestion actuelle des affaires. Ce mea-culpa est essentiel et important pour faire bouger les lignes. En face les leaders de la mobilisation doivent renoncer au départ du président.
Sur la base de ces acquis on pourra considérer le reste du mandat du président comme une période de mise à niveau du Mali pendant lesquelles le président doit accepter de céder certaines de ses prérogatives pour l’intérêt du Mali. Pour apaiser la situation le président doit s’engager à :
- Mettre fin aux mandats des membres de la cour constitutionnelle et les remplacer par des personnes plus consensuelles (aux juristes de trouver la forme),
- Annuler le mandat des députés élus dans les circonscriptions électorales de Kati, de la commune I, de la commune V et de la commune VI du district de Bamako, de Bougouni, de Yanfolila, de Sikasso et de Mopti (aux juristes de trouver la forme).
- Organiser des élections partielles dans les localités concernées si possible uniquement dans les centres de vote à problème pour réduire les coûts.
- Mettre fin au gouvernement actuel ;
- Mettre en place un gouvernement de 27 Ministres après un appel à candidature ouvert aux Maliens de l’intérieur et de l’extérieur (cela pour éviter l’esprit partisan dans le gouvernement pendant cette phase de mise à niveau du Mali). Chaque ministre s’engagera sur la base d’un contrat de performance couvrant la période restant du mandat actuel du président avec une clause de licenciement si le Ministre n’est pas performant (cela permettra aux Ministres de se consacrer sur leur travail sans menace de remaniement). Il sera procédé annuellement à une évaluation des Ministres en prenant en compte la satisfaction de la population. Les Ministres non performants seront remerciés et remplacés après appel à candidature. Chaque Ministre doit signer un papier attestant qu’il ne sera pas candidat à la prochaine élection présidentielle.
- Poser des actes pour sortir de ce clivage majorité et l’opposition durant la période pour que tout le monde se consacre au Mali ;
- Mettre en place un conseil présidentiel autour du président composé par les représentants des partis politiques et les forces vivres dont la mission sera de définir un minimum d’intérêts géostratégiques et un consensus sur les priorités de développement et de gestion qui seront non négociables et qui s’imposeront à toute personne qui prendra les destinées du Mali.
Je suis convaincu que certains juristes voire constitutionnalistes ne seront pas à l’aise avec mes propositions, mais il s’agit de sauver le Mali et lui donner une nouvelle trajectoire pour qu’il compte parmi les Nations de demain. Pour cela aucun texte écrit par les Hommes ne saurait être plus important que le Mali.
Osons innover à la malienne !
Dr Bassirou DIALLO
bassml@yahoo.fr