Après plusieurs mois d’atroces souffrances en Libye, 200 Maliens ont regagné la patrie le mardi, 2 février 2016. Un retour organisé par le gouvernement malien en partenariat avec l’Organisation internationale de la Migration. En septembre dernier, l’Association malienne des expulsés (AME) avait tiré la sonnette d’alarme sur la misère de ces Maliens de Libye dont certains étaient emprisonnés. Selon Ousmane Diarra, le président de l’Association malienne des expulsés (AME), une association fondée par d’anciens migrants maliens, ces clandestins piégés en Libye perdaient de plus en plus l’espoir de pouvoir franchir la Méditerranée. Dans l’interview qu’il nous a accordé, le président de l’Association Malienne des Expulsés (AME), Ousmane Diarra, donne, sans détour, son point de vue sur l’arrivée des migrants maliens de la Lybie, l’accompagnement de l’Etat à l’endroit des migrants, la loi adoptée au Danemark sur la confiscation des biens de valeurs des migrants pour financer leur séjour, les effets de la politique nationale de migration au Mali… Selon lui, l’Etat n’accompagne pas les rapatriés maliens dans leur réinsertion dans le tissu socioéconomique.
Le Républicain : Qu’est ce que vous pensez de l’arrivée de plusieurs centaines de migrants maliens de la Libye le 2 février 2016?
Ousmane Diarra : Le 02 février 2016, près de 200 maliens ont été rapatriés de la Libye. C’est une situation vraiment déplorable de voir nos compatriotes partis pour chercher de meilleures conditions de vie revenir à la maison bredouille. Mais compte tenu de la situation de grand désordre qui règne en Libye, nos compatriotes étant exposés à l’insécurité, au racisme et au paiement de rançon, je pense que ce rapatriement valait mieux pour eux. Même s’ils ont tout perdu, ils ont au moins la vie sauve.
L’Etat malien doit mettre en œuvre une véritable politique d’emploi à l’endroit des jeunes pour qu’ils ne soient pas obligés de partir en aventure au risque de leur vie. L’Etat doit faire un effort aussi pour améliorer l’accueil des migrants de retour et faciliter leur acheminement dans les villages d’origines.
Est ce que l’État les accompagne ou est ce qu’ils sont laissés à eux mêmes?
En réalité, l’Etat ne les accompagne pas, mais ces derniers jours, nous avons assisté à la remise de matériels aux femmes rapatriés de la République Centre Africaine (RCA) par le Ministère des Maliens de l’Extérieur. Il n’existe pas une politique de réinsertion appliquée au Mali qui puisse permettre aux rapatriés d’être accompagnés et réinsérés dans le tissu socioéconomique du Mali.
Le Royaume du Danemark vient de voter une loi visant à la confiscation des biens de valeur des migrants pour financer leur séjour. Que pensez-vous de cette mesure? Est ce qu’il y a des migrants maliens au Danemark?
Je pense que cette loi voté par le Royaume du Danemark est un recul et une atteinte aux droits humains des migrants demandeurs d’asile. D’ailleurs notre association (l’AME) a fait une déclaration pour condamner cette loi et demander au Danemark de la retirer de leur arsenal juridique. Nous avons également adressé une lettre de protestation à l’Ambassade du Royaume du Danemark ici à Bamako les invitant à l’abandon de la dite loi. Comme vous le savez, la forte poussée de migration que nous constatons ça et là est en réalité la conséquence des actes posés par la classe dirigeante européenne, et africaine. Tant que la vie des gens serra menacée par les guerres, la misère, et le manque de perspectives pour la jeunesse, ils vont toujours partir ailleurs.
Cette loi est inquiétante dans la mesure où elle a été votée par un grand nombre de députés de tout bord politique. Leur comportement traduit-il le regard de la population danoise sur les migrants ? Voilà une question également inquiétante. Il existe quelques maliens qui vivent au Danemark mais ne sont pas concernés par la nouvelle loi de confiscation qui vient d’être votée.
Est ce que la politique nationale de la migration a-t-elle eu des effets positifs sur la migration au Mali?
Le Mali a adopté une politique nationale de migration en septembre 2014. Cette politique a un plan d’action qui, de notre point de vue n’est pas encore mis en œuvre. En plus, la PONAM (politique nationale de la migration) demande la mobilisation d’une centaine de milliard de franc CFA pour l’atteinte de ses objectifs, ce qui pose un grand problème. La PONAM est beaucoup plus axée sur les maliens de la diaspora, j’entends par là les migrants maliens qui vivent à l’étranger en situation régulière or, il existe aussi un grand nombre de migrants maliens qui vivent à l’étranger en situation irrégulière. Si l’Etat ne les offre pas des perspectives, ces jeunes vont continuer à partir pour trouver un avenir plus radieux. Pour le moment, la politique nationale n’a pas eu d’effets positifs sur la migration au Mali, la promotion des migrants de retour tarde à démarrer.
Que pensez-vous de façon générale de la migration?
De façon générale, la migration est une bonne chose, au Mali elle contribue de façon significative à l’amélioration des conditions de vie des populations. La question de migration est liée à la question de développement, les personnes qui vont à la migration généralement, c’est pour trouver de meilleures conditions de vie.
Hadama B. Fofana
Source: Lerepublicainmali