Après le gouvernement de transition, les cours constitutionnelle et suprême, le Haut conseil des collectivités territoriales (HCC) et le Conseil économique, social et culturel (Cesc) qui ont été briefés par la Commission de rédaction de la nouvelle constitution sur les innovations contenues dans l’avant-projet de constitution. C’était hier, mercredi 19 octobre 2022.
Dans le processus de l’élaboration de l’avant-projet de la nouvelle constitution, les membres de la Crnc sont allés à la rencontre des forces vives de la nation maliennes afin de recueillir leurs avis. Après la remise du document au président de la transition, l’équipe de Fousseyni Samaké a entamé la mission de restitution de l’avant-projet aux institutions et aux forces vives de la nation.
C’est dans ce cadre qu’après, le gouvernement, les cours constitutionnelle et suprême, la CRNC a fait la restitution à deux autres institutions : le Haut conseil des collectivités territoriales et le Conseil économique, social et culturel.
A l’entame de ses propos, le magistrat Wafi Ougadeye est revenu sur le propos de l’élaboration de cet avant-projet de nouvelle constitution. « Nous avons travaillé pendant un peu plus de 2 mois pour, en ce qui concerne la phase préparatoire, recueillir les avis, les propositions de l’ensemble des personnes qui étaient dans le décret de la commission », a-t-il déclaré, avant de d’insister sur l’inclusivité dans laquelle le travail a été fait.
Au cours de la présentation, le rapport général de la commission a précisé que l’avant-projet contient 195 articles contre 122 pour la constitution en vigueur.
M. Ougadeye a saisi cette occasion pour expliquer aux représentants de la Cour constitutionnelle et de la Cour suprême les principales innovations contenues dans l’avant-projet.
Parmi les innovations, celles portant sur les institutions sont nombreuses et attirent l’attention des Maliens. Selon les explications de la Commission de rédaction de ma nouvelle constitution, il y a eu un recentrage de l’exécutif autour du président de la République. « Au lieu du Premier ministre, c’est le président de la République qui détermine la politique de la nation, car c’est lui qui est élu au suffrage universel », précise Wafi Ougadeye qui ajoute que « le président nomme et met fin aux fonctions de son Premier ministre quand il le juge nécessaire ». C’est donc la fin des simulacres de démission des Premiers ministres à ce niveau.
Au niveau des institutions, la Haute cour de justice et le Haut conseil des collectivités territoriales ont été supprimés tandis que le Conseil social, économique et culturel devient « Conseil social, économique, culturel et environnemental ». Une nouvelle institution a été créée. Il s’agit de la Cour des comptes. Et c’est à cette Cour que les membres du gouvernement sont tenus de déclarer leurs biens.
Au niveau de l’organe législatif, il y a une innovation majeure selon Wafi Ougadeye. Il devient un parlement composé deux chambres : l’Assemblée nationale et le Haut conseil de la Nation.
Une innovation majeure, c’est la possibilité de destitution de certaines hautes personnalités du pays dont le président de la République et les présidents des deux chambres du parlement. Une autre innovation, pas des moindres, c’est la limitation du nombre de mandat du Président de manière irrévocable.
Concernant les élections, Wafi Ougadeye a indiqué que la Cour constitutionnelle ne proclame plus que les résultats des élections présidentielles et du référendum. « Elle ne proclame donc pas les résultats définitifs des députés. Elle gère les questions de recours. Et s’il y a problème, l’annulation des résultats concerne l’endroit où il y a problème », a-t-il laissé entendre.
Au nom du Conseil économique social et culturel, Amadou Sanoussi Daffé a salué les membres de la Commission qui ont donné, selon lui, la primauté à l’inclusivité. « En recevant solennellement l’avant-projet de la Constitution, le Conseil économique, social et culturel rassure que ledit document fera l’objet d’une analyse approfondie et que ses observations dans les plus brefs délais seront transmises à qui de droit, en vue de l’élaboration du projet de constitution », a-t-il déclaré.
Pour sa part, Mamadou Satigui Diakité du Haut conseil des collectivités territoriales a salué les autorités pour avoir réussi à relever le défi de la rédaction d’une nouvelle Constitution dans un contexte très difficile, marqué par une profonde crise socio-politique, institutionnelle et sécuritaire sur le terrain. Aussi, a-t-il rendu hommage aux membres de la commission pour la démarche inclusive adoptée. « L’avant-projet comporte d’importantes innovations que nous partageons. Cependant, il est de notoriété publique qu’aucune œuvre humaine n’est parfaite. C’est pourquoi, nous ferons des observations et suggestions le plutôt possible en vue d’en améliorer le contenu », a laissé entendre M. Diakité.
Sur la suppression des deux institutions
Dans son intervention, Boubacar Sow, membre de la commission, a donné d’amples explications sur la suppression de ces deux institutions. « Pour le Haut conseil des collectivités, il y a lieu de comprendre que dans une Constitution il est difficile d’envisager deux institutions de la République représentatives des collectivités territoriales. Le Haut conseil des collectivités a été conçu dans la foulée de la Conférence nationale pour prendre en charge essentiellement le volet décentralisation qui était mis en exergue par ladite conférence. A un certain moment, les réflexions avaient débouché sur l’idée d’une transformation du Haut conseil des collectivités en Sénat », explique-t-il, avant d’ajouter : « Aujourd’hui, avec la relecture de la Constitution, c’est en fait une institution qui s’apparente au Haut conseil des collectivités territoriales parce que le Haut conseil de la Nation est constitué à ¾ des membres qui représentent les collectivités territoriales. En ce moment, il est difficile d’envisager une autre institution représentative des collectivités alors que le Haut conseil de la Nation est composé de ¾ d’élus des collectivités territoriales ».
A l’en croire, les légitimités traditionnels (chefs de village, coutumiers) vont siéger avec les conseillers de la Nation. « Ce Haut conseil a un pouvoir qui englobe celui de l’actuel Haut conseil des collectivités et va au-delà parce que le vote des lois passe nécessairement par eux et dispose même d’un pouvoir d’initier une procédure de destitution du chef de l’État », dit-il. Aussi, Boubacar Sow a ajouté : « Il est important qu’on comprenne que ce n’est pas seulement par un coup de tête qu’on veut supprimer le Haut conseil des collectivités, mais il y a une logique de représentativité des collectivités qui est réglé dans le Haut conseil de la Nation qui serait double si on maintenait le Haut conseil des collectivités en tant qu’institution de l’État ».
Boureima Guindo