Le gouvernement Boubou Cissé est enfin connu. C’est un dosage de 38 membres, dont le Premier ministre. On y compte 35 ministères pleins, un ministère délégué celui de l’Économie et des finances, chargé du Budget, et 2 secrétaires d’État auprès de deux ministères.
L’équipe compte 23 politiciens, 13 ministres issus de la société civile et 2 des forces armées et de sécurité. En outre, il y a 9 dames et 29 messieurs, 13 jeunes et 26 moins jeunes… Au lendemain de la composition de la nouvelle équipe, faisons le point. Qui a eu quoi ? Qui a gagné ? Qui a perdu ?
I-Ceux qui ont gagné
1°) IBK:
Il a réussi à dissoudre, pardon à diviser l’opposition dans ses contradictions alimentaires en débauchant les principaux alliés (citer les 4), en tout cas, collaborateur du chef de file. Tiébilé, Dircamp lors de la dernière présidentielle, tout un symbole. Parce que le Dircamp est/ou doit être un homme de confiance et de fidélité. En ramenant Tiébilé dans la majorité, c’est un coup dur pour le FSD et son président.
Ensuite, Tiébilé Dramé, tout comme le jeune Thiam, était parmi les principaux animateurs de l’opposition et les plus virulents pourfendeurs du régime. Donc, en s’offrant leurs services, IBK paie une belle tranquillité en termes d’agitations et de critiques incessantes. Nul doute que le Parena mettra un bémol à sa propension à produire un mémorandum sur tout et rien désormais.
Occupé désormais à reconstruire une diplomatie en champ de friches, Tibilé Dramé aura du pain sur la planche parce qu’obligé d’avoir des résultats et bien plus, à défendre l’image du Mali qu’il a contribué à laminer, ces 6 dernières années.
Thiam, quant à lui, il prend une belle revanche sur son ex-mentor de milliardaire, et aura désormais à défendre un projet qu’il a qualifié hier d’indéfendable et d’inopportun.
Enfin, en accueillant, à bras ouverts, ses opposants les plus coriaces et les plus acerbes, IBK lance un avertissement, sans frais, à sa majorité, notamment à son parti, le RPM, notamment après l’épisode de la motion de censure. Comme pour paraphraser Chirac, il avertit : « je suis le chef, je décidé, vous me suivez. Pas l’inverse. Sinon, d’autres sont toujours prêts à faire le job, pardon à occuper les places à votre place ».
2°) Boubou Cissé
Coup d’essai, coup magistral pour un novice en politique, bien conseillé certainement. En proposant un accord de gouvernance, Boubou a réussi à faire perdre patience et piéger Soumi qui a finalement renoncé aux ambitions ministérielles de son parti et à le délester de ses principaux soutiens, pour ne pas dire lieutenants (Tiébilé et Dicko notamment).
D’autre part, il a réussi à sauvegarder son pré-carré en gardant pour lui l’Economie et les finances et en nommant sa ségal comme ministre délégué, une première dans l’histoire institutionnelle du Mali.
Enfin, le soutien affirmé de l’ensemble de l’establishment politique et de la société civile, à travers la signature de cet accord lui ouvre une perspective d’apaisement ; à condition que l’équipe soit mise au travail vite fait et bien pour prendre en charge les urgences qui ont eu raison de son prédécesseur.
3°) ASMA :
De 2 il passe à trois ministres dans le nouveau gouvernement (Wagué, Boiré, Berté) sans compter l’honorable Amadou Thiam et le Dr DIAKITE Aïssata Kassa TRAORE qu’on soupçonne d’être de l’ASMA pour la seconde ou de rallier ASMA pour le premier après son expulsion de l’ADP-Maliba. Donc, d’un député, il y a 15 mois, SBM a aujourd’hui plus d’une vingtaine de députés, et le parti a renforcé son implantation stratégique durant la primature de son président dans l’appareil d’État. Avec 3-4 portefeuilles, l’ASMA talonne l’ADEMA qui reste toujours un monstre sacré de la gestion d’État au Mali.
4°) ADEMA :
Le départ de son président (affaire de Dioura, sa mauvaise prestation face à Dr Mariko lors de son interpellation) a été un coup dur pour le parti de l’abeille. Mais le parti reste solidement implanté dans le gouvernement avec 4 bons portefeuilles (cités). Toutes choses qui assurent à l’ADEMA une permanence institutionnelle synonyme de présence sur le terrain et de vivier pour ses cadres.
