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PAYS DOGON : Le bastion de la milice Dan Na Ambassagou était la capitale mondiale de l’astronomie

Le conflit armé qui fait rage dans le centre du Mali, où la Katiba Macina du chef djihadiste Amadou Koufa fait régner la terreur, est en passe de faire oublier ce que le pays Dogon a apporté à l’humanité, notamment en matière de connaissances sur l’origine, l’évolution des astres et toutes les propriétés spécifiques qu’ils renferment. L’astronomie est la plus ancienne des sciences fondamentales. Elle a pour objet l’étude des étoiles, des planètes et des galaxies.


Depuis longtemps, des millions de visiteurs ont convergé vers le pays Dogon, non pas pour étudier la milice armée Dan Na Ambassagou qui sévit dans les cercles de la région administrative de Mopti, mais pour appréhender l’étendue des connaissances des Dogon sur les astres, notamment l’étoile Sirius qu’ils ont révélée, bien avant l’invention du premier télescope par l’opticien hollandais Hans Lipperhey en 1608. Sirius est l’étoile la plus brillante de la voûte céleste, devant Canopus et Arcturus.

L’histoire nous apprend que le peuple Dogon a une parfaite maitrise du système stellaire. Marcel Griaule a fait des recherches ethnologiques fort intéressantes qui ont montré que le peuple Dogon connaissait l’existence de l’étoile Sirius. Les Dogons savaient aussi ce que beaucoup de sociétés ignoraient : Sirius avait un compagnon appelé Sirius B, qui a la particularité d’être invisible à l’œil nu. L’étoile Sirius est omniprésente dans la sculpture et l’architecture dogon. En effet, c’est la beauté de l’habitat dogon, sculpté dans le calcaire, qui a permis l’inscription des falaises de Bandiagara au patrimoine mondial de l’humanité.

Appelée Po Tolo par les Dogons, Sirius B se déplace sur une orbite elliptique dont la durée de la révolution est estimée, par les scientifiques, à 49,9 années. Le Noble Coran fait également allusion à l’étoile Sirius dans la Sourate 53 Verset 49 en ces termes : « Et c’est Lui qui est le Seigneur de Sirius ». Un autre miracle astronomique du Saint Coran se trouve dans le Verset 9 de la Sourate ci-dessus citée : «  Il était à une distance de deux portées d’arc, ou plus près encore ». Ce verset fait référence aux orbites des deux étoiles, Sirius A et Sirius B, décrites également dans la cosmogonie du peuple Dogon, qui est adepte de l’animisme et voue un culte à la force vitale qui anime les éléments de la nature. Une subtile combinaison des Versets 49 et 9 de la même Sourate donne étonnamment le nombre 49,9, représentant la durée en années des orbites de Sirius A et B. Ces découvertes astronomiques faites par les scientifiques en 1862 étaient déjà révélées dans le Saint Coran mais également par les sociétés Dogon.

L’initiation des Dogon à l’astronomie serait le fait d’extraterrestres appelés Nommos qui peuplaient Sirius. Les Dogons se définissent eux-mêmes comme des descendants de Amma, un Dieu qui viendrait de l’étoile Sirius pour peupler le centre du Mali. M. Griaule (1966) relate l’histoire de la création du monde selon les Dogon et estime que leur métaphysique et leur religion sont aussi riches que celles des peuples antiques. A l’aide de l’arche de Nommo, le Dieu Dogon fit descendre sur terre tous les êtres qu’il a créés. Toutefois, l’univers était plongé dans un froid glacial et dans une profonde obscurité. Le Dieu Amma s’éclaira grâce à Ci gi Tolo (Sirius A). Sirius a donc guidé l’arche pendant sa descente sur terre.

Dans la tradition Dogon, l’étoile Sirius est considérée comme le centre de l’Univers. Le lever du Soleil et de Sirius coïncide avec la cérémonie du Sigui en pays Dogon, qui commémore l’invention de la parole et de la mort, mais également la deuxième année de vie de l’homme sur terre. La cérémonie du Sigui est célébrée tous les 60 ans en pays Dogon pour fêter l’arrivée de l’homme sur terre.
La chercheure Germaine Dieterlen au terme de sa mission qui l’a conduite en pays Dogon affirmait qu’il y avait une relation étroite entre la cérémonie du Sigui et l’étoile Sirius (Si gui Tolo). Dans le village de Sanga en pays Dogon se dresse majestueusement la caverne du traversement (Polio como) c’est-à-dire l’endroit où s’est posée l’arche de Nommo. Son atterrissage est l’évènement annonciateur de la création du monde.

Le site est le lieu d’observation par excellence du lever de Sirius et du Soleil. L’équipe de chercheurs conduite par Mme Dieterlen a pu déterminer que les Dogons avaient érigé, depuis plusieurs siècles, de véritables observatoires astronomiques dans le village de Sanga. En outre, les deux rochers du village qui représentent le Soleil, l’étoile Sirius et la caverne appelée Coucoulou Como qui servait de poste d’observation, sont orientés dans une parfaite symétrie.

