Après la présentation de son Plan d’action, le vendredi dernier, au Centre international de conférence de Bamako (CICB), le Premier ministre Moctar OUANE était hier devant les membres du Conseil national de Transition (CNT) pour le grand débat autour du contenu de son document politique avant son adoption. Après les débats, le Plan d’action a été adopté par 100 voix pour, 4 voix contre et 3 abstentions.
Le président du CNT, Malick DIAW, a présidé la plénière sur le vote du Plan d’action du gouvernement de Transition qui a été précédé par un débat sur son contenu. Pour cet exercice, il y a eu plus d’une cinquantaine d’intervenants pour poser des questions au Premier ministre. Les questions avaient trait à l’organisation des élections, la relecture de l’Accord d’Alger pour la paix et la réconciliation au Mali, la sécurité au Mali de façon générale, la refonte du système éducatif, les moyens financiers et humains pour la mise en œuvre du PAGT, etc.
Outre ces problématiques, certaines interpellations étaient relatives, entre autres, au renforcement des plateaux techniques pour les structures sanitaires, la violence universitaire, la place des femmes et jeunes dans la relecture de l’Accord, la dissolution de toutes les milices.
En réponse à ces questions, le Premier ministre Moctar OUANE a abordé en premier lieu la relecture de l’Accord pour la paix et la réconciliation nationale. Conformément aux clauses dudit Accord, à ce jour, toutes les parties sont d’avis que le document comporte des insuffisances à corriger, à donner des précisions sur les points qui méritent d’être revus.
88 milliards pour l’Accord
« Les rencontres sont entre les parties prenantes sous l’égide du ministère de la Réconciliation nationale. Toutes les parties sont d’accord pour aller à la relecture. Ce sera une occasion de faire le point et tirer les leçons des obstacles », a déclaré Moctar OUANE. En effet, depuis la signature de cet Accord en 2015, les dividendes de la paix sont toujours attendus. Et plus de 88 milliards de FCFA sont prévus dans le cadre de la redynamisation de l’Accord d’Alger pour la paix.
Sur les réformes institutionnelles et politiques très sollicitées par les acteurs politiques pour véritablement aller à l’ancrage de la démocratie dans le pays, le Premier ministre a rappelé que ces initiatives font partie des fortes demandes des Maliens. Compte tenu du temps imparti, Moctar OUANE a indiqué que très rapidement un cadre de concertation sera mis en place afin que le travail puisse démarrer tout en concédant que le temps presse.
Au passage, il a tenu à préciser que les autorités de la transition travaillent au respect de la durée de la Transition validée par la CEDEAO. « La durée de la transition est fixée à 18 mois et le Président Bah N’Daw a clairement fait part de sa volonté de respecter ces délais, dont je me fais volontiers l’écho, à mon tour, ici », a affirmé Moctar OUANE.
Abordant la problématique de la carte NINA, le chef du gouvernement a regretté les saccages des locaux du consulat du Mali en France. Il a souligné que les enquêtes sont en cours pour situer les personnalités et tirer les enseignements qui ont conduit à cet acte qui ne renvoie pas une bonne image du pays. « Je condamne fermement le saccage du Consulat du Mali à Paris. Je suis convaincu que la violence ne résout pas les problèmes », a dénoncé le Premier ministre.
Conscient de ce problème, en général, a-t-il indiqué, le gouvernement a créé les conditions de facilitation d’obtention de ce document administratif. Pour preuve, il a rappelé la création de centres d’enrôlement et la création d’une plateforme en ligne pour permettre à des Maliens déjà enregistrés d’avoir leur fiche individuelle. L’Enrôlement de Maliens établis en étranger va se poursuivre, mais la priorité sera accordée aux zones de forte concentration des Maliens de la diaspora. Aussi, il a ajouté qu’il y a de plus de 500 000 cartes Nina personnalisées. Il également est prévu la confection de plus de 2 millions de cartes.
Pas d’organe unique
Si des membres du Conseil national de Transition sont sceptiques sur la dissolution de toutes les milices comme promis dans le Plan d’action du gouvernement de la Transition, le Premier ministre pense en revanche que c’est bien possible. Avant lui, deux gouvernements de l’ancien régime avaient pris les mêmes engagements qu’ils ont été incapables d’honorer.
