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OUMAR MAHAMANE DEDEOU, AUTEUR DE « UN PAN DE VIE », S’EXPLIQUE : « La politique chez nous est devenue un moyen plus facile pour les gens de bruler les étapes »

La littérature malienne s’enrichit chaque jour davantage grâce non seulement au talent de jeunes écrivains, mais aussi de jeunes maisons d’éditions de livres comme Innov Editions qui travaille à appuyer ces jeunes dans la publication de leur manuscrit qui n’auraient peut-être jamais vu le jour dans les maisons dites classiques, lesquels publient rarement les jeunes auteurs. Comme à l’accoutumée, nous sommes allés cette semaine à la rencontre d’un autre auteur issu d’Innov Éditions. Il s’appelle Oumar Mahamane Dédéou, auteur du roman, « Un pan de vie ». Ce professeur de lettres à Goundam nous explique les contextes d’écriture de ce roman ainsi que les thématiques majeures évoquées. Lisez l’entretien !

Le pays : Qui est Oumar Mahamane Dédéou ?

Oumar Mahamane Dédéou : Je m’appelle Oumar Mahamane Dédéou. Je suis natif de Tombouctou, là où j’ai passé toute mon enfance et adolescence. Je suis professeur de Lettres de formation. J’ai beaucoup servi ici à Bamako comme Professeur de Lettres dans beaucoup de lycées privés. Et actuellement, je suis au compte de l’État comme Professeur de langue nationale au lycée public de Goundam. Je suis également écrivain.

 Pouvons-nous connaitre votre source d’inspiration ?

Ce qui m’a amené dans l’écriture, là je ne sais pas trop. Tout ce que je sais, c’est que depuis que j’étais au lycée, j’écris de petits poèmes. Quand j’ai mal, j’écris, quand je suis content, j’écris. Donc, le papier est devenu une sorte de confident pour moi. Dès le départ, je suis quelqu’un de réservé. Donc l’écriture est devenue une source d’expression pour moi. Donc tout ce que je ne sais pas dire publiquement, tout ce que j’ai sur le cœur, je le traduis sur le papier. Par la force des choses, c’est devenu le moyen d’expression pour moi par excellence. Le fait que je traduis mes émotions sur le papier, c’est ce qui m’a poussé dans l’écriture.

De quoi parle votre roman, « Un pan de vie » ?

En ce qui concerne le roman, je ne vais pas parler du résumé, mais je vais juste essayer d’évoquer le thème que le roman soulève. D’abord, le thème principal, c’est la politique. Il parle de la politique, parce que c’est l’histoire d’un enseignant qui grâce à la politique a pu grimper les choses. La politique chez nous est devenue un moyen plus facile pour les gens de bruler les étapes, si on peut s’exprimer ainsi. Donc il s’agit de ce Monsieur Diarra qui, grâce à la politique, a pu grimper facilement l’échelle sociale. Après la politique, ça parle bien sûr de la condition de la femme, de tout ce que la femme subit comme pression de la société. Quand elle est stérile ou bien quand elle a tout le poids de la société sur le dos. C’est la femme de Monsieur Diarra qui va subir beaucoup de pressions de la société dues au départ par la période de sa stérilité et autres. Outre ceci,  il y a aussi le problème de la jeunesse, du chômage, de l’alcool, du banditisme, tous sont traités dans le livre. Surtout le maraboutage, un phénomène qui constitue une réalité dans notre société. On se rend compte que beaucoup portent les camisoles ou autres pour dire que ce sont des marabouts, en fait, c’est pour escroquer. Il y a beaucoup de gens qui sont victimes de cela. Beaucoup de fois, quand on a un problème, on court vers un marabout qui prétend avoir une baguette magique pour transformer le problème des gens en solution. Alors qu’il n’en est rien. Il y a beaucoup d’autres petits thèmes aussi que les gens n’évoquent pas souvent, comme les cas des bonnes ; les aide-ménagères qu’on a dans les familles et que les gens traitent souvent comme des esclaves.

Quelle relation tissez-vous entre ces différents thèmes ?