Le berceau de la science astronomique est aujourd’hui en proie à des attaques djihadistes consécutives à la présence, dans la région, de combattants de la katiba Macina d’Amadou Koufa, une des composantes du Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans ( GSIM), affilié à Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et à des violences auxquelles se livrent Peuls et Dogons. L’effusion de violence dans la région de Mopti est la plus importante du pays. Prenant prétexte de la faillite de l’Etat central en matière de sécurité et de justice, les communautés Dogon se sont constituées en une milice armée baptisée Dan Na Ambassagou (les Chasseurs qui se confient à Dieu). L’expulsion des Peuls par les Dogons de certaines régions fertiles du centre du Mali où ils étaient établis depuis plusieurs décennies, a exacerbé les tensions intercommunautaires. Le risque est bien réel de se retrouver dans la situation, déjà vécue, d’un jihad dirigé contre les sociétés dogon, comme à l’époque de l’islamisation du Mandé au XIVe siècle.

Le patrimoine Dogon est menacé et risque de subir le même sort que Tombouctou, victime en 2012 de pillages de ses mausolées et de ses manuscrits datant de plusieurs siècles, orchestrés par les combattants du groupe djihadiste Ansar Dine de Iyad Ag Ghali.
Jadis foyer scientifique majeur, le pays Dogon est devenu la région du Mali la plus violemment frappée par le tourbillon djihadiste, comme en attestent les massacres en séries de 130 Peuls par la milice dogon en mars 2019 dans le village de Ogossagou et ceux de 132 civils en juin 2022, par les combattants de la Katiba Macina, dans les villages de Diallassagou, Diamweli et Deguessagou.
Les formes de conflictualités asymétriques qui minent le Sahel et qui s’éloignent de leur épicentre pour gagner les pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest ont aussi un impact sur les investissements économiques. Dans le centre du Mali, la crise sécuritaire a eu des conséquences sur la productivité agricole.

Des chercheurs du département Economie de l’Université de Florida, Gyimah-Brempong et Corley (2005), ont montré à quel point la guerre civile pouvait affecter la croissance économique, notamment par la réduction des investissements dans le capital. On sait aussi que les conflits armés déstructurent les comptes publics du fait de l’injection massive d’argent dans les dépenses en armements et munitions des pays en guerre, au détriment des autres secteurs vitaux de la nation ( santé, éducation, agriculture etc.)
Messer, Cohen et d’Acosta (2014) estiment que le Mali dispose d’un énorme potentiel agricole. Toutefois, les récents épisodes de conflits armés ont gravement nui à l’investissement et à la productivité agricoles : perturbation de la distribution des intrants et équipements agricoles, chocs de prix et déplacements massifs de la main-d’œuvre agricole. Les auteurs affirment que durant les périodes de conflits armés, la production agricole chute de 12,3 % chaque année.

La Banque Mondiale, dans son dernier bulletin économique sur le Mali, établit une corrélation entre la timidité de la reprise économique et l’insécurité qui prévaut dans le pays. Selon ses estimations, le taux de pauvreté est passé de 42,5% en 2019 à 44,4% en 2021, entraînant 375 000 personnes supplémentaires dans une situation d’extrême indigence. Les perspectives économiques de cette année ne sont guère reluisantes à cause des sanctions économiques et financières de la CEDEAO et de l’UEMOA, de l’insécurité alimentaire qui sévit dans la région et de la guerre en Ukraine.

Les banques de la sous-région ont beaucoup souffert des sanctions qui ont visé le Mali qui peinait déjà à honorer, en fin juin 2022, le paiement de 44 milliards de Fcfa dus aux investisseurs du marché des titres publics de l’UEMOA. Au total, le gouvernement malien devra rembourser un montant de 346 milliards de Fcfa courant 2022. Si on y ajoute l’échéance de l’année prochaine, le remboursement sur le marché des titres publics de l’UEMOA monte en flèche et atteint 761 milliards de Fcfa. L’onde de choc des défauts de paiement pourrait se propager dans les pays de l’UEMOA, dans la mesure où plus de 60% des titres publics sont détenus principalement par des banques ivoiriennes et burkinabè.
La crise sécuritaire qui frappe le Mali a un pouvoir de phagocytose qui n’épargne même pas les sciences astronomiques, domaine de connaissance dans lequel le pays Dogon s’était brillamment illustré depuis plusieurs siècles. La prochaine cérémonie du Sigui, prévue en 2027, soit soixante ans après la dernière commémoration de cette fête dogon, se déroulera-t-elle sous le signe de la paix, de la reprise économique et du renouveau scientifique et astronomique du pays Dogon ?

Amadou Tidiane Cissé
Inspecteur principal des douanes
atcisse@aol.com

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