En tous cas, pour OUANE, son gouvernement est déjà engagé dans cette dynamique. Cette dissolution rentre, dit-il, dans le cadre de la politique de stabilité du Centre et de la réduction de violence dans la zone. Et pour atteindre leur objectif, il a indiqué que le DDR spécial de 8 500 éléments est prévu pour les milices d’autodéfense. Aussi, il est envisagé un recrutement spécial au sein de ces milices. Cette dissolution sera dans la durée en collaboration avec les communautés. « Nous travaillons à la dissolution des milices, et elle se fera de façon progressive et pragmatique », a-t-il affirmé. Concomitamment à cette action, il a annoncé que le gouvernement travaillera à déployer l’armée dans ces zones.
Un format consensus à déterminer pour les élections
L’organisation des prochaines élections par l’Organe unique ne sera pas possible, tranche Moctar OUANE, même si c’est une disposition qui est prévue par la Charte de la Transition. La raison principale avancée à cet effet par le Premier ministre est lié au facteur temps. Selon lui, l’Organe unique tant réclamé par la classe politique comme un moyen contre la falsification des résultats ne dispose pas du temps nécessaire pour prendre en charge toutes les questions de l’organisation des élections.
Face à la situation, il appelle des acteurs à la concertation dans les prochains jours en vue de dégager un consensus sur ce sujet afin de pallier à toute incompréhension.
A cause de ce facteur ‘’temps’’ beaucoup de membres du CNT ont estimé que le PAGT est trop ambitieux. Mais, pour le Premier ministre, il n’est pas plus ambitieux que la feuille de route qui a été déterminée par les concertations nationales. Selon lui, son plan s’inspire de la feuille de la route.
Par ailleurs, il admet que certains plans ne peuvent pas être opérationnels à court terme, mais pourront être mis en œuvre par le gouvernement qui sera issu d’élections. « Mais l’Etat étant une continuité, le gouvernement issu d’élections libres, transparentes et crédibles pourra poursuivre avec ces initiatives », a insisté M. OUANE.
La mise en œuvre de son Plan d’action, a indiqué le chef du gouvernement, sera en grande partie supportée par le budget national et sera complété avec l’appui financier des partenaires. « L’Etat dispose déjà de moyens financiers, parce qu’il est prévu dans le budget en cours », a-t-il ajouté.
30 milliards pour les élections et 25 milliards pour les reformes
S’il n’a pas donné de précision sur les chronogrammes de ces différents chantiers, le Premier ministre a toutefois précisé que plus de 30 milliards de FCFA sont inscrits dans le budget de cette année pour le volet de l’organisation des élections. Tandis que le budget pour cette année pour les réformes institutionnelles, politiques et le découpage territorial est 25 milliards FCFA.
Sur les questions de justice, il n’y aura ni impunité ni impasse, a affirmé Moctar OUANE, en répondant aux interpellations sur les tueries lors des événements du 10, 11 et 12 juillet 2020 et sur les cas de fraude.
Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé que pour exiger le respect du domaine public, notamment celui de la zone aéroportuaire des actions seront initiées contre les agents de l’Etat fautifs. « Le domaine aéroportuaire est un domaine public inaliénable de l’Etat. Des sanctions administratives et pénales seront prises contre ceux délivrant des permis d’occuper et des lettres d’attribution (abaissement d’échelon des agents de l’État fautifs, révocation d’office des fonctionnaires des collectivités impliqués dans des malversations… », a-t-il déclaré.
Egalement, il s’est réjoui des résultats sur les mesures de réduction du train de vie de l’Etat. Ces mesures portent notamment sur la rationalisation des dépenses liées au carburant, aux frais de missions et de déplacement. Ainsi, grâce à celles-ci, le budget de 2021, hors salaires, a diminué de 25 milliards de FCFA.
Quant à la refonte du système éducatif, en général, elle coûte au budget national 469 milliards de FCFA contre 441 milliards en 2020.
Le budget sur l’amélioration des conditions des travailleurs est 112 milliards de FCFA.
Pour la défense, il est évalué à 310 milliards 2021 contre 200 milliards en 2020.
A l’issue des débats, les membres du Conseil national de Transition ont donné leur quitus au Plan d’action du gouvernement de transition par 100 voix pour, 4 voix contre et 3 abstentions.
Par Sikou BAH
Source : INFO-MATIN