Le Mali est un pays immensément riche, mais un pays volé, pillé, violé et violenté dans sa marche vers le progrès. Une gouvernance par la corruption. Mais depuis 2005, des institutions internationales indépendantes d’évaluation de la corruption ont interpellé notre pays sur son niveau trop élevé de corruption et demandé aux autorités plus de transparence et d’efficience dans la gestion des richesses et des deniers publics.
Transparency International a d’ailleurs classé le Mali au 99ème rang des pays les plus corrompus en 2006 sur un total de cent soixante-trois (163) pays notés, alors qu’il était classé au 77ème rang en 2005 et au 88ème rang en 2004.
Dans son rapport 2005-2006, la Cellule d’appui aux structures de contrôle de l’administration (CASCA) a signalé que quarante-huit (48) dossiers sur les cent soixante-seize (176) qu’elle a examinés, méritaient d’être soumis à la justice, du fait des actes graves de corruption et de délinquance financière décelés (détournement de deniers publics, fractionnement illégal de dossiers d’appel d’offres en violation du Code des marchés publics, argent volatilisé, facturations malhonnêtes, etc.).
Il y a des considérations politiques de la corruption et des malversations. Les auteurs de ces pratiques se recrutent presque exclusivement dans certaines couches sociales privilégiées et minoritaires: fonctionnaires, magistrats, agents des Forces armées et de sécurité, membres des professions libérales, commerçants, industriels, notabilités traditionnelles ou religieuses. Il ressort des analyses que ce sont ces mêmes couches sociales qui occupent aussi le champ politique. Tout comme l’activité politique, le phénomène de la corruption et des malversations revêt un caractère élitiste et urbain. Les deux (02) sphères sont donc fortement imbriquées l’une dans l’autre, car elles sont animées par les mêmes acteurs. La logique est déroutante: on a besoin d’argent pour faire la politique, et en faisant la politique on peut se faire beaucoup d’argent.
D’un côté, l’argent sale accumulé en détournant des fonds publics ou en attribuant complaisamment des marchés publics est d’un concours précieux pour se faire une place au soleil dans l’arène politique par le système du «patronage» fortement ancré dans les habitudes des Maliens.
De l’autre côté, l’obtention d’un mandat électif ou la nomination à de hautes fonctions de l’État offre une certaine couverture, voire une certaine impunité pour entretenir divers réseaux d’accumulation et de fructification de l’argent sale. Depuis quelque temps, certains agents de l’État et certains opérateurs économiques accusés de détournements de fonds publics ou d’escroquerie ont trouvé refuge à l’Assemblée nationale, où le bénéfice de l’immunité parlementaire leur permet d’échapper aux poursuites judiciaires ou tout au moins de retarder les échéances.
La perte de confiance des gouvernés envers les gouvernants est de nature à saper les fondements mêmes du système démocratique en portant atteinte à la légitimité des institutions qui symbolisent l’État. La côte d’alerte est déjà atteinte au Mali comme l’attestent les résultats de certains sondages d’opinion réalisés entre 2001 et 2004.
En 2001, 89% des habitants de la ville de Bamako, soit neuf sur dix, considéraient la corruption comme un problème majeur dans notre société, 13% ont été touchés directement ou indirectement par le phénomène, et 43% des paiements effectués dépassaient le SMIG (Salaire minimum interprofessionnel garanti).
En 2003, 83% des Maliens, soit huit sur dix affirmaient que la corruption électorale était très répandue; 62% étaient convaincus que les élections sont une question d’argent; 32% connaissaient des gens qui ont vendu leur vote.
En 2004, 49% des firmes manufacturières ont cité la corruption comme un problème majeur; environ 3,4% de la valeur du chiffre d’affaires annuel et 5,9% de la valeur des contrats étaient affectés à des paiements informels. Les chiffres de l’indice de perception de la corruption publiés par l’Organisation non-gouvernementale (ONG) Transparency International confirment, pour ainsi dire, l’existence du phénomène.
Dans le rapport publié en 2003, le Mali a obtenu un score de trois (03) points sur dix (10) et a occupé le 78ème rang sur cent trente-trois (133) pays classés; dans le rapport de 2004, le Mali a obtenu 3,2 points et a occupé le 77ème rang sur cent quarante-cinq (145) pays classés; dans le rapport de 2005, le Mali a obtenu 2,9 points et a occupé le 88ème rang sur cent cinquante-huit (158) pays classés.
«Dans un pays pauvre, ruiné par la corruption, le népotisme et le nombrilisme, un pays, où tout est à faire, à refaire ou à parfaire, il y a mieux à faire que de s’acharner sur un citoyen innocent puis de faire de la manipulation et du troll. Aucun mensonge n’est éternel».
Ali CISSÉ
L’Inter de Bamako