« Les auteurs de tout crime international – y compris la destruction de biens culturels doivent répondre de leurs actes. Nous nous réjouissions de l’ouverture de ce procès ainsi que de l’intention de la part de Al Mahdi de plaider coupable, ce qui, nous espérons, contribuera à faciliter le processus d’établissement de la vérité et de la justice au Mali »
Chef de la Hisba, Brigade des mœurs liée au groupe armé d’Ansar Dine, un mouvement principalement touareg lié aux autres groupes armés actifs au Mali qui, ensemble, ont piloté l’occupation en 2012 du nord du pays, Al Mahdi est accusé d’avoir facilité et participé à la destruction de neuf mausolées et d’une mosquée dans la région de Tombouctou. Ces monuments culturellement et historiquement importants ont été soit complètement détruits soit gravement endommagés à la suite des attaques menées à leur encontre.
Al Mahdi serait le premier accusé devant la CPI à plaider coupable de la commission de crimes de guerre et le premier suspect à comparaitre dans la situation du Mali ouverte en 2012. En conséquence, le procès ne devrait durer qu’une semaine. Plusieurs victimes, estimées d’avoir subi un préjudice matériel ainsi que moral du fait de la destruction des mausolées et de la mosquée, ont obtenu le droit de participer au procès. La décision de reconnaître les préjudices au-delà des dommages purement matériels est une étape importante vers une compréhension plus complète de l’impact des crimes internationaux sur les individus, les communautés et les sociétés.
« Bien que nous reconnaissions l’importance d’engager des poursuites pour la destruction de biens culturels, nous regrettons vivement que les charges à l’encontre de Al Mahdi n’aient pas été élargies pour inclure les crimes commis contre les populations civiles, et notamment les crimes sexuels et basés sur le genre, dont les victimes sont trop souvent ignorées. Nous appelons la Procureure de la CPI à enquêter sur tous les crimes internationaux commis au Mali et à poursuivre les plus hauts responsables, tout en suivant attentivement les procédures judiciaires nationales en cours »
Selon les informations recueillies par la FIDH et ses organisations membres et partenaires, les membres de la police islamique – et notamment sa « Brigade des mœurs » – ont commis depuis 2012 des crimes internationaux les plus graves, y compris des crimes de torture, crimes contre l’humanité et crimes sexuels. Nos organisations avaient déposé une plainte au nom de 33 victimes de Tombouctou devant la justice malienne en mars 2015, visant Al Mahdi et 14 autres personnes pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, incluant des crimes sexuels comprenant le viol et l’esclavage sexuel.
Contexte
En janvier 2012, le Mali a fait face à une insurrection armée touarègue dans le Nord du pays. Le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) a lancé une offensive très vite opportunément rejointe par des groupes islamistes présents dans la bande du Sahel (Ansar Dine, Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI), Mouvement pour l’Unicité du Djihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), Boko Haram). Les combats sont menés en violation flagrante du droit international humanitaire. Les principales villes du nord tombent dans les mains des groupes armés en début d’avril 2012 jusqu’en janvier 2013, date de l’intervention des troupes franco-maliennes. Le Mali a ratifié le Statut de la CPI le 16 août 2000. Il a saisi la Procureure de la CPI le 13 juillet 2012. Le 16 janvier 2013, le Bureau du Procureur a formellement ouvert une enquête sur les crimes allégués relevant de sa juridiction commis au Mali. Le 13 février 2013, le gouvernement malien et la CPI ont conclu un accord de coopération en application du Chapitre IX du Statut de la CPI. La Chambre préliminaire a délivré le premier mandat d’arrêt dans la situation au Mali, sous scellés, à l’encontre de M. Al Mahdi le 18 septembre 2015. Une semaine plus tard, Al Mahdi, alors détenu par les autorités nigériennes, a été transféré à la CPI. Le 24 mars 2016, la CPI a confirmé la charge de crime de guerre portée à l’encontre de Al Mahdi, en l’espèce des attaques intentionnellement dirigées contre des bâtiments consacrés à la religion et des monuments historiques à Tombouctou, en tant que membre du groupe armé extrémiste Ansar Dine, affilié à Al Qaïda au Magreb islamique (AQMI). Il est accusé d’être responsable de la destruction de dix monuments historiques, y compris de multiples mausolées et une mosquée, dans la ville de Tombouctou, qui est classée patrimoine mondial de l’UNESCO. Selon les enquêtes menées par nos organisations en janvier et février 2015, Al Mahdi, natif de la région de Tombouctou était chef de la Brigade de Mœurs, appelée Hisba , l’un des quatre commandants d’Ansar Dine chargé de l’imposition brutale du pouvoir des groupes armés djihadistes à Tombouctou. A la tête de la Hisba, il a également avalisé les agissements du Centre d’application « du convenable et de l’interdiction du blâmable », dont les éléments ont pourchassé les femmes, les ont emprisonnées, les ont mariées de force, et ont encouragé les viols et l’esclavage sexuel pratiqués par lui et ses hommes. Des éléments de preuve que nous avons recueillis le montrent également en train de diriger et de participer à la destruction des mausolées des saints et d’autres biens culturels islamiques de grande valeur. Après avoir dirigé la Hisba de Tombouctou, il serait parti combattre les forces maliennes et françaises à Konna en janvier 2013 avant de se replier au Nord du Mali et passer au Niger où il a été arrêté par les forces françaises et remis aux autorités nigériennes, puis transféré à la CPI en septembre 2015.
Source: fidh |