La corruption et les malversations financières ont un coût économique. Elles privent l’État de ressources importantes qui auraient pu servir à financer des investissements ou à faire face à ses charges de fonctionnement. Le trou de 5,4 milliards de Francs CFA causé par l’affaire du Trésor représente le coût d’aménagement de 2 000 hectares de terre dans la zone irrigable de l’Office du Niger.
Le décaissement frauduleux de près de 2,5 milliards de Francs CFA dans l’affaire des exonérations représente les coûts de construction et d’équipement de 100 Centres de santé communautaire (CSCOM).
La corruption et les malversations financières favorisent l’évasion fiscale et font peser de lourdes charges sur la petite poignée d’opérateurs économiques qui s’acquittent normalement de leurs impôts. C’est ainsi que des impôts de plus en plus élevés frappent un nombre de contribuables de moins en moins grand.
Au Mali, on estime que 90% des recettes fiscales directes sont payées par seulement 10% des entreprises. La corruption et les malversations financières contribuent à renchérir les coûts des projets et des transactions, et à alourdir inutilement les démarches requises pour la création d’entreprise. De ce fait, elles sont un handicap à l’investissement privé.
Il ne faut pas s’étonner qu’en dépit des nombreux avantages consignés dans le code des investissements, les investisseurs étrangers ne se bousculent pas au Mali. Les malversations financières constituent des facteurs aggravants du phénomène de la pauvreté.
D’une part, elles limitent les possibilités de l’État d’engranger des taux élevés de croissance économique pour créer suffisamment de richesses nationales à distribuer aux populations, d’autre part elles pénalisent injustement les pauvres qui ne peuvent pas bénéficier, sur le même pied que les nantis, de certains services publics offerts par l’État du fait de l’existence de systèmes officieux de paiement de dessous-de-table. Les malversations financières ont pour source: la faiblesse de l’État, l’absence de sentiment national et la précarité des régimes politiques constituent les trois (03) explications clés.
Faiblesse de l’État. La réalité du pouvoir est entre les mains des princes. Les finances publiques et celles des princes se confondent largement, et il n’est guère facile de distinguer les investissements à l’étranger qui ressortissent à l’une ou l’autre catégorie.
Absence de sentiment national. Dans une majorité de pays du monde, la référence identitaire n’est pas la nation, mais le clan, la tribu, la phratrie au sens large. On ne se sent guère de devoir envers un État qui demeure une entité parfaitement abstraite. La solidarité financière ne s’exerce donc, bien souvent, que dans ces cadres. Comparant récemment devant moi les mérites de deux (02) politiciens de son pays, un intellectuel africain admettait volontiers que tous deux (02) étaient corrompus, mais sa sympathie allait vers celui qui avait beaucoup fait pour sa région.
La concussion, des détournements directs ou indirects de fonds publics ne sont pas ressentis comme une transgression dans la mesure où ils alimentent une sorte de système de redistribution sociale. Le vrai péché, c’est de trahir sa tribu, sa famille. Une règle valable en Afrique. La concussion devient un système codifié d’échanges de services qui supplée la carence de l’État.
Précarité des régimes politiques. La précarité des régimes accélère les phénomènes de corruption. Il faut se prémunir pour l’avenir, se garantir contre les coups du sort. Au Mali, le parti Alliance pour la démocratie au Mali-Parti africain pour la solidarité et la justice (ADEMA-PASJ) a mis en agonie la Banque de l’habit du Mali (BHM-SA), banque de l’habitat qui avait réussi l’exploit d’avoir financé les logements sociaux.
La Banque de l’habitat du Mali, qui a connu un déficit sans précédent d’environ 23 milliards de FCFA, fut plongée dans l’agonie pendant deux ans à cause d’une part du comportement de certains débiteurs bénéficiant de la protection du pouvoir ATT, et d’autre part de certains «projets populistes» entrepris par l’ancien président Alpha Oumar Konaré et poursuivis par Amadou Toumani Touré (ATT) à travers la construction de logements dits sociaux.
Des logements dont les prix d’acquisition ne sont pas à la portée des véritables bénéficiaires, et qui sont majoritairement cédés aux protégés du pouvoir. Un quota «illimité» était accordé au couple présidentiel qui, sur la base de considérations politiciennes et familiales les distribue.
Si la construction des Halles de Bamako par la Banque de l’habit du Mali (BHM-SA) sous le régime d’Alpha Oumar Konaré a créé une saignée au niveau de la Banque, celle des logements sociaux sous le pouvoir du général Amadou Toumani Touré (ATT) a causé une perte sans précédent à ladite banque liquidée à cause des emprunteurs.
Brin COULIBALY
Inter De Bamako