La relation entre ces différents thèmes, c’est que tous ces thèmes constituent des maux qui nous empêchent d’avancer, d’aller vers le développement, que ça soit le politique ou le culturel. Tous ceux-ci sont devenus en fait quelque chose d’ancré dans notre mentalité et qui nous empêche d’avancer. Par exemple, quand on est politicien, on se dit qu’il faut tout faire pour avoir de l’argent, c’est ça la manière. Donc quand on travaille pour l’État, il faut voler l’État et là on va dire que vous êtes béni, quand vous travailler honnêtement et que vous vous contentez de maigres ressources, on va dire que vous êtes maudit, parce que vous travaillez pour l’État et que vous n’arrivez pas à vous enrichir. Chacun s’intéresse à la vie privée de l’autre. Donc tout ce que vous faites est minutieusement calculé par les autres. Dans le couple, quand il y a un mariage et que la femme fait deux ou trois ans sans enfants, elle subit énormément de pressions, et là c’est très lourd à supporter par une personne. Ou encore, quand il y a deux personnes qui veulent se marier, souvent il y a des contraintes de la société qui les empêche de signer, parce que tout simplement on va amener la question de caste et là, c’est le problème qui nous empêche d’avancer.

Ceux qui se disent marabouts aussi, on a vu aujourd’hui des problèmes avec les leaders religieux. C’est ceux-ci que je raconte dans le livre. Par exemple quand la femme a un problème, dire qu’il y a mon mari qui commence à fréquenter d’autres femmes, et là, elle court directement vers un marabout, un soi-disant marabout, et ce dernier va l’escroquer ou bien quand un jeune cherche un emploi, lui aussi, il va courir vers ce dernier et il sera escroqué. Ces thèmes qu’on traite, ont en commun les maux de notre société. Le cas des aides ménagères, souvent les femmes crient à l’émancipation, mais il se trouve que les jeunes filles qui sont à côté d’elles sont aussi des femmes même si ce sont des jeunes filles, ce sont des femmes. On les fait travailler, elles n’ont pas d’heures de travail fixes. Elles peuvent commencer à six heures du matin jusqu’à vingt-deux heures et plus. Elles n’ont pas de jour de repos. Quand on travaille sept jours sur sept à tout moment, on n’a pas de jour de repos, on devient esclave. Cela constitue l’esclavagisme moderne. Je crois que quand on crie à l’émancipation, on doit s’intéresser à toutes les couches, elles sont toutes des femmes, elles doivent avoir leur part dans cette émancipation.

Ce roman est-il alors la traduction des dégénérescences politiques, sociales, voire culturelles, de nos sociétés ?

Effectivement, j’ai juste fait un constat ; un constat dans notre société de 2013 à 2015. Dans cet espace, tout ce qui s’est passé m’a beaucoup interpelé. J’avais déjà un projet d’écriture, j’avais commencé un livre sur ce que je vivais, cela a réorienté mon écriture. Dès lors, je me suis dit que ce sont des thèmes qui nous interpellent tous. On doit les évoquer naturellement dans nos écrits, ce sont des choses qu’il faut dénoncer. En réalité, c’est ce qui m’a poussé à réorienter mon livre dans ce sens-là.

A quoi doivent s’attendre les lecteurs de la lecture d’un tel roman ?

La lecture d’abord, c’est l’essence de l’esprit. C’est ce qui le fertilise, ça éveille, ça permet de montrer notre réalité ; la réalité qui n’est pas fameuse, mais que nous sommes en train de vivre ici au Mali. Comme tous les livres, on peut découvrir certaines choses. Il n’est pas forcement dit qu’une personne va avoir la même appréhension que l’autre, il n’est pas aussi dit qu’une personne va découvrir la même chose que l’autre. Chacun à son niveau peut bien tirer profit de ce livre. Ne serait-ce que la découverte d’un seul mot inconnu, c’est très important. Je me focalise surtout sur les thèmes traités, ça peut apprendre beaucoup sur cette réalité que nous sommes en train de vivre actuellement.

Quel sera votre dernier mot ?

Je vous remercie beaucoup de vous être intéressé à mon livre. Je remercie aussi Innov Éditions pour tout ce qu’elle fait pour la littérature et surtout pour les jeunes auteurs. Je dirais aussi que la littérature n’est pas simplement théorique, elle a toujours été aux côtés de ceux qui sont oppressés, et que son but, quand il s’agit bien sûr d’une littérature engagée, c’est d’éveiller les consciences et cet éveil de conscience qui va nous permettre de vivre ce que nous voulons pour nous-mêmes, c’est-à-dire le développement humain, le développement sur tous les plans. Ce qui va contribuer à cela, nous avons vu que beaucoup de luttes qui sont passés, c’est grâce à cette littérature que les gens ont pris leur destin en main. J’espère que le Mali prendra son destin en main pour réaliser le souhait de tout un chacun.

Propos recueillis par Fousseni TOGOLA

Bakary Fomba, stagiaire

Source: Le Pays

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