5°) Les jeunes
Pour un mandat consacré à la jeunesse, c’est un bon début.
À proprement parler, les jeunes (ceux qui ont 18-35 ans) il n’y a que deux jeunes dans le gouvernement de Boubou Cissé :
-Mme Kamissa CAMARA, ministre de l’Économie numérique et de la Prospective :
-Amadou THIAM, ministre chargé des Réformes institutionnelles et des Relations avec la Société civile.
Mais à côté des grands-pères, pardon des ministres qui portent à merveille leurs 60-70 saisons des pluies, on peut considérer que tous ceux qui ont moins de 50 ans sont jeunes et arrondir le nombre à une bonne douzaine, soit environ 30-35%. On peut mettre dans ce lot :
1. Dr Boubou CISSE, Premier ministre, Chef du Gouvernement, ministre de l’Économie et des Finances,
2. Malick COULIBALY, ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux,
3. Général de Division Ibrahim Dahirou DEMBELE, ministre de la Défense et des anciens Combattants,
4. Général de Division Salif TRAORE, ministre de la Sécurité et de la Protection civile,
5. Mme N’DIAYE Ramatoulaye DIALLO, ministre de la Culture,
6. Mme Kamissa CAMARA, ministre de l’Économie numérique et de la Prospective,
7. Mme Safia BOLY, ministre de la Promotion de l’Investissement privé, des Petites et Moyennes Entreprises et de l’Entreprenariat national,
8. Amadou THIAM, ministre chargé des Réformes institutionnelles et des Relations avec la Société civile,
9. Amadou KOITA, ministre des Maliens de l’Extérieur,
10. Thierno Amadou Omar Hass DIALLO, ministre des Affaires religieuses et du Culte,
11. Arouna Modibo TOURE, ministre de la Jeunesse et des Sports,
12. Housseini Amion GUINDO, ministre de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable,
13. Moussa Boubacar BAH, Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale, chargé de la Promotion et de l’Intégration de l’Enseignement bilingue.
En tout cas, c’est sous IBK qu’on a vu autant de jeunes (de moins de 50 ans) occuper de hautes responsabilités ministérielles au Mali. Même, s’il faut s’entendre sur qui est jeune, qui ne l’est pas.
5°) La société civile
Elle est honorablement représentée dans le gouvernement. 13 des 39 ministres sont considérés comme étant de la société civile pour n’être d’aucun parti politique et n’avoir d’aucune accointance avérée avec un parti politique. Ce qui constitue environ le tiers de l’équipe et consolide sa position au sein de celle-ci. Sont dans cette catégorie :
1. Premier ministre, Chef du Gouvernement, ministre de l’Économie et des Finances : Dr Boubou CISSE ;
2. Ministre de la Santé et des Affaires sociales : Michel Hamala SIDIBE
3. Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux : Malick COULIBALY ;
4. Ministre des Infrastructures et de l’Equipement : Mme TRAORE Seynabou DIOP ;
5. Ministre des Mines et du Pétrole : Mme LELENTA Hawa Baba BAH ;
6. Ministre de l’Économie numérique et de la Prospective : Mme Kamissa CAMARA ;
7. Ministre de la Promotion de l’Investissement privé, des Petites et Moyennes Entreprises et de l’Entreprenariat national : Mme Safia BOLY ;
8. Ministre des Affaires religieuses et du Culte : Thierno Amadou Omar Hass DIALLO ;
9. Ministre de l’Artisanat et du Tourisme : Mme Nina WALET INTALLOU ;
10. Ministre de l’Habitat, de l’Urbanisme et du Logement social : Hama Ould Sidi Mohamed ARBI ;
11. Ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle : Maître Jean Claude SIDIBE ;
12. Ministre délégué auprès du Premier ministre, Chef du Gouvernement, ministre de l’Économie et des Finances, chargé du Budget : Mme BARRY Aoua SYLLA ;
13. Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Éducation nationale, chargé de la Promotion et de l’Intégration de l’Enseignement bilingue : Moussa Boubacar BAH.
