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NOUVELLE LOI ÉLECTORALE : Les 92 coups du CNT au Premier ministre Choguel Kokalla Maïga

C’est une nouvelle étape amère dans les relations entre l’exécutif et l’organe législatif de la transition qu’est le CNT. En procédant à un toilettage à fond du projet de loi électorale soumis par le gouvernement, le Conseil national de la transition renvoie le Premier ministre dans les cordes. Le M5-RFP, ou du moins ce qu’il en reste, s’est porté au secours de son président du comité stratégique, et demande à Assimi de ne pas signer le décret de promulgation de la loi adoptée.

Le vote par 115 voix du projet de loi électorale vendre di dernier par le Conseil national de la transition après amendements a créé au sein de la classe politique une situation de malaise, notamment dans les camps des soutiens
du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga qui voient désormais le CNT comme une force d’opposition au gouvernement.
Déjà, avant l’examen en plénière, la tension était perceptible. Des informations faisaient état la veille que plusieurs conseillers du CNT avaient fait leur religion en estimant que le projet de loi du gouvernement donne trop de pouvoirs au seul Premier ministre, notamment quant à la désignation des membres du collège de désignation de l’organe exécutif de l’autorité indépendante de gestion des élections.

Mécontent, le gouvernement a tenté de retirer son projet via le ministre envoyé par le Premier ministre devant le CNT pour défendre le projet. Certains
conseillers se sont chamaillés avec le ministre avant de s’opposer à tout retrait du projet. Ils y ont apporté pas moins de 92 amendements au document qui compte 98 pages, soit un amendement par page. C’est un énorme camouflet pour le gouvernement, notamment le Premier ministre.

Ainsi, le CNT a complètement changé le texte en y apportant 92 amendements, notamment la réduction à 1 membre désigné par le Premier ministre dans le collège de désignation de l’organe exécutif de l’autorité indépendante de gestion des élections, alors qu’il voulait 4 sur 7. Ignorés dans le projet de loi, les partis politiques et la société civile seront finalement représentés dans le nouvel organe unique de gestion des élections. Enfin, le nouveau texte replace le ministère de l’Administration territoriale au cœur du jeu.

Nouhoum Sarr, un Conseiller virulent que certains ont appelé « Terminator », a déclaré à la fin des travaux que « la refondation a commencé, elle se fera contre vents et marées. Certains voulaient organiser les élections à Bacodjikoroni et proclamer les résultats à… C’est terminé, nous l’avons arrêté. La loi électorale pour un clan a été toilettée. »
D’autres conseillers ont fait des déclarations allant dans le même sens. Ce qui a fait réagir le M5-RFP qui a publié un mémorandum le lendemain
s’étonnant du fait que certains membres du CNT se comportent comme des opposants politiques.
Dans un très long texte signé par le vice-président du Comité stratégique, le M5-RFP, regrettant que « dans une démarche résolue de recherche du plus large consensus national autour du processus de réformes globales notamment électorales, une multitude de rencontres et de concertations avec les acteurs politiques et de la société civile ont eu lieu, de juin à novembre 2021, sous la conduite du Premier ministre ou des trois ministres du Triumvirat (MRECRI, MATD, MDRPI) et

par la suite sous le leadership
du Président de la Transition, et
même des Organes des ANR
mis en place en octobre 2021 ».
Il dénonce donc « la personnalisation du débat centré sur la
personne du Premier ministre
; des propos qui divisent les
Maliens tels que la prétention
de faire dire à la loi que l’Etat
méprise ses propres fonctionnaires notamment ceux de
l’administration territoriale ; des
propos et comportements mé-
prisants à l’égard des hautes
personnalités de l’Etat consistant à leur priver de parole en
violation du règlement intérieur
du CNT (articles 59 et 60) ; le
refus de discuter des questions
préjudicielles en toute violation
du règlement intérieur du CNT
; le refus catégorique d’appliquer les recommandations des
ANR et pourtant qui font partie
intégrante de la charte révisée
de la transition ; le comportement d’opposant de certains
membres du CNT à l’exécutif
de la transition.
Ce qui ressort des propos tels
que : la transition n’est pas une
‘‘période d’essai’’ ; les accointances entre des membres du
CNT et les forces hostiles à la
transition et au changement
pour faire échec à la Refondation ; la tentative de créer de
façon artificielle une crise institutionnelle au sein de la transition qui pourrait avoir pour
conséquence le maintien des
sanctions de la CEDEAO. »
Pour le M5-RFP, le projet de loi
issu du Conseil des ministres
induit une refonte du système
électoral et introduit des innovations majeures, à savoir. Le document énumère ainsi la création de l’Autorité Indépendante
de Gestion des Elections (AIGE)
chargée de l’organisation, de
la gestion et de la sécurité de
toutes les opérations électorales et référendaires ; le recrutement par appel à candidature
de ses membres, astreintes à
la prestation de serment « selon leur croyance » ; la fixation
des circonscriptions électorales
pour les élections législatives, à
savoir la Région et le District de
Bamako pour le territoire natio

