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Odon Vallet: «Les relations du pape avec la curie ne sont pas bonnes»

Mercredi 24 décembre, le pape François, au cours de la traditionnelle messe de minuit a exhorté les chrétiens à montrer tendresse et douleurs face aux situations les plus dures, évocation directe au sort des chrétiens d’Irak. Il l’a redit ce jeudi, dans son message «urbi et orbi». Odon Vallet, historien des religions, revient sur les positions de ce « pape très populaire à l’extérieur de l’Eglise », mais « probablement en minorité » à l’intérieur de son gouvernement.

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Le pape François a téléphoné à des réfugiés irakiens, et il y a deux jours, il a publié une lettre dans laquelle il exhorte les chrétiens d’Orient à la persévérance et au dialogue interreligieux. Il s’agit d’un pape qui s’implique énormément dans ce conflit ?

Oui. Jean-Paul II s’était beaucoup soucié des chrétiens du Proche-Orient. Le Pape François également, car, malgré tous ses efforts et tous les efforts de la communauté internationale,les minorités religieuses, qu’il s’agisse des chrétiens, ou des yézidis, sont en grande difficulté, sont carrément persécutés. Je pense que ce message sera allé droit au cœur des habitants d’Irak, mais aussi de Syrie. Le pape François manifeste à Noël beaucoup de compassion pour certains pays, également pour les pays africains avec le Nigeria et la Libye à cause des problèmes de terrorisme (ou encore) avec les pays touchés par la fièvre Ebola. Il a manifesté beaucoup de miséricorde pour différentes catégories de personnes touchées par la maladie ou la violence.

Plus globalement, on l’a vu lors de ces derniers déplacements, en Turquie et en Israël, le pape François est très attaché et au dialogue interreligieux, à l’œcuménisme, en renouant le dialogue avec les orthodoxes. Quelle en est la raison?

Le pape François a toujours été ouvert à l’œcuménisme et au dialogue intereligieux. Quand il était archevêque de Buenos Aires, il avait de bonnes relations avec la communauté juive d’Argentine, qui est la quatrième du monde, mais également avec les musulmans. Et même avec les chrétiens évangéliques, qui sont pourtant les grands rivaux, les ponts ne sont coupés. C’est incontestablement un homme de dialogue.

Le rapport de force avec les églises évangéliques est un des défis auxquels il va être confronté ?

C’est tout à fait vrai pour l’Amérique latine, et peut-être plus encore pour l’Afrique. En n’oubliant pas que les églises protestantes historiques sont également très menacées par cette expansion des églises évangéliques. C’est extrêmement difficile, parce que certaines églises rebaptisent et ne reconnaissent pas le baptême dans les autres églises catholiques ou protestantes historiques. Le pape François ne renonce pas au dialogue.

Donner des postes à des laïcs au sein de la curie ou à des sœurs, cela participe-t-il à cette volonté de simplicité dont vous parliez, d’être plus proche des fidèles ?

Le pape envisageait de confier quelques secrétariats à des laïcs, peut-être des couples de laïcs, donc des femmes aussi, et cela n’enthousiasme probablement pas certains membres de la curie. Malheureusement, ses relations avec la curie ne sont pas bonnes. Lundi dernier, en prononçant les vœux, il a eu des paroles très dures à l’égard de ses membres de la curie. Autant il est populaire dans le monde entier, autant à l’intérieur du gouvernement de l’Eglise, il est probablement en minorité. Ajoutons à cela qu’il est fatigué. On l’a vu durant la messe de minuit, il était essoufflé, il avait des problèmes pour marcher. À certains moments, on a même cru qu’il allait perdre l’équilibre, et son maître de cérémonie ne le quittait pas d’une semelle de peur qu’il fasse un faux pas. C’est un homme qui travaille énormément, mais qui est très fatigué.

Cette fatigue vous inquiète-t-elle ?

Certains jouent la montre et se disent : « on va avoir un pontificat bref ». Or il est engagé dans des réformes très compliquées. Il a besoin quand même d’un peu de temps, d’abord pour nommer de nouveaux évêques et de nouveaux cardinaux et ensuite pour mener à bien les réformes pour lesquelles il a été élu. D’ailleurs, il commence à faire quelques pas en arrière en matière de morale sexuelle notamment sur l’interruption de grossesse, sur la pilule, etc. Il sent bien qu’il ne faut pas multiplier les oppositions. Le contraste est énorme entre la popularité de ce pape dans le monde entier, et en même temps les difficultés qu’il peut avoir avec certains. Avec les évêques parfois italiens, parfois africains, parfois américains, les relations ne sont pas simples. Ça va être sans doute le gros problème de l’année 2015 puisqu’il va y avoir un synode sur la famille en octobre 2015.

Et beaucoup de déplacements à l’étranger. Vous évoquiez les réformes qui attendent le pape François, l’Eglise anglicane a nommé la semaine dernière sa première femme évêque. L’Eglise catholique n’est-elle pas, selon vous, en retard d’un train, en montrant une attitude rigide, ne serait-ce que face à l’ordination des femmes ou au célibat des prêtres?

Les catholiques sont divisés sur ce sujet, mais pour qu’il y ait des femmes prêtres, il faudra au moins attendre un Jean-Paul III, un Benoît XVII ou un François II. Cela n’est certainement pas pour les proches années à venir.

Cela ne peut pas être l’œuvre de François ?

Non, parce qu’il y aurait immédiatement un schisme dans l’Eglise. On serait dans la même situation qu’au XVIe siècle avec le schisme de Luther. Et ça, le Pape, ministre de l’Unité – et spécialement le pape François -, ne le veut à aucun prix.

Odon Vallet est notamment coauteur avec Georges Million de Dieu et les religions en 101 questions-réponses, aux éditions Albin Michel

Source: rfi.fr

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