6°) A titre individuel
Ces ministres sont montés en grade dans le nouveau gouvernement en obtenant un portefeuille plus réconfortant. Ce sont
-Yaya Sangaré de l’ADEMA, précédemment ministre des Maliens de l’extérieur, qui devient surper-ministre de la Communication, chargé des Relations avec les Institutions, Porte-parole du Gouvernement ;
-Mme Safia BOLY qui était chargée de la Réforme de l’administration et de la transparence de la vie publique, est désormais soulagé du poids des réformes polémiques. Elle s’occupe désormais de la Promotion de l’Investissement privé, des Petites et Moyennes Entreprises et de l’Entrepreneuriat national ;
-Moulaye Ahmed BOUBACAR, qui précédemment était ministre des Investissements dans un pays où il n’y a pas beaucoup à investir à cause de l’insécurité, remplace Nango Dembélé au ministère de l’Agriculture ;
Me Jean Claude SIDIBE, qui était précédemment ministre des Sports est bombardé sans trop grand mérite, Ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle ;
II- Ceux qui ont perdu
1°) Les femmes:
Elles ne sont que 9 sur un total de 38 ministres, soit un taux de 23 %, contre 11 sur 32, soit un pourcentage de 34 % dans l’équipe précédente.
Ça, c’est une régression et une violation de la Loi sur la promotion du genre. Cette loi dit que 30% au moins des postes partout doivent revenir aux femmes. Or, avec 9 sur 38 on, est loin du compte.
Contre une seule rentrante comme ministre délégué auprès du Premier ministre, Chef du Gouvernement, ministre de l’Économie et des Finances, chargé du Budget (Madame BARRY Aoua SYLLA), trois dames ont été éjectées de l’équipe Boubou Cissé : Mme Racky TALLA du Travail de la fonction publique, Mme KEITA Aïda MBO de l’Environnement et du développement durable et Mme MIGAN Aïssatou Founé SAMAKE de la Recherche scientifique.
Dans la nouvelle équipe gouvernementale, il n’y a eu aucune promotion véritable du Genre. Les femmes stagnent, dans des postes superfétatoires (artisanat, culture…) Aucun ministère de souveraineté même si certaines occupent des portefeuilles stratégiques pour le développement socioéconomique : Infrastructures et de l’Équipement, élevage et pêche, Mines et du Pétrole, Promotion de l’Investissement privé, des Petites et Moyennes Entreprises et de l’Entrepreneuriat national.
2°) Le RPM
Le parti présidentiel est passé de 11 à 9 ministres. Une petite coupe numérique, mais un grand chamboulement en termes de préséance au sein de l’équipe.
Sans compter les ministres sympathisants, le Rpm a vu la sortie de 5 de ses ministres : Tiéna Coulibaly (Ministère de la Justice qui avait adhéré à la section de Douentza),Soumana Mory Coulibaly (Ministère des Transports), le Pr Abinou Témé (Ministère de l’Éducation), Nango Dembélé (Agriculture), Alassane Ag Mohamed Moussa (Ministère du Commerce et de la Concurrence).
Par exemple, Kéita Aïda M’Bow (Environnement, Assainissement et développement durable), épouse de Nancouma Keïta, 2ème vice-président du RPm pouvait être comptée parmi les ministres sympathisants tout comme le Pr Assétou SAMAKE Miguan.
En contrepartie, le parti RPM, qui s’attendait à voir sortir le Pm de ses rangs, devra se contenter de la nomination de seulement 3 de ses cadres en remplacement de ces 5 départs. Et à quels ministères ?
-Me Baber GANO au ministre de l’Intégration africaine ;
-FAMANTA au ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique ;
Adama SANGARE,Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Agriculture,chargé de l’Aménagement et de l’Equipement rural.
Si le parti présidentiel peut se réjouir de la nomination de Moulaye Boubacar à l’Agriculture, les tisserands peuvent déplorer la rétrogradation de Ag Erlaf qui de l’Administration, celui qui a piloté sans faute, la dernière présidentielle, au ministère du Commerce.
De trois départements de souveraineté dans l’ancienne équipe (Justice, Administration territoriale et décentralisation, et Agriculture), le parti présidentiel n’occupe qu’un seul département régalien : l’agriculture. La Justice et l’administration lui ayant échappé pour un cadre de la société civile et un autre de l’Adéma.
3°) EPM et les autres
signataires de l’Accord
C’est la grande désillusion. Sur la soixantaine de partis politiques de la majorité, seul 6-7, et toujours les mêmes, sont représentés au sein du gouvernement : RPM, ADEMA-PASJ, ASMA-CFP, UM-RDA, MIRIA, PS YELEN KOURA et APR. Est-ce à dire que les autres partis politiques sont des supplétifs, pardon des compléments d’effectifs avec lesquels, il faut garnir les obscurs cabinets ministériels, se plaint un responsable de la majorité. Un autre n’hésite pas à comparer leur situation, la situation de ces partis laissés pour compte, à celle des jeunes diplômés. On ne vous prend pas parce que vous n’avez pas d’élus et d’expérience. Mais si on ne nous prend pas comment on aura de l’expérience et des élus. Alasko va plus loin, il dit attendre de pied ferme la formation des cabinets pour voir, si IBk ne les a pas simplement oublié.
Qui des autres signataires de l’accord ? Si les groupes armés ont renoncé, ce n’est pas le cas des autres parties signataires, individuellement qui aspiraient à figurer dans le gouvernement.
Jusqu’où la désillusion peut-elle conduire ?
4°) L’opposition
Elle est divisée avec le nouveau gouvernement. L’opposition, toutes tendances confondues, a été fragilisée, car IBK et son PM ont pioché partout : FSD, COFOP et ADP-MAliba sans compter les autres signataires de l’Accord de gouvernance qui restent à la porte du gouvernement, dont le NPP avec le parti de Modibo Kadioké.
Divisée désormais en partisans et adversaires du gouvernement, les anciens amis de l’opposition vont s’affronter et IBK aura la paix, avant la fin du match. Ceux qui sont restés sur la touche, à cause de l’intransigeance de leur chef, vont continuer à ruminer leur déception, à faire le service minimum sinon à baisser les bras.
Pour ceux qui sont entrés dans l’équipe Boubou Cissé, malgré les apparences n’ont bénéficié que des poudrières. Pour cause : le gouvernement a été ouvert pour organiser le dialogue inclusif avec notamment leurs anciens amis, relancer les réformes qu’ils contestaient jusqu’à leur entrée dans le gouvernement et apaiser les tensions sociales, le Premier ministre les a donc envoyé en mission commando pour ne pas dire au charbon dans les départements à problèmes.
Amadou Thiam de ANTE ABANA pour conduire la réforme de la constitution, Oumar Hamadoun Dicko du FSD pour apaiser le front social, les syndicalistes ; TIEBILE DRAME pour éteindre le feu à l’ONU, au FMI et avec les autres partenaires économiques et faire le pigeon voyageur comme il aimait à le reprocher au président IBK.
En somme, des missions, non impossibles, mais difficiles.
À tire individuel
Des titulaires de grands départements de souveraineté ont été éjectés (Tiénan Coulibaly, Nango Dembélé), d’autres ont été vertigineusement relégués pour ne pas dire dégradés. Parmi eux ont peut citer :
-L’ex-patronne de la diplomatie malienne, ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Mme Kamissa CAMARA, juste pour ne pas l’éjecter, a été confinée dans un petit ministère créé de toutes pièces, celui de l’Économie numérique et de la Prospective.
-« Planificateur et organisateur principal de la fraude à ciel ouvert et du bourrage des urnes » dont la tête avait été mise à prix par l’opposition suite à la présidentielle, Mohamed AG ERLAF (RPM), est refoulé du ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation au profit de Boubacar Bah dit Bill, dont le soutien au président IBK, en dépit de leur amitié de longue date, n’a jamais été publiquement et clairement affiché.Exigence de l’opposition ou pour ménager les nouveaux amis ? Ag Erlaf sera exilé au Commerce, où il devrait faire un tout autre apprentissage.
-Amadou KOITA le puissant et bouillant ministre de l’Emploi, de la jeunesse et porte-parole du gouvernement, est repêché in extremis et envoyé au département des Maliens de l’Extérieur. Est-ce pour avoir mal parlé ou trop parlé au nom du gouvernement ?
-Ministre de la Jeunesse et des Sports, Arouna Modibo TOURE, était le ministre de l’Économie numérique, de la communication et des nouvelles technologies.
La Rédaction