nal et les zones géographiques
déterminées pour la diaspora,
en collaboration avec le Ministère des Affaires étrangères et
celui chargé des Maliens établis
à l’extérieur ; l’introduction, à
côté du parrainage des élus, du
parrainage citoyen à travers la
signature d’électeurs représentant au moins 0,3% des électeurs ;l’introduction du bulletin
de vote unique ; l’affirmation du
principe du vote électronique,
sous réserve de l’adoption d’une
loi spécifique ; le plafonnement
et au contrôle des dépenses de
campagne électorale ; la publication des résultats par bureau
de vote ; la transmission électronique des procès-verbaux de
dépouillement ; l’encadrement
et au renforcement de l’observation électorale ; le scrutin de
liste à la représentation proportionnelle sans panache ni
vote préférentiel comme mode
de désignation des députés à
l’Assemblée nationale ; l’encadrement et le renforcement de
l’observation électorale.
« De tout ce qui précède, le M5-
RFP est fondé à croire que la
dénaturation profonde du pro

jet de loi par le CNT entre dans
une vaste stratégie globale et
multiforme de déstabilisation
de la Transition en collaboration avec certaines forces hostiles au changement et à l’idée
même du Mali Koura ; lesquelles forces qui se sont d’ailleurs précipitées pour saluer en
cœur l’adoption de la loi électorale profondément amendée
par le CNT », poursuit le document qui cite des griefs contre
les amendements du CNT sur
le projet de loi électorale.
À l’analyse, les propositions
d’amendements sont de nature
à remettre en cause la vision
de la réforme du système électoral, notamment le statut et la
nature juridique de l’AIGE, qui
ne serait finalement ni un organe unique, ni indépendant, ni
autonome et impartial.
Ainsi, entre autres griefs, «
nous relevons ceux qui suivent
: l’affectation au MATD de certaines missions importantes de
l’AIGE relative à la préparation
technique et matérielle de l’ensemble des opérations référendaires et électorales ainsi que
toutes les missions de la DGE
; l’atteinte à l’unicité et à l’indé

pendance de l’AIGE, par l’intro

duction du MATD à travers un
article 5 nouveau dans les attri

butions de l’AIGE, qui vient en
totale contradiction avec l’article
1er du projet de loi et la création
de l’AIGE.
Et au lieu d’un organe unique
indépendant de gestion des
élections, l’amendement instaure la gestion des élections
par deux structures : le MATD
et l’AIGE. Il s’agit là d’une vé-
ritable remise en cause de la
vision de la Transition pourtant
actée par le CNT dans le PAG,
puis dans la Charte révisée
qui y introduit comme nouvelle
mission de ladite Transition la
mise en œuvre des recomman

dations des ANR qui ont rete

nu la mise en place de l’AIGE,
autant que les conclusions de
la Table-ronde, et de l’Atelier
d’échanges sur la loi électo

rale, et même celles du DNI ;
le format hybride de l’AIGE par
le maintien de la commission
administrative de révision des
listes électorales, ainsi que la
suppression de l’appel à candidature dénaturent totalement
l’organe.
L’AIGE est un Organe à composition technique et non politique. La désignation des
membres par les partis politiques, les corporations socio

professionnelles, les institutions
et la société civile est contraire
aux recommandations des ANR
et compromet son indépendance et son impartialité. L’augmentation du nombre de 9 à 15
membres induit des charges
financières non nécessaires
pour l’Etat.
La suppression de la mention
« selon ses croyances » dans
la formule de prestation de serment des membres de l’AIGE
est une demande forte de la
Table-ronde et les ANR. Cette mention ne met pas en cause le
principe de la laïcité ; Le remplacement de l’expression « Juridiction de l’Ambassade » par
celle de « l’Ambassade » est
inapproprié car l’expression «
Juridiction de l’ambassade » recouvre le siège de l’Ambassade
et tous les pays couverts au lieu
du seul pays de son siège. Ex.
: L’Ambassade du Mali au Ghana à Accra couvre le Ghana,
le Togo et le Bénin ; Les partis
politiques ne sont pas exclus
comme le donne à penser les
amendements du CNT.
Il est prévu dans l’AIGE un cadre
de concertation avec les partis.
De plus, ils sont représentés
dans tous les bureaux de vote
et les commissions d’établissement et de révision des listes.
Du reste, on se demande, en
période de Transition où il n’y
a ni majorité ni opposition politique, selon quels critères 4 représentants seront choisis pour
siéger à l’AIGE pour plus de
260 partis politiques, à moins
de vouloir créer les conditions
d’une crise entre le pouvoir de
Transition et la classe politique.
La remise en cause de la moralisation des candidatures, à
travers la suppression de l’introduction de nouvelles pièces
à fournir lors de la déclaration
de candidature à l’AIGE. La
suppression du vote électronique (proposé seulement en
option), alors qu’avec l’évolution technologique, c’est une
opportunité à mieux étudier et
approfondir.
La suppression de l’AIGE en
faveur du représentant de
l’Etat comme autorité de signature des procurations aux
électeurs, alors que cet état
de fait est caractéristique des
faiblesses dans la délivrance
irrégulière des procurations ; la
suppression du plafonnement
des dépenses des campagnes
électorales, contrairement à
la nécessité de moralisation
des campagnes qui est une
demande forte des partis politiques eux-mêmes lors des
Table-ronde, Atelier et ANR
; la suppression du parrainage citoyen des candidatures
contre le maintien du seul parrainage des élus, alors que les
deux pouvaient être maintenus
comme possibilités d’options.
Cette mesure avait pour objectif
de réduire la mainmise des partis politiques sur les candidatures et l’achat des parrainages
d’élus.
La subordination de la repré-
sentation des Maliens établis
à l’extérieur au niveau de l’Assemblée nationale à la réforme
constitutionnelle, alors que rien
ne l’interdit (Article 11 de la
Constitution) et que cela constitue une demande forte des
Maliens établis à l’extérieur, acteurs majeurs du changement
intervenue le 18 août 2020, demande qui est actée dans les
conclusions et recommandations des différents foras (DNI,
Table-ronde, Atelier et ANR).
En conclusion, selon le M5-
Rfp, les péripéties du processus d’adoption du projet de loi
électorale appellent certaines
observations majeures de la
part des amis du Premier ministre pour qui visiblement les
membres du CNT s’étaient
inscrits dans une logique de
crise entre les Institutions de la
Transition, notamment avec le
Gouvernement voire l’Exécutif,
et ce, en privant ou en coupant
la parole aux Ministres, en les
rabrouant en méconnaissance
totale de la courtoisie institutionnelle due à leur rang et en
violation du Règlement intérieur
de CNT ; ce qui amène à poser
des questions quant à la bonne
foi des uns et des autres pour
la véritable réussite de la Transition et estiment que la retransmission en direct sur les mé-
dias nationaux était à dessein
avec l’intention de faire sensation avec 92 amendements
transmis au Ministre porteur du
dossier en fin de journée du 15
juin 2022, alors qu’habituellement, ce sont les plénières portant sur les questions d’actualité, les questions orales et les
interpellations qui font l’objet de
retransmission en direct.
Et pour finir, ils estiment que la
CEDEAO, devant le reste de
la Communauté internationale,
pourrait prendre prétexte du
projet de loi amendé pour relever le caractère « malicieux
» du régime de Transition en
l’accusant d’avoir perdu une
année à tenir une Table-ronde,
un Atelier et des ANR, pour finalement parvenir à « des ré-
formettes », dans le seul but de
gagner du temps, de proroger
la Transition, de faire organiser
les élections à titre principal par
« le Ministre de l’Administration territoriale, Colonel de son
état, non moins porte-parole du
Gouvernement, qui égrène des
communiqués contre la CEDEAO et le reste de la Communauté internationale ». Mieux, «
la CEDEAO pourrait ‘légitimement’ relever la ‘mauvaise foi
des Autorités de Transition’ et
maintenir les sanctions en toute
‘légitimité’ ».
Voilà pourquoi, le Comité stratégique du M5-RFP veut accé-
lérer la reconstitution du CNT
avec l’entrée des représentants
du M5-RFP et d’autres composantes des Forces vives véritablement acquises au changement, et suggère au président
de la Transition de ne pas promulguer la loi amendée et adoptée par le CNT en l’état et la
renvoyer pour une seconde lecture, afin de prendre en compte
les véritables exigences du
Peuple malien issues des Assises Nationales de la Refondation pour poser les fondements
solides du Mali Koura.
Cette nouvelle crise naissante
démontre, s’il en est encore
besoin, l’arrogance du gouvernement qui n’a pas jugé bon
et utile de mener en amont de
l’examen du projet de loi par le
CNT, des négociations pour arrondir les angles, rassurer les
uns et les autres sur l’esprit du
document comme cela se doit
dans un système de séparation
des pouvoirs.
Selon nos informations, le Mé-
diateur de la CEDEAO n’attend
que la promulgation de la nouvelle loi électorale, pour apporter rapidement un nouveau
rapport auprès des chefs d’Etat
avant le 03 juillet. Mais, il y a
le risque que le document soit
renvoyé pour une deuxième
lecture devant l’organe législatif
pour éviter une crise ouverte.

Sinon, au regard du braquage du gouvernement et du CNT, si le président de la transition, le colonel Assimi Goïta, promulgue la loi avec les différents amendements apportés, cela constitue un désaveu pour le gouvernement avec en tête le Premier ministre qui en sortirait très affaibli.

Diamberé Séga

Source : Sud Hebdo

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