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Opération Serval : piège pour la France et incapacité de l’armée malienne ?

Les nouvelles en provenance du Mali ne sont pas très bonnes pour l’armée malienne qui a dû battre en retraite le mercredi 21 mai face aux milices du MNLA qui souhaite une auto-détermination et un territoire autonome au nord du Mali.

operation serval force francaise

 

La défaite malienne montre de façon claire l’incapacité des armées africaines, mais surtout l’inefficacité des discours tenus par les Présidents africains face à la menace terroriste. Les Présidents africains ont des armées qui sont surtout des soldatesques pour les protéger eux et leurs familles. Les armées africaines sont incapables de se battre, elles ne disposent ni d’armements de dernière génération, ni de chefs militaires dotés d’une stratégie pointue et du sens du combat. On célèbre uniquement les jours des indépendances des armées inefficaces et on veut faire croire aux populations qu’elles sont outillées pour le combat alors que la réalité est différente. Il n’y a qu’à voir de façon malheureuse la déroute à Kidal de l’armée malienne face à des milices armées.

Aujourd’hui au Niger, il y a Boko Haram, au Mali il y a le MNLA qui revêt les habits de l’opposition quand elle doit négocier et devient une organisation terroriste quand elle doit faire subir sa loi aux armées maliennes inexistantes, non formées et dont les chefs ne sont pas très brillants sur le plan stratégique.

Après avoir aidé le Mali utile à retrouver une sérénité politique et institutionnelle à moyen terme grâce aux élections législatives et présidentielles, la France se trouve piégée à Kidal. Les affrontements dans cette ville obligent Paris à différer l’annonce de la fin de la mission Serval et à retarder la modification du redéploiement militaire français au Sahel.

Le Mali accuse Paris et la MINUSMA (Mission des Nations Unies au Mali) de ne pas avoir fait le nécessaire pour l’aider à faire reculer le MNLA. Paris répond que ce n’est pas dans ses prérogatives que de participer à la mise en place de l’ordre interne. Cette mission revient à l’armée malienne qui a montré son inefficacité, tant sur le terrain militaire, que sur l’approche stratégique d’une guerre asymétrique face à un adversaire qui peut changer de tactique.

Boko Haram n’est pas le MNLA qui a toujours été considéré par Paris comme un interlocuteur de référence dans le maelstrom malien. Le Mali refuse cette vision française, même s’il reconnait en François Hollande un véritable chef de guerre qui a aidé les Maliens à retrouver un peu de dignité. Le problème du MNLA est que ce mouvement n’a pas cessé ses liens avec des mouvements terroristes comme Ansar Din ou Aqmi (Al Qaïda Maghreb islamique). Paris se trouve donc dans l’impossibilité de demander à la force Serval de quitter les lieux au risque d’affaiblir de façon durable le Président malien Ibrahim Boubacar Keita et son nouveau gouvernement piloté par le Premier Ministre Moussa Mara.

Selon les indiscrétions, la France compte changer de stratégie militaire en établissant une brigade « Sahel » formée de 3000 hommes. C’est une force mobile dont les 3000 hommes seront répartis au gré des besoins de la lutte anti-terroriste entre la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad. Djamena, capitale du Tchad, serait le point focal et de commandement de cette force de 3000 hommes. La capitale Djamena a été choisie par Paris pour des raisons stratégiques. C’est la ville où stationnent des avions de chasse français, Rafales et autres, couvrant la région. Au Niger on trouve aussi des drones français. On est là en face d’une vaste réorganisation de l’ensemble des forces françaises en Afrique.

Le Mali est la marque de fabrique démocratico-militaire de Paris et de Hollande. L’intervention s’est faite sur la demande des autorités maliennes, ce que Paris traduit comme étant une nouvelle ère des relations militaires entre l’Afrique et ses anciennes colonies. Si on y regarde de près, le fond n’a pas changé, la Françafrique demeure, la diplomatie des réseaux et des relations secrètes est à l’ordre du jour ; ce qui change c’est la forme et la présentation de ces relations.

Le départ de Serval à long terme du Mali se traduira néanmoins par une présence permanente de 1000 soldats français pour un temps indéterminé. Il se dit aussi que la force française de commandement au Mali va quitter Bamako pour aller à Gao, tout en conservant un point d’appui à Tessalit, non loin de la frontière malienne avec l’Algérie.

Pour l’Algérie la création d’un Etat touareg sur ses frontières sud, piloté ou non par le MNLA, est un casus belli et une situation inacceptable pour ce pays. Le Mali et son Président souhaitent regarder du côté de l’Algérie car ils estiment que leur ami français et la communauté internationale ne leur apportent pas le soutien logistique indispensable pour vaincre le MNLA.

La diplomatie algérienne envers Bamako n’est pas toujours très lisible car l’Algérie est en compétition avec le Maroc concernant le dossier du Front Polisario. Le Maroc vient de tisser des relations importantes avec le Mali et il se dit que le Président Ibrahim Boubacar Keita souhaite demander aussi l’aide du Maroc. Nous sommes dans un dossier complexe, « piègeux » pour Paris qui doit gérer ses relations toujours empruntes de méfiance avec Alger et montrer au Mali qu’il reste un partenaire militaire, politique et diplomatique incontournable dans la gestion de la crise malienne. Paris souhaite que le MNLA participe à la négociation politique concernant le territoire malien, ce que refusent les autorités maliennes et surtout son Président IBK qui estime non négociable l’unité du territoire malien.

Malheureusement, les faits militaires et politiques sont têtus dans cette crise malienne, nous voici revenus à la case départ. Il reste à Paris, le parrain de la libération, de trouver des solutions originales pour éviter une nouvelle guerre au Mali et le statu quo des positions car, sur le gouvernorat à Kidal, c’est le drapeau du MNLA qui flotte et non le drapeau malien.

Lucien PAMBOU
Professeur de Sciences Politiques et Economiques
Editorialiste à Africa 24
Auteur de « La mondialisation, une chance pour l’Afrique ? » L’Harmattan, mai